L’économiste Hassan Zaoual est mort


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Hassan Zaoual est décédé ce mercredi à 60 ans à Lille, en France. L’économiste du développement enseignait à l’université du Littoral-Côte d’Opale à Dunkerque. La théorie des sites, dont il est l’initiateur, est le legs d’un esprit brillant qui avait confronté et compris les contours et les enjeux du développement dans les pays du Sud. Son attachement à son Maroc natal n’y était certainement pas étranger, tout comme sa volonté de créer des ponts entre le Nord et le Sud. Son parcours professionnel et ses engagements au sein de plusieurs ONG en témoignent.

Hassan Zaoual s’est choisi un autre site ce mercredi : le ciel. L’économiste du développement d’origine marocaine est décédé chez lui à l’âge de 60 ans à Lille, dans le nord de la France. Docteur d’État ès-sciences économiques, il était professeur à l’Université du Littoral-Côte d’Opale (ULCO) à Dunkerque où il dirigeait le Groupe de recherche sur les économies locales (GREL). Hassan Zaoual est le concepteur de la théorie des sites symboliques d’appartenance. « Je prétends que l’être humain ne peut fonctionner qu’à partir d’un site symbolique. Le site symbolique, ce sont des croyances, des pratiques, du sens. (…) Un village, un quartier, une ville, une région peuvent être des sites symboliques. Une entreprise aussi. », expliquait-il lors d’une rencontre à Fès en 2005 (Extrait de « Tisseurs de Paix », Patrice Van Eersel, éd. Le Relié, 2005).

Contrairement à l’Homo œconomicus, l’Homo situs d’Hassan Zaoual a une grande faculté d’adaptation. « L’Homo situs doit remplacer l’Homo œconomicus, qui a fait faillite. À la différence de ce dernier, unidimensionnel et fragile, l’Homo situs est à la fois transdiciplinaire et écologique, traditionnel et futuriste», plaidait-il. En d’autres termes, l’Homo situs est « l’homme de la situation : varié, variable, conjuguant plusieurs paramètres, beaucoup plus expert » que tous les experts du développement produits par « l’économie dominante ». La vision de l’économiste se voit confirmée dans les trajectoires de développement des pays du Sud. Ainsi, ce que les institutions internationales qualifient de secteur informel est bien la réponse du « site » à des impératifs socio-économiques.

L’Homo situs, une approche inédite du développement

Le site, une notion née, écrivait Hassan Zaoual, « lors de la rédaction d’une communication sur le sens implicite des pratiques locales dans le cadre d’un colloque international organisé à l’automne 1990 en Ecosse, contrée brumeuse d’Adam Smith, théoricien de la « main invisible », ceci juste avant le déclenchement de l’opération de la guerre du Golfe dénommée Tempête du désert. » Une coïncidence qui ne laisse pas indifférent Hassan Zaoual, né à Rabat le 6 décembre 1950, mais originaire de la commune rurale de Fask, dans le Sud du Maroc (région de Goulimine). Son nom berbère Jaouani, celle d’une fraction de la tribu des Aït Ahmed, l’une des dernières tribus berbérophones avant le désert du Sahara marocain, est un dérivé de « Ijawan » qui signifie en langue berbère locale « Tempête de sable ».

A l’actif d’Hassan Zaoual, de nombreuses publications et une dizaine d’ouvrages dont Du rôle des croyances dans le développement économique où il détaille sa théorie. En participant à l’ouvrage collectif, Sottosopra. La globalizzazione vista dal Sud del mondo, il côtoie deux prix Nobel : l’Indien Amartya Sen, prix Nobel d’économie 1998, et le Nigérian Wole Soyinka, prix Nobel de littérature 1986.

Théoricien émérite, l’économiste était aussi un acteur du développement, notamment de son territoire Fask. Il y avait initié le Forum mémoires, territoires et savoirs dont la deuxième édition s’est déroulée en mai dernier. Au Maroc, l’expertise d’Hassan Zaoual était reconnue, tout comme dans les pays du Sud où il a été invité par plusieurs universités. Homme de dialogue entre le Nord et le Sud, il a ainsi été administrateur-fondateur du Réseau Sud-Nord cultures et développement et du Réseau cultures-Europe.

Son engagement auprès de l’ONG belge Echos Communications l’a conduit tout naturellement à être l’un des membres du jury de l’initiative Harubuntu des porteurs d’espoir et créateurs de richesse africains. Un projet qu’il a aidé à conceptualiser, notamment grâce à sa théorie des sites qui trouvent dans les valeurs véhiculées par Harubuntu une énième validation, si besoin était. Récemment, Hassan Zaoual a mis son expertise au service de Cités et gouvernements locaux unis d’Afrique (CGLUA), l’association des collectivités locales africaines, co-organisateur d’Harubuntu et dont le siège est à Rabat, la ville d’Hassan Zaoual. L’adage dit que les meilleurs partent les premiers. Les qualités humaines et intellectuelles d’Hassan Zaoual le confirment. Il était marié et père de deux enfants.

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