Washington – L’engagement officiel du gouvernement américain auprès des partis politiques islamiques est depuis longtemps un sujet qui prête à controverse. Pourtant, en avril dernier, les administrateurs de rang intermédiaire de la Maison Blanche ont officiellement rencontré une délégation des Frères musulmans d’Egypte. Le Parti républicain a jugé le geste du président Obama audacieux, malgré des précédents créés par des administrateurs à la fois républicains et démocrates et des sénateurs comme Lindsey Graham (R-Caroline du Sud), John McCain (R-Arizona) et John Kerry (D-Massachusetts) lesquels avaient tous déjà rencontré des représentants des Frères musulmans.
Compte tenu de l’arrivée des partis islamiques au pouvoir, notamment en Tunisie et en Egypte, l’engagement des Etats-Unis est devenu une question importante dans la campagne des candidats à la présidence américaine. Au lieu de cela, il conviendrait, pour les deux côtés, de considérer leurs relations comme une occasion d’accroître leur activité économique.
Pour les Etats-Unis, l’étape suivante consiste à ne plus se préoccuper du degré selon lequel l’islam peut influencer les chefs de partis et à regarder le potentiel du pays en tant que partenaire économique. Si les Etats-Unis agissent de la sorte, ils auront accès au plus grand marché du monde arabe : l’Egypte, laquelle représente un grand marché pour les produits américains ainsi qu’une base pour les investissements étrangers directs.
En réalité, la Tunisie et l’Egypte ont le potentiel pour rendre les marchés émergents africains accessibles. Depuis 2011, des discussions sur l’accord de libre-échange avec l’Egypte ont surgi au sein de la commission des relations extérieures du Sénat américain et cet accord pourrait offrir un nouveau cadre susceptible de profiter aux deux pays grâce à un accroissement des échanges. Les entreprises américaines pourraient profiter des marchés égyptiens et, en retour, l’Egypte pourrait exporter plus aisément en direction des Etats-Unis.
En Egypte, les Frères musulmans sont à la tête du Parti Liberté et Justice qui détient 235 sièges sur 498 au Parlement égyptien. Leur candidat, Mohamed Morsi, a également été élu président. Plusieurs raisons expliquent le succès de ce Parti. Au début de 1948, les Frères musulmans ont été contraints à la clandestinité et ont participé à des sphères d’influence non politiques comme les programmes de santé et d’alphabétisation leur permettant de créer des liens avec les Egyptiens au niveau local. C’est ainsi que le Parti Liberté et Justice est apparu en 2011. Pour l’heure, les électeurs égyptiens ont le sentiment que les partis islamiques sont responsables devant eux après les élections et qu’ils feront l’objet de critiques lors des prochaines élections s’ils faiblissent.
En Tunisie, le parti Ennahda est né en 1981 et a été interdit par l’ancien président Ben Ali en 1992. Certains le considèrent comme un parti crédible qui comprend les préoccupations des citoyens ordinaires comme la corruption, ce qui a sans doute contribué à son succès lors des élections de 2011.
Pourtant, le fait que le parti égyptien Liberté et Justice et le parti tunisien Ennahda soient des partis islamiques ne signifie pas d’une part qu’ils vont mener les deux pays vers un destin politique et économique semblable ni qu’ils les pousseront à entretenir les mêmes relations avec les Etats-Unis. Les spécialistes du Moyen-Orient tels que Stephen King et Samer Shahata de Georgetown University soulignent que les facteurs en jeu en Egypte sont plus compliqués qu’en Tunisie.
En termes de politique étrangère, la société civile et les dirigeants politiques en Egypte remettent en cause la dépendance croissante du pays vis-à-vis de l’aide économique américaine à travers l’aide étrangère. En revanche, la Tunisie a été plus ouverte aux relations avec les Etats-Unis, en accueillant par exemple le Corps de la Paix. Les ONG tunisiennes sont préoccupées par le chômage des jeunes et nombreux sont celles qui se félicitent des programmes de formation technique cautionnés par le Corps de la Paix américain destinés à leur enseigner des techniques leur permettant de prétendre à un travail. Les Etats-Unis ont également fourni de l’aide pour des programmes d’allègement de la dette et de la société civile.
En ce qui concerne l’engagement politique entre les Etats-Unis et les partis nouvellement élus en Tunisie et en Egypte, l’accent devrait porter sur les possibles avantages économiques. Que ce soit aux Etats-Unis, en Egypte ou en Tunisie, les gens participent à la politique pour que leurs voix soient de nouveau entendues et pour améliorer leurs chances d’accéder aux marchés. Le succès des Frères musulmans et d’Ennahda a montré que les électeurs sont prêts à s’exprimer en matière de bien-être socio-économique. Il est temps pour les Frères musulmans et Ennahda de prouver qu’ils peuvent obtenir plus d’opportunités économiques pour leurs citoyens et pour les Etats-Unis de montrer qu’ils s’engagent avec des dirigeants démocratiquement élus et qu’un tel engagement peut servir les intérêts des deux parties.
Par Notre partenaire Common Ground (CGNews)
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