L’écologie africaine peine à s’imposer en politique


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Ecologie

Problème de reconnaissance, de poids politique et de voix au chapitre. Les partis écologistes africains tentent de s’imposer dans la vie politique de leur pays. Non sans mal. Le Bénin se bat contre la pollution et le Mali pour l’énergie renouvelable. Gros plan sur les stratégies des Verts.

 » Les partis traditionnels sont puissants, ils ont tous les moyens nécessaires pour toucher la population. La presse du pays est noyautée et cela ne lui rapporte pas assez de parler d’écologie dans ses colonnes. Et pour les élections, la corruption règne en maître « , s’insurge Toussaint Hinvi. Fondateur et président du Parti écologiste béninois – Les Verts, il sait de quoi il parle.

 » Il faut que l’écologie soit un sujet politique pour qu’on s’y intéresse. Nous avons créé notre parti en 1996 mais nous évoquons ces problèmes depuis plus de dix ans.  » Les écologistes béninois se sont présentés aux dernières élections présidentielles au sein d’une coalition avec l’UDS. La tâche n’a pas été facile et le résultat n’a pas été à la hauteur des espérances.

1,1% des voix. Quelques 30 000 personnes convaincues par le programme écologiste.  » L’écologie pour les Béninois est un monde à part, un monde de luxe. Pourtant Cotonou est la ville la plus polluée de la planète, devant Mexico. La masse des gaz d’échappement est visible à l’oeil nu. Il y a plus de 200 000 vélomoteurs « , analyse Toussaint Hinvi. Pourtant, la mobilisation des grandes villes n’était pas au rendez-vous. Par manque de visibilité.

Cinq-cent membres actifs répartis dans tout le Bénin – en majorité des jeunes, beaucoup d’étudiants -assurent la propagation du message écologiste. Message essentiel dans un pays où les lois protégeant l’environnement ne sont pas appliquées. Les industries étrangères continuent de s’y installer de façon anarchique et dangereuse.  » Il y a beaucoup de problèmes de dépôt de particules polluantes sur la peau, de toux. Les premières victimes ne comprennent pas elles-mêmes les enjeux.  » Quant à l’argent de la communauté internationale, il est gaspillé.

Pour faire respecter les conventions internationales en matière d’écologie, Toussaint ne voit qu’une solution : la coopération avec les écologistes européens pour mettre en place des dispositifs juridiques.  » Les lois respectées dans vos pays doivent l’être aussi dans les nôtres. Le droit d’ingérence qui existe pour sauver des vies doit exister aussi pour sauver l’écologie dans nos pays « , dit-il.

La terre et la ménagère

Au Mali, comme au Bénin, il n’existe pas de politique durable de protection de la terre. Pourtant, pour Fadimata Bintou Touré, l’une des fondatrices du Parti Ecologiste pour l’Intégration (PEI),  » Nous pouvons gouverner le pays autrement, en permettant à la population de vivre de la terre tout en la protégeant.  »

Il faut attirer l’attention de la population sur les dangers que représentent la désertification et la désertisation*.  » Les ménagères tirent leurs produits des maigres ressources forestières qui restent.  » Or, depuis les années 60, la dégradation de l’environnement accompagne celle du pouvoir d’achat de la ménagère.

 » Les autres formations politiques ont peur de nous car elles savent que l’enjeu que nous mettons en avant est important. Notre programme ne permet pas le mensonge « , explique Fadimata Bintou Touré.  » En 1992, les autres partis nous ont donné une place. Très vite, ces mêmes formations nous ont combattu au niveau de la population. Pour nous nuire, on nous a comparés aux éléments des Eaux et Forêts qui empêchent qu’on coupe les arbres n’importe comment, qui sont perçus comme la police.  »

Le soleil, le vent et le gaz

Malgré cela, le parti obtient six conseillers municipaux en 1992 grâce à sa nouvelle conception politique et sans financement.  » Nous avons mené la campagne avec nos petits moyens. Nous avons fait l’erreur de vouloir aller partout pour que notre parti soit national et nous nous sommes éparpillés « , analyse Fadimata. A l’époque pourtant, 20 000 militants répondent présent. Aujourd’hui, ils sont certainement plus, même si le parti manque de statistiques car il ne s’est pas présenté aux élections de 1997.

Contrairement à celle du Bénin, la population malienne agit.  » Notre pays est continental, tropical et sous-développé. Nous ne vivons que de la nature. Si l’on développe l’énergie solaire, la population n’ira pas couper du bois. Il faut mettre en place une politique pour aider les populations à se servir des énergies renouvelable (comme l’énergie éolienne).Ce sont des produits très chers qu’une famille ne peut pas se payer. Une bouteille de gaz coûte entre 1700 et 2000 FCFA alors que le Smic est à 1700. Les gens préfèrent couper du bois. Tant que le problème de l’énergie ne sera pas résolu, la population souffrira et l’environnement en fera les frais « , explique Fadimata.

Sensibiliser, former les militants et la population sont donc des priorités.  » Beaucoup sont curieux de ce que nous faisons et comme 60-70% d’entre eux sont analphabètes, nos séminaires de formation sont en français et en langues locales.  » Le parti écologiste malien espère une intégration au niveau national et africain (sous-régional). Aux prochaines élections, en 2002, il compte bien se présenter à tous les niveaux.

*Désertisation : poches de désert, de déboisement au sud du pays dans une zone qui n’est pas au contact direct avec le désert. On exploite ces zones de savane. Les terres sont utilisées pour l’élevage extensif et les cultures de rente comme le coton.

Pour aller plus loin : lire notre dossier Les Verts poussent en Afrique

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