L’échec de la diplomatie d’Emmanuel Macron en Afrique


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Le Président français, Emmanuel Macron
Le Président français, Emmanuel Macron

Depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, la France a cherché à renforcer ses liens avec l’Afrique, un continent avec lequel elle entretient des relations souvent marquées par des héritages coloniaux et des interventions militaires. Toutefois, la diplomatie du Président français semble avoir échoué dans plusieurs pays du Sahel, où les relations se sont détériorées rapidement, ces dernières années. Le Niger, le Burkina Faso, le Mali et, plus récemment, le Tchad, l’Algérie, ont été au cœur d’une montée en tension avec la France.

Des décisions politiques et militaires mal calibrées ont conduit à un rejet croissant de la présence française sur le continent africain, avec pour conséquence l’expulsion des troupes françaises et un renouveau des alliances locales. Dans un contexte de réorganisation stratégique, Emmanuel Macron a annoncé un redéploiement des forces françaises, mais les interrogations restent nombreuses quant à l’efficacité de cette nouvelle approche.

Un échec diplomatique marqué par le rejet des interventions françaises

L’échec de la diplomatie française en Afrique s’est cristallisé au Sahel, notamment en raison des interventions militaires françaises au Mali et au Burkina Faso. La France, sous Macron, a continué à jouer un rôle de gendarme, souvent de « père », en Afrique, avec des forces déployées dans des opérations telles que Barkhane, une mission visant à lutter contre les groupes djihadistes dans la région du Sahel. Cependant, ces interventions ont suscité des ressentiments croissants, non seulement parmi les populations locales mais aussi au sein des gouvernements de ces pays, qui se sont progressivement détournés de Paris.

Au Mali, la situation a dégénéré après la chute du gouvernement pro-français en 2021, suivie d’un coup d’État militaire. L’impopularité de l’armée française, perçue comme un élément d’un néocolonialisme militaire, a été exacerbée par les accusations de ne pas avoir réussi à endiguer les violences djihadistes. Le gouvernement malien a alors exigé le retrait des troupes françaises du pays, décision qui a été mise en œuvre en 2022, marquant la fin de l’opération Barkhane au Mali. Ce retrait symbolisait le rejet d’une intervention perçue comme inefficace et surtout comme un instrument d’ingérence étrangère.

Niger, Tchad et redéploiement stratégique

Le Burkina Faso, qui faisait partie de la zone d’intervention de l’armée française au Sahel, a suivi un chemin similaire. Après un coup d’État en 2022, les autorités burkinabées ont annoncé leur intention d’expulser les forces françaises. Le climat anti-français s’est intensifié, nourri par une propagande nationaliste qui voit la France comme un acteur néfaste dans la lutte contre le terrorisme et les crises humanitaires. La présence militaire française a été interprétée comme un prolongement d’une influence impérialiste, avec peu de résultats tangibles pour la stabilité régionale.

Le Niger, autrefois un allié stratégique de la France dans sa lutte contre le terrorisme, a récemment pris un tournant en s’opposant à la présence française après le renversement du président Mohamed Bazoum en 2023. L’instabilité politique a ouvert la voie à une montée du nationalisme anti-français, et les autorités nigériennes ont exigé le départ des troupes françaises du pays. Cette décision a représenté un coup dur pour la France, qui perdait ainsi un pilier de sa stratégie militaire en Afrique. Dans ce contexte de rejet généralisé de la France, le Tchad a également vu ses relations avec Paris se tendre. Bien que le pays soit encore dirigé par un régime pro-français, le soutien populaire à la présence militaire française reste fragile.

Contexte de rejet généralisé de la France

Le recentrage sur les politiques militaires de sécurité nationale et la crainte de l’isolement régional ont conduit à une réévaluation des accords militaires entre la France et le Tchad, un pays qui a longtemps été considéré comme un allié clé dans la lutte contre les djihadistes au Sahel. De son côté, le Sénégal a décidé de la fermeture des bases françaises. Face à cette situation, Emmanuel Macron a annoncé un redéploiement des forces françaises en Afrique, visant à ajuster la stratégie militaire et à se concentrer davantage sur des missions plus ciblées et des partenariats renforcés avec d’autres pays africains. Dans une déclaration officielle en 2023, Macron a précisé que la France continuerait de lutter contre le terrorisme, mais d’une manière différente, moins intrusive et plus coopérative avec les gouvernements africains.

Ce redéploiement se traduit par une réduction de la présence militaire en Afrique de l’Ouest et un renforcement des capacités locales de lutte contre le terrorisme. La France semble vouloir repenser sa politique de défense en Afrique pour éviter les erreurs du passé et retrouver la confiance des pays du Sahel. Macron a insisté sur le fait que le modèle de la « Françafrique », caractérisé par des interventions directes et une relation paternaliste avec les anciennes colonies, n’était plus viable. Désormais, la France se veut plus discrète, avec des partenariats plus équilibrés et moins centrés sur la présence militaire.

Une nouvelle politique militaire : vers une diplomatie de coopération ?

Dans le cadre de ce redéploiement, les forces françaises se concentreront davantage sur des missions d’assistance à la formation et à l’équipement des armées locales, plutôt que sur des opérations directes. Le renforcement des capacités africaines et la coopération en matière de renseignement et de logistique seront les priorités. Ce modèle de « coopération renforcée » pourrait inclure un nombre réduit de bases militaires françaises, mais il mettrait l’accent sur la solidarité régionale et la capacité des pays africains à assurer leur propre sécurité. Cependant, ce changement de stratégie ne va pas de soi. Les relations franco-africaines restent fragiles et marquées par la méfiance. De nombreux pays du Sahel cherchent à diversifier leurs partenariats, notamment avec la Russie, qui, par l’intermédiaire du groupe Wagner, a pu s’imposer comme un acteur incontournable de la géopolitique africaine.

L’influence de la Russie sur les relations entre la France et l’Afrique a pris une dimension de plus en plus significative au cours des dernières années, notamment dans le contexte de la guerre en Ukraine et de la reconfiguration géopolitique mondiale. Alors que la France a longtemps été perçue comme le principal partenaire historique des nations africaines, Moscou a progressivement renforcé ses liens avec plusieurs pays du continent. La Russie, par le biais de sa diplomatie, de son influence militaire et de ses investissements économiques, cherche à exploiter les insatisfactions vis-à-vis de la France, particulièrement dans les anciennes colonies africaines où la présence de Paris est perçue comme un héritage de la colonisation.

La Russie s’installe, parfois au détriment des intérêts français

À travers des accords bilatéraux, notamment dans les secteurs de l’armement et des matières premières, la Russie parvient à se faire un place de choix, parfois au détriment de l’influence française. En Afrique francophone, la montée en puissance de la Russie est particulièrement visible en matière militaire, avec l’implantation de sociétés privées comme le groupe Wagner. Ces entreprises privées assurent la sécurité des régimes africains tout en fournissant une alternative aux interventions militaires françaises, souvent perçues comme trop interventionnistes. De plus, la Russie multiplie les accords économiques dans des secteurs stratégiques comme l’exploitation minière, l’énergie et les infrastructures.

Cela attire de nombreux dirigeants africains qui recherchent des partenariats moins contraignants que ceux proposés par la France, avec des engagements politiques parfois plus souples et une approche moins néocoloniale. Ce renforcement des liens entre la Russie et plusieurs pays africains remet en question l’ordre établi par la France et bouleverse les rapports de force traditionnels sur le continent. Dans le même temps, cette dynamique crée des tensions, notamment au sein des organisations internationales comme l’ONU, où la France et la Russie se retrouvent sur des positions divergentes concernant des conflits africains, tels que ceux du Sahel ou de la République centrafricaine.

Des relations sous l’ombre d’une nouvelle rivalité géopolitique avec la Russie

L’engagement de la Russie dans ces régions reflète une volonté de déstabiliser l’influence française tout en consolidant son propre pouvoir diplomatique et militaire. Cependant, cette présence croissante de la Russie pourrait aussi générer des tensions internes dans les pays africains, certains observateurs notant que la présence russe pourrait aggraver les conflits locaux ou engendrer des dépendances similaires à celles créées par les anciennes puissances coloniales. En conséquence, les relations entre la France et l’Afrique se trouvent à un tournant, oscillant entre coopération et concurrence, et sous l’ombre d’une nouvelle rivalité géopolitique avec la Russie.

Par ailleurs, la France devra plus tenter de convaincre ses anciens alliés africains que ses intentions sont sincères et qu’elle est capable de respecter les équilibres géopolitiques locaux sans imposer ses vues. L’échec de la diplomatie d’Emmanuel Macron en Afrique, avec l’expulsion des troupes françaises et le rejet croissant de l’ingérence militaire, met en exergue les défis auxquels la France fait face dans sa relation avec le continent africain. Il est plus attendu d’Emmanuel Macron qu’il prenne conscience de la nécessité de réévaluer ses politiques et d’adopter une approche plus coopérative et respectueuse des souverainetés africaines en lieu et place de multiplier les foyers de tensions, comme c’est le cas récemment avec l’Algérie.

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Journaliste pluridisciplinaire, je suis passionné de l’information en lien avec l’Afrique. D’où mon attachement à Afrik.com, premier site panafricain d’information en ligne
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