Alors que certains pays musulmans atteignent la parité dans l’éducation, d’autres font face à des défis majeurs avec des millions de filles non scolarisées. De la Malaisie à l’Afghanistan, en passant par le Maroc et le Pakistan, c’est une situation contrastée où l’enjeu dépasse largement le cadre éducatif, touchant au développement économique et social de ces nations. Tour d’horizon des avancées et des obstacles à surmonter, chiffres à l’appui à l’occasion d’un colloque organisé à Islamabad par la Ligue Islamique Mondiale en partenariat avec le gouvernement du Pakistan..
Le Premier ministre pakistanais, Muhammad Shehbaz Sharif, a mis en lumière l’ampleur du défi dans son pays, où plus de 22 millions d’enfants, dont 60% de filles, ne sont pas scolarisés. Cette situation s’inscrit dans un contexte régional préoccupant : selon les dernières données de l’UNESCO, les pays à majorité musulmane présentent certains des taux les plus bas de scolarisation des filles au niveau secondaire. En Afghanistan, depuis 2021, près de 1,1 million de filles sont privées d’accès à l’enseignement secondaire, tandis qu’au Yémen, seulement 40% des filles achèvent le cycle primaire.
Le contraste est saisissant avec d’autres pays musulmans ayant fait des progrès significatifs : la Malaisie affiche un taux de scolarisation des filles au secondaire de 95%, et les Émirats Arabes Unis ont atteint la parité entre les sexes dans l’enseignement supérieur, avec 77% des étudiantes à l’université. Ces exemples démontrent qu’un changement positif est possible lorsque la volonté politique s’allie à des investissements concrets.
L’éducation essentielle pour le marché du travail
« Refuser l’éducation aux filles, c’est leur refuser un avenir à elles et à leurs familles », a déclaré le Premier ministre pakistanais, soulignant que l’éducation des filles n’est pas seulement un droit fondamental, mais également une nécessité pour le développement économique et social des pays à majorité musulmane. Les études de la Banque Mondiale confirment cette analyse, démontrant qu’une année supplémentaire d’éducation secondaire pour les filles peut augmenter leurs futurs revenus de 10 à 20%.
Dans le contexte africain, des pays comme le Maroc illustrent la complexité des défis à relever. Si le royaume a atteint un taux de scolarisation des filles de 80% dans le primaire en milieu urbain, ce chiffre chute dramatiquement à 45% dans les zones rurales, révélant des disparités géographiques persistantes.
Ces écarts s’expliquent souvent par des barrières culturelles et sociétales, notamment les mariages précoces et les préjugés persistants sur le rôle des femmes dans la société.
Le cri d’alarme de Malala Yousafzai
Lors de son intervention, Malala Yousafzai, 27 ans, militante pour l’éducation et lauréate du prix Nobel de la paix, a appelé les dirigeants musulmans à ne pas légitimer le régime taliban afghan et à faire preuve de « véritable leadership » pour contrer les restrictions imposées à l’éducation des femmes et des filles en Afghanistan. « Ne les légitimez pas. En tant que dirigeants musulmans, le moment est venu de prendre la parole et d’utiliser votre pouvoir pour montrer le véritable islam », a-t-elle déclaré.
Cette situation a un coût économique considérable : selon un rapport récent de l’UNICEF, les pays à majorité musulmane perdent collectivement plus de 575 milliards de dollars par an en potentiel économique non réalisé, directement lié à la sous-scolarisation des filles. Dans des pays comme le Pakistan, l’augmentation du taux de scolarisation des filles de seulement 10% pourrait contribuer à une hausse de 3% du PIB.
Des exemples de réussite comme celui de la Jordanie, qui a réussi à faire passer le taux d’alphabétisation des femmes de 55% à 96% en une génération, montrent que des changements rapides sont possibles avec une volonté politique forte et des investissements ciblés. Dr. Mohammad bin Abdulkarim Al-Issa, secrétaire général de la LIM, a d’ailleurs présenté l’initiative internationale pour l’éducation des filles comme une étape décisive vers un changement tangible. « Il ne s’agit pas d’un appel temporaire ou symbolique, mais d’un engagement durable pour transformer les sociétés musulmanes à travers l’éducation », a-t-il affirmé.
Cette problématique complexe nécessite une approche globale, prenant en compte non seulement les aspects économiques mais aussi les dimensions culturelles, sociales et religieuses. Les succès observés dans certains pays musulmans démontrent que les obstacles peuvent être surmontés lorsque tous les acteurs de la société se mobilisent autour de cet objectif commun.