Nawal El Saadawi, médecin et écrivaine égyptienne, a passé deux mois et demi en prison pour ses idées. C’était en 1981. Vingt ans plus tard, paraissent ses Mémoires de la prison des femmes, formidable cri de révolte et de liberté.
Nawal El Saadawi a commis toutes sortes de crimes : elle a écrit 27 livres – des nouvelles, des romans, de la poésie, des essais – ainsi que des articles qui » encensent la liberté « . Elle avoue des penchants philosophiques et revendique sa condition de » femme libre à une époque où l’on ne tolère que les esclaves « . Pour tout cela, Nawal El Saadawi, médecin et écrivain égyptien reconnu, est appréhendée à son domicile du Caire le 6 septembre 1981 et emmenée à la prison des femmes de Kanater.
Sans aucun jugement, elle passera deux mois et demi avec quatorze autres détenues politiques dans une cellule sombre et insalubre, jusqu’à ce que la mort de Sadate, qui a ordonné son arrestation, mette fin à son calvaire. » Si je trouve un pistolet sur toi, c’est moins grave que si je trouve un crayon « , lui dit le directeur de la prison à son arrivée. Dès lors, écrire devient l’obsession de Nawal. Ses Mémoires de la prison des femmes ont été rédigés en arabe sur du papier hygiénique. » Assise sur une poubelle renversée, face au lavabo, j’ai écrit ces mémoires, tandis que grouillaient autour de moi des cafards, des scarabées et des lézards « , explique-t-elle.
Libres pensées
La promiscuité de la prison, avec des codétenues d’âge, de condition et d’opinion différents, va se révéler enrichissante. » En prison, j’ai connu les deux extrêmes : la tristesse infinie et la joie indicible ; la douleur maximale et le plaisir absolu, la beauté la plus parfaite et la laideur consommée « , écrit-elle. A travers la chronique d’une survie quotidienne pénible, Nawal va se révéler à elle-même. Elle égrène ses souvenirs… l’internat, les yeux » de la couleur des plantes » de sa grand-mère, sa mère qui lui a donné » la vie et le goût de la révolte dès l’enfance « , ses études de médecine, ses prises de position qui ont conduit à son arrestation.
Celle qui écrit qu’elle n’est pas née à la bonne époque fustige les écrivains et philosophes de son pays qui sont pour la plupart des fonctionnaires comme les autres, ainsi que ses collègues médecins qui sont » comme des épiciers vendant de la santé à des malades « . Alors qu’elle sait qu’en Egypte à cette époque » l’écriture est plus grave que le meurtre « , elle consigne avec rage ses libres pensées. Ces Mémoires, document historique et politique, témoignage distancié et poignant, sont aussi et surtout le cri de liberté qu’une femme lance à la tête de ses bourreaux. Une femme qui n’est jamais tombée à genoux. Même en prison.
Mémoires de la prison des femmes de Nawal El Saadawi, traduit de l’arabe (Egypte) par Magda Wassef, éditions du Serpent à Plumes.
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