Les transferts d’argent au Royaume chérifien des Marocains résidant à l’étranger s’élèvent cette année à plus de 37 milliards de dirhams. Une somme en constante augmentation depuis 10 ans qui pourrait être remise en cause par un changement des mentalités chez les émigrés de la troisième génération. Le gouvernement prépare déjà la parade.
Ils sont 3 millions de Marocains à vivre à l’étranger. Soit 10% de la population. Et leur poids économique est de plus en plus important depuis une dizaine d’années. Pour 2003, le montant des transferts d’argent des Marocains résidant à l’étranger (MRE) se chiffre à 37,6 milliards de dirhams, soit, 3,76 milliards d’euros. « C’est l’équivalent d’une bonne année agricole pour le pays », explique Azedine Basri, conseiller économique du ministère des MRE, créé en novembre 2002.
« Les transferts d’argent des MRE sont l’une des premières sources de devises pour le Maroc, devant le tourisme. Le volume des transferts, qui connaît chaque année une augmentation de 5 à 6%, représente 10% du PIB marocain et 25% des importations. C’est-à-dire qu’un produit sur cinq est acheté par un MRE. Et c’est sans compter l’informel, qui représente quelque 5 milliards de dirhams, voire plus », précise-t-il.
Troisième génération
83% des 37,6 milliards enregistrés concernent l’habitat (achat de logements, de terrains…), 12% sont consacrés au commerce, 3% à l’industrie et 2% à l’agriculture. Pour le moment, le profil des MRE qui envoient de l’argent au Royaume n’est pas clairement établi. Pour autant, on sait qu’ils sont issus de la première et de la deuxième génération d’émigrés. L’enjeu des cinq et dix prochaines années sera pour le Maroc de savoir séduire la troisième génération, moins décidée à investir dans le pays.
« Les jeunes de la troisième génération ne font pas de transferts, ne montrent aucune volonté d’acquérir des terrains et il est exceptionnel qu’ils possèdent des comptes bancaires », admet Khadija Gamraoui, conseillère en communication au ministère des MRE. « Cela risque de poser un problème à terme mais pour le moment cela n’affecte pas le volume des transferts. Les jeunes Marocains viennent passer leurs vacances au pays et ils sont très consommateurs. Les recettes restent donc importantes. »
Améliorer les opportunités d’affaires
Ce changement de mentalité est palpable sur le site Yabiladi, consacré à la communauté marocaine à l’étranger. Lors d’un chat avec la ministre déléguée aux MRE, Nouzha Chekrouni, de nombreux internautes ont critiqué « la lourdeur administrative » et « le manque d’information sur les conditions de transferts et d’investissement au Maroc ». « La plupart des MRE refusent d’investir non pas par manque d’argent mais par manque de confiance », peut-on lire sur le site. Ou encore : « La nouvelle génération demande du concret et si elle ne l’obtient pas, son lien avec le Maroc va se dégrader ».
Pour éviter que cela se produise, le ministère des Affaires étrangères a placé les MRE et leur satisfaction au cœur de ses préoccupations. La création d’un ministère qui leur est destiné est déjà un pas important. Celui-ci compte aussi sur le développement accru des CRI (Centres régionaux d’investissement) pour attirer les Marocains de l’extérieur. Même si ces cellules rattachées au wali, chargées de l’accueil et de l’accompagnement des investisseurs ainsi que du suivi des projets, ne sont pas réservées qu’aux MRE.
« Le gouvernement met en place une grosse stratégie pour améliorer les opportunités d’affaires », explique Azedine Basri. « Nous avons aussi créé un conseil d’experts pour accompagner concrètement l’investisseur et le décharger d’un ensemble de tracasseries administratives. Résultat : nous avons un système triangulaire (le ministère-les experts-l’investisseur) et une chaîne dans laquelle l’investisseur n’est jamais seul. C’est un gage de sérénité et de sécurité. » Le récent ministère a également initié une étude socio-économique des profils des MRE. Age, profession, rapport au pays… Afin de ne pas oublier que derrière les chiffres, se cachent des hommes et des femmes.
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