L’Afrique a enregistré une croissance de 5,7% en 2007 selon le rapport « Perspectives Economiques en Afrique » (PEA) 2008 du Centre de développement de l’OCDE. Les pays du continent ont profité d’une bonne conjoncture liée à la hausse du prix des matières premières. Paradoxalement, la manne pétrolière et un accroissement de leur productivité agricole devraient leur permettre de tirer profit de la crise alimentaire qui menace la stabilité économique de nombreux pays.
Une croissance de 5,7% du PIB et de 3,7% du PIB par tête : l’économie africaine résiste à la mauvaise conjoncture économique selon le rapport « Perspectives économiques en Afrique » (PEA) 2008, une production conjointe de Centre de développement de l’OCDE et de la Commission Économique pour l’Afrique des Nations unies.[[Elle est soutenue par l’Union européenne. Le rapport PEA 2008 porte sur 35 pays africains.]] « C’est la septième année consécutive où l’Afrique enregistre une croissance soutenue », précise Federica Marzo, l’une des économistes qui a présenté le rapport ce mardi à Paris. La hausse du prix des matières premières – pétrole et métaux – induite par la demande accrue des pays émergents, notamment la Chine et l’Inde, est en grande partie à l’origine de cette performance.
Le continent africain a également profité de la hausse des investissements dans le secteur des télécommunications, des infrastructures et des services financiers. L’intérêt accru des investisseurs s’explique par une poursuite des politiques macroéconomiques qui ont augmenté le niveau de confiance de ces derniers – les investissements se sont multipliés par 4 depuis 2000 – et permis aux Etats de gagner des marges de manœuvre fiscales. Elles se couplent à la libération de ressources fiscales, rendue possible par l’allègement de la dette dont ont bénéficié plusieurs pays africains. Des ressources qui peuvent être investies dans le développement des services de base.
Les jeunes Africains sont au chômage
Enfin, certaines économies africaines ont profité de bonnes conditions climatiques. Pourtant, « la pauvreté reste endémique en Afrique, rappelle Federica Marzo. Le continent est le seul au monde où le nombre de pauvres est en hausse. Le taux de chômage chez les jeunes est de 20% ». En Afrique du Sud, l’une des économies les plus performantes du continent, il s’élève à 25%. La nation Arc-en-ciel est aussi au cœur d’une grave crise énergétique en Afrique australe. Ses manquements en terme de fourniture en électricité ont eu un fort impact sur les performances de la plupart de ses voisins. Une situation qui s’explique par un déficit d’investissements dans les infrastructures depuis plus d’une vingtaine d’années. Mais en Afrique de l’Ouest, comme au Ghana qui alimente le Togo et le Bénin, et en Afrique de l’Est, seule la sècheresse est responsable de cette défaillance.
Autre point d’ombre : le fossé qui se creuse entre pays importateurs et exportateurs de pétrole. Le taux de croissance des premiers avoisine les 5% alors que les seconds enregistrent, eux, 6,7% de croissance. « Un écart qui va de plus en plus se creuser », selon Federica Marzo. « Les pays exportateurs de pétrole doivent s’engager dans une politique de diversification de leurs économies, les moins diversifiées sur le continent. En 2007, le Congo a enregistré une baisse d’un point de croissance à la suite d’un accident sur un site d’extraction de pétrole» , ajoute l’économiste. « Ce groupe de pays doit profiter de l’occasion historique qui se présente à lui. Le Nigeria et l’Algérie ont mis en place un fond de régulation et une réserve fiscale en cas de retournement de la conjoncture. L’Angola a également érigé un fonds de développement pour promouvoir l’investissement privé.»
A contrario, les pays importateurs se voient confronter à une augmentation des prix des produits alimentaires : plus 23% en 2007. Cette hausse est de 43% pour ce qui est des céréales. Le prix du riz, aliment de base dans plusieurs régions du monde, a augmenté de plus de 100% alors que la production des principaux pays producteurs est en recul depuis deux ans et que la demande mondiale ne cesse de s’accroître.
Des produits agricoles mal distribués, donc inaccessibles aux populations
Ces chiffres expliquent en partie la crise alimentaire que l’on connaît actuellement à travers le monde. Une situation à laquelle contribue également la production de biocarburants, « concurrent direct de la nourriture », note Federica Marzo. En outre, les pays africains sont des importateurs nets de produits alimentaires. Une tendance qui s’intensifie avec l’urbanisation galopante des villes africaines. Elles consomment en majorité des biens importés. La situation macroéconomique des pays africains importateurs de pétrole s’est par conséquent fortement dégradée provoquant des tensions sociales comme au Burkina Faso, au Cameroun ou encore au Sénégal, au point de mettre en péril la stabilité politique qu’on leur connaît depuis quelques années. « Au Mozambique, illustre Frederica Marzo, ces tensions sociales relèvent aussi de l’exaspération des populations qui ne voient pas leurs conditions de vie s’améliorer alors que la croissance économique est au rendez-vous ».
En dehors des mesures d’urgence pour pallier à la crise alimentaire, la solution se trouve dans l’accroissement de la productivité agricole en Afrique, la plus faible au monde. Le rapport de l’OCDE qui s’est focalisé cette année sur la formation technique et professionnelle préconise une meilleure adéquation des politiques d’éducation aux impératifs de développement. Ainsi, Lucia Wegner, chef de projet au Centre de développement de l’OCDE, suggère que l’accent soit mis dans la formation aux métiers liés à l’agro-industrie. L’économiste met en avant des expériences menées au Congo et au Bénin dans le domaine de la conservation et la transformation des produits agricoles. « La formation en milieu rural est cruciale pour assurer la sécurité alimentaire, a insisté l’économiste, 65 à 85% des populations africaines sont actives dans le secteur agricole.»
Une meilleure intégration régionale devrait également contribuer à une plus grande disponibilité des produits alimentaires. Ils souffrent en Afrique, selon Colm Foy, Chef de l’Unité publications et relations médias, d’un système de commercialisation et de distribution « désorganisé » qui ne permet pas d’assurer la satisfaction des populations sur le plan alimentaire.
Tirer parti de la manne pétrolière et de la crise alimentaire
Bien que contrastées, les conclusions des auteurs du rapport de l’OCDE n’en restent pas moins optimistes. « Cette crise alimentaire mondiale est une opportunité pour l’Afrique. Pour une fois, du fait de sa faible productivité, elle pourrait en bénéficier en proposant des prix élevés à l’extérieur du continent si elle augmente sa productivité », souligne Colm Foy. « Il est vrai que la conjoncture est plus problématique que l’année dernière, ajoute Federica Marzo. C’est une tendance lourde. Les prix ne vont pas baisser. Les pays africains doivent investir dans les énergies renouvelables et développer des solidarités régionales. Le Burkina Faso a par exemple fermé ses exportations à ses voisins en dépit des importants stocks alimentaires dont elle disposait. Ce qui leur a nui. […] C’est le moment pour les pays africains de capitaliser sur les progrès déterminants réalisés ces dernières années. Une bonne gouvernance politique et économique est déterminante dans cette phase pour limiter les dégâts, exploiter les opportunités (pétrole et agriculture) et poursuivre les réformes structurelles qui ont été lancées». L’OCDE prévoit une croissance de 6% pour 2008.