En Afrique, il vaut mieux être un garçon pour avoir une chance d’apprendre à lire et écrire. La scolarisation des filles, qui progressait lentement depuis les indépendances, a subi de plein fouet les effets de la crise.
Lorsque l’on dit qu’un Africain sur deux ne sait pas lire, il faudrait toujours préciser que l’analphabétisme touche, en fait, 40 % des hommes mais 60 % des femmes. L’Afrique n’a pas, loin s’en faut, le monopole de l’inégalité des sexes face à l’éducation. Selon le Bureau international du travail, en 1990, » sur 130 millions d’enfants [dans le monde] n’ayant pas accès à l’enseignement primaire, 81 millions étaient des filles. « . Le même rapport précise qu’en 1995, » plus de la moitié des petites filles de 6 à 11 ans n’étaient pas scolarisées en Afrique subsaharienne. « Certains pays présentent des taux encore plus élevés de non-scolarisation des filles : environ 90 % au Burkina Faso et au Sierra Leone, plus de 80 % au Tchad et en Guinée. Seules exceptions : les pays enclavés d’Afrique australe, où l’émigration massive et précoce des garçons éclaircit leurs rangs dans les salles de classe.
Les mentalités et l’organisation traditionnelle des sociétés pèsent lourd dans ce bilan que tous les Etats tentent d’inverser. Les femmes elles-mêmes considèrent encore souvent que l’éducation des filles n’est pas vraiment nécessaire. Le développement des échanges conduit, ça et là, à une prise de conscience de l’utilité de savoir compter et lire des notices. Mais quand une adolescente est ou a été enceinte (c’est le cas de la moitié des jeunes filles âgées de quinze ans), la question de l’école est souvent définitivement réglée. Considérée dès lors comme une adulte, la jeune épouse et mère n’a plus le temps d’apprendre. Plus jeune déjà, on l’avait » préparée » à son métier de femme, en la chargeant d’assister sa propre mère dans toutes ses tâches domestiques.
Dès l’indépendance pourtant, la profession d’enseignant s’était ouverte aux femmes. En 1960, les maîtresses d’école et les femmes professeurs formaient un quart des effectifs de l’enseignement primaire et secondaire. Mais depuis les années 80, la crise économique n’a pas seulement enrayé la lente progression de la scolarisation des filles : elle a également barré l’accès des jeunes diplômées aux salles de classe. La dépense éducative annuelle par enfant africain est passée de 41 dollars US en 1980 à 26 dollars en 1985 et 25 dollars en 1995. En conséquence, selon le Programme des Nations-Unies pour le développement (PNUD), la scolarisation des filles a décliné pendant la même période dans la plupart des pays africains. Quant aux enseignantes, le nombre de postes toujours plus limité les a cantonnées de nouveau aux matières » féminines « , comme les arts ménagers ou le secrétariat.
Nouvelle autonomie
De façon générale, les difficultés économiques se conjuguent à l’état d’esprit de la population pour maintenir les petites Africaines sur le seuil des écoles. Parvenues à l’âge adulte, les jeunes femmes ne rattrapent presque jamais leur retard sur les hommes. Les auteurs du programme » Afrique Relance » de l’ONU ont ainsi remarqué que » les classes d’alphabétisation pour les femmes s’avèrent d’un impact limité, alors que les programmes liés à des activités génératrices de revenu ont été très fructueux « . Quelques contre-exemples permettent cependant d’évoquer de grandes perspectives. L’agence de presse Syfia rapporte l’initiative menée à l’école primaire d’Al Toleshi, un petit village de l’Ouest soudanais. La vingtaine de femmes qui y apprennent à lire acquièrent progressivement une nouvelle autonomie (lire leur histoire).
L’éducation contre les traditions ? Pas forcément. Mais l’éducation contre la misère et le statu quo, cela ne fait pas de doute. » Une éducation dépassant les dix ans de scolarisation (…) conduit à un pouvoir économique accru (…), un taux de fécondité inférieur, une amélioration de la survie infantile, et une réduction de la mortalité liée à la maternité. « * Petite Africaine, à tes crayons !
* ONU, » Afrique Relance «