Le 17è Tour du Faso a prit fin dimanche dernier sur la victoire du Néerlandais Marteen Tjallingii. Les Africains s’y sont montrés offensifs mais ont manqué de réussite et de stratégie, terminant avec une seule victoire d’étape. Le directeur de la course, Jean-Claude Hérault, fait le point sur la course et explique pourquoi il estime tout de même que les Africains sont sur la pente ascendante.
Laurent Zongo a sauvé l’honneur des Africains sur le 17e Tour du Faso, qui a prit fin dimanche dernier sur la victoire du Néerlandais Maarteen Tjallingii. Le Burkinabé y enregistre la seule victoire d’étape des continentaux, largement dominés par les compatriotes du maillot jaune et leurs voisins belges. Les Africains ont pourtant multiplié les attaques tout au long de la course, notamment par le biais des Burkinabés, mais ont pêché par manque de stratégie. Malgré le faible rendement des coureurs africains, les observateurs de la course continuent à parler de progrès. Le Directeur général de la course, Jean-Claude Hérault, fait le point sur la 17e édition de la course.
Afrik : Les Africains n’ont enregistré qu’une seule victoire d’étape sur la course, mais on parle tout de même de progrès pour le continent noir…
Jean-Claude Hérault : Globalement, je pense qu’ils sont en progrès. Car tous les jours, sur toutes les étapes, ils faisaient partie des attaquants. En revanche, j’ai l’impression qu’ils n’ont pas eus de préparation spécifique. C’est à dire qu’ils n’ont pas pu participer à beaucoup d’épreuves avant le Tour du Faso. Il y a bien eu le Tour du Sénégal, mais cela faisait déjà un mois. Et entre les deux Tours, les cyclistes n’ont pas couru. Alors qu’il faut courir le mois qui précède un grand Tour pour bien y figurer. Seuls quelques coureurs ont pu bénéficier de stages en France. Néanmoins, quand on voit l’augmentation de la moyenne sur la course, qui a été de 41,412 km/heure, on se rend compte du niveau élevé.
Afrik : En revanche, au moins deux étapes ont échappé à des concurrents africains en raison de stratégie de course défaillante (…)
Jean-Claude Hérault : Je pense effectivement qu’ils manquent de connaissances tactiques. C’est ce que nous constatons depuis 2001. Il s’agit aussi d’un problème d’encadrement. Il y a de bons directeurs sportifs dans les équipes africaines, mais ils ont eux-mêmes peu de connaissances tactiques. Au contraire de l’Europe, où les directeurs sportifs sont pratiquement toujours d’anciens cyclistes, en Afrique, ils ne l’ont en général jamais été. Il faudrait inverser cette tendance pour que les coureurs puissent progresser en matière de stratégie.
Afrik : Trois équipes de marques côtoyaient les huit sélections nationales africaines. Ces marques apportent-elles plus de moyens aux équipes qu’elles sponsorisent ?
Jean-Claude Hérault : En réalité, ce sont de simples équipes nationales. Mais pour différentes raisons, des marques patronnent des clubs ou des coureurs et participent aux Tours. Ces marques n’apportent malheureusement rien de plus à leurs équipes.
Afrik : Les frères Sawadogo, Gérémie Ouedraogo ou encore Laurent Zongo, les mêmes noms sont souvent revenus aux devants de la course. Quand pourrions nous voir un coureur africain intégrer un centre de formation européen, voire une équipe européenne ?
Jean-Claude Hérault : Grâce notamment à l’appui du ministère des Affaires étrangères et d’un ancien coopérant français, Eric Dubois, 13 écoles de cyclisme vont ouvrir au Burkina dans chacune des 13 régions du pays. Sept sont déjà actives. Des formateurs français y exerceront afin que ces écoles puissent gérer toute la formation d’un jeune coureur généraliste. Des pays comme la France ou la Belgique invitent également déjà quelques coureurs à participer à des stages. Il reste que les difficultés matérielles sont importantes et que le Burkina est un des pays les plus pauvres du monde. C’est pourquoi nous mettons sur pieds des opérations de mise à disposition de vélos. D’ici 5 à 6 ans, tout ce travail devrait porter ses fruits.
Afrik : Qu’a apporté Amaury Sport Organisation (ASO), depuis son implication dans le Tour du Faso, en 2001 ?
Jean-Claude Hérault : Nous sommes venus à la demande du ministère des Sports car cette épreuve, déjà largement connue à l’époque, allait disparaître faute de moyens financiers. Plus la course prenait de l’importance, plus les besoins augmentaient, et moins le pays avait les moyens de suivre. Après réflexion, nous avons décidé de venir. Afin que le cyclisme africain puisse également progresser, au contraire de ce qui se passait avant notre arrivée, nous avons décidé d’inviter moins d’équipes européennes et plus d’équipes africaines.
Afrik : Cette compétition est-elle rentable pour ASO ou l’investissement se fait-il à long terme ?
Jean-Claude Hérault : Cela nous coûte en investissement. Mais l’argent n’était pas vraiment notre but à l’origine, même si autant que faire se peut, nous essayons de ne pas en perdre, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Nous voulions réellement faire éclore des coureurs africains en venant ici. Le Tour de France est diffusé dans le monde entier, notamment en Afrique, et beaucoup d’Africains voudraient y concourir. Nous essayons de les y aider.
Afrik : Des chutes, dues à des trous apparus sur certaines routes après de récents orages, ont émaillé une étape de la course. Procédez-vous sur le Tour du Faso comme sur le Tour de France, où le moindre mètre carré de bitume est inspecté ?
Jean-Claude Hérault : Le réseau routier ici est très limité. La saison des pluies s’est terminée il y a un mois et a provoqué quelques dégâts sur la route. Le gouvernement n’a pas pu débloquer d’argent pour apporter les réparations nécessaires. Nous avons néanmoins averti toutes les équipes sur les dangers, qui concernaient une étape précise. La seule possibilité aurait été de l’annuler, mais nous avons estimé que ce n’était pas nécessaire. Pour le reste, nous procédons effectivement comme sur le Tour de France, en inspectant chaque mètre de course.
Afrik : Pour la première fois, huit kilomètres de pistes non goudronnées ont été placés sur ce Tour. Comment l’expérience s’est-elle déroulée ?
Jean-Claude Hérault : Ces secteurs, nettoyés, ont été placés sur deux étapes. Les tests ont été très très concluants et, sans dévoiler le prochain tracé, ils laissent entrevoir la possibilité d’autres secteurs de piste l’année prochaine. Le Burkina est un pays plat. Comme sur le Paris-Roubaix, il faut trouver des spécificités à chaque région.
Afrik : Justement, vous évoquiez une formation généraliste pour les jeunes coureurs burkinabés, mais ne devront-ils pas se spécialiser en sprinters-« rouleurs », en raison de cette géographie ?
Jean-Claude Hérault : Pour y remédier, il existe des aides au développement qui permettent à des coureurs d’aller courir dans des pays qui offrent d’autres géographies. C’est le cas de pays limitrophes comme le Cameroun ou le Niger.
Afrik : Pour ces mêmes raisons, envisagez-vous de passer les frontières sur le Tour du Burkina ?
Jean-Claude Hérault : Oui, nous l’envisageons. Pour qu’il y ait plus de variété dans le parcours, notamment de la montagne, mais également parce que la course intéresse toute la sous-région.