L’histoire du « Che » au Congo est à la fois pathétique et héroïque. Pathétique, car l’entreprise du célèbre guérillero était condamnée à l’échec dès le départ en se heurtant aux réalités africaines et à l’imbroglio congolais, mais héroïque de par sa détermination dans un engagement universel au service de la libération des peuples.
Dès le 11 décembre 1964, alors que l’agression belgo-américaine, renforcée par des mercenaires sud-africains, katangais et rhodésiens, a commencé, Ernesto Guevara prend la parole à la XIXème Assemblée générale de l’ONU. Lors de son discours, il proteste contre les interventions « impérialistes », en appelant les « hommes libres du monde à venger le crime commis contre le Congo ».
A la suite de ce court séjour à New York, il s’envole pour Alger le 18 décembre 1964, première étape d’une tournée africaine de plusieurs semaines au cours desquelles il passe par l’Egypte, le Mali, la Guinée, le Ghana, le Bénin, le Congo-Brazzaville ou encore la Tanzanie et la République démocratique du Congo (RDC). Ce voyage lui permet de rencontrer les grands leaders africains de l’époque à l’instar de Ben Bella, Modibo Keïta, Massemba-Debat, Kwame Nkrumah, Sékou Touré, Samora Machel, Agostino Neto, Amilcar Cabral ou encore Lucio Lara, pour ne citer qu’eux. Rapidement, grâce à sa notoriété et à son intérêt pour les peuples africains, il se tisse un réseau d’amitiés en Afrique et inquiète le bloc occidental, qui considère Cuba comme un satellite soviétique.
Che Guevara veut exporter la révolution
Par ailleurs, en plus de vouloir exporter la révolution, le « Che » garde à l’esprit qu’une partie de la population cubaine est issue de la déportation vers les Amériques et donc que l’histoire cubaine est étroitement liée à celle du continent africain (les guerriers cubains envoyés sur les divers théâtres d’opération seront d’ailleurs pour une grande majorité des descendants d’esclaves). Cette solidarité naissante entre la petite île rebelle et l’Afrique révolutionnaire comprendra par la suite, en plus de soutiens militaires, des programmes d’aide dans les domaines de la médecine, de l’éducation et du développement.
Rencontre avec Kabila et départ pour la RDC
Au terme de sa tournée, le 11 février 1965, Guevara se rend à Dar Es-Salam en Tanzanie. Il y rencontre des combattants indépendantistes de la plupart des colonies, dont Laurent Kabila, chef rebelle du front de l’Est, allié des lumumbistes, qui lui fait une très bonne impression, malgré les doutes de certains de ses proches quant à sa combativité et son intégrité. Le « Che » décide cependant de lui fournir des armes et des instructeurs, et même de se rendre dans la localité de Kibamba dans la région de Fizi-Baraka, à la tête d’une poignée de soldats cubains. L’expédition arrive sur place le 24 Avril 1965 à 04h00, pour combattre l’homme des Occidentaux Moïse Tshombé, un des responsables de la mort de Patrice Lumumba. Malgré l’enthousiasme du départ, pendant les sept mois qui vont d’abord l’opposer à Tshombé puis à Mobutu, le Commandante va connaître un véritable calvaire.
Tout d’abord, beaucoup de Congolais, particulièrement certains lumumbistes, voient l’intervention cubaine comme une ingérence supplémentaire et restent peu disposés à une étroite collaboration avec la guérilla guévariste. De plus, le « Che » peine à imposer une discipline de fer à des combattants congolais mal entraînés à l’utilisation des armes soviétiques et chinoises, mal commandés par des chefs peu déterminés et sans formation idéologique. Par ailleurs, l’icône cubano-argentine ne parle aucune langue locale et s’est mal préparée aux réalités congolaises, à la culture locale, aux mentalités et aux traditions.
Un fiasco prévisible
Ce manque de préparation à la lutte armée en terre africaine freine la progression des troupes, et l’aventurier cubain ne parvient plus à dissimuler son exaspération. En RDC depuis six semaines, son constat est le suivant : « Indiscipline, désordre, ignorance des règles du combat les plus élémentaires, carence de combativité et d’autorité des dirigeants ». Il se rend progressivement compte que son esprit de sacrifice n’est pas partagé, et ne sait de quelle manière réagir face aux éclats de rire en réponse à ses ordres, ou encore à l’importance des superstitions, des rivalités locales et ethniques. Subissant de surcroît de multiples revers militaires face aux mercenaires étrangers à la solde de Mobutu, le « Che » se replie finalement en Tanzanie par le Lac Tanganyika.
En dépit de ce fiasco, les quelques mois africains du révolutionnaire internationaliste ont inspiré de nombreux combattants africains et posé les bases d’une amitié durable entre l’Afrique révolutionnaire et La Havane. Les Cubains appuieront des luttes révolutionnaires aux quatre coins du continent tout au long de la seconde partie du XXème siècle.
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