« Nous nous étions fixés ce matin comme date butoir », explique Maître Antoine Alexiev, l’un des avocats français des infirmières et du médecin bulgares détenus en Libye et qui ont été libérés aux premières heures de la matinée ce mardi. L’avocat revient brièvement sur les conditions d’une extradition obtenue in extremis.
La voix d’Antoine Alexiev en dit long sur sa joie et le soulagement qui l’habitent à la suite de la libération des infirmières et du médecin bulgares. L’avocat
est l’un des quatre défenseurs français, membres d’Avocats sans frontières, qui ont assuré la défense des soignants. Dans un précédent entretien, il insistait sur la nécessité d’obtenir leur extradition dans les plus brefs délais. C’est aujourd’hui chose faite.
Afrik.com : C’est dans une certaine précipitation que les infirmières et le médecin ont quitté très tôt ce matin la Libye. Quel a été le chronogramme de cette nuit ?
Antoine Alexiev : Je n’en ai pas une idée précise. Je sais néanmoins que l’avion était prêt depuis dimanche matin, les papiers des infirmières et du médecin ainsi qu’eux-mêmes étaient prêts pour un départ imminent. Mais nous ne savions pas quand il se ferait parce que la négociation avec les Libyens a été tendue jusqu’au bout. Nous craignions à chaque instant un enlisement de la situation. Nous nous étions fixés ce matin comme date butoir. Si la situation ne s’était pas décantée aujourd’hui, cela aurait été gravissime.
Afrik.com : Vous dites que la négociation a été difficile. Pourquoi ?
Antoine Alexiev : Les libyens ont freiné des quatre fers jusqu’au dernier moment. Ils n’ont cessé de présenter de nouvelles exigences et de nouvelles choses leur ont été accordées dont je ne connais pas le détail.
Afrik.com : On laisse entendre par exemple que les libyens ont exigé la construction d’un chemin d’un fer et obtenu la construction d’un hôpital à Benghazi. Vous pouvez confirmer ces informations ?
Antoine Alexiev : La Libye a effectivement obtenu la construction de cet hôpital et je sais qu’il a été question d’un chemin de fer dont je ne vois d’ailleurs pas le rapport avec le dossier… Ils ont réclamé une myriade de petites choses qui leur ont été concédées. Il n’en demeure pas moins que tous ces aspects sont secondaires. D’autant plus qu’ils relèvent de la confidentialité de la diplomatie. Ce qui n’est d’ailleurs pas acceptable dans un dossier comme celui-ci. Le plus important reste d’être parvenu à obtenir le retour des infirmières et du médecin chez eux.
Afrik.com : Quand avez-vous compris que l’affaire ne relevait plus de vos compétences juridiques ?
Antoine Alexiev : Elle a n’a jamais relevé de nos compétences juridiques. Nous nous sommes battus devant les tribunaux libyens pour apporter toutes les preuves qui auraient dû les conduire à un verdict favorable. Les tribunaux libyens ne sont pas des tribunaux libres, ça a toujours été politique.
Afrik.com : Avez-vous pu discuter depuis leur arrivée avec les soignants et savez-vous où ils sont ?
Antoine Alexiev : Ils doivent être actuellement dans un hôpital parce qu’ils doivent faire l’objet d’une surveillance médicale. Je ne suis pas encore rentré en contact avec eux. Il faut les ménager, éviter de les bousculer. Qu’ils aient retrouvé leurs familles, c’est ce qui importe le plus aujourd’hui.
Afrik.com : L’intervention du président Sarkozy et de celle de son épouse fait l’objet d’une controverse en France et aussi bien au sein de l’Union européenne. Quel est votre sentiment à ce propos ?
Antoine Alexiev : Ce que je vois, c’est le résultat. Cécilia Sarkozy était à la tête d’une délégation qui a fait aboutir les négociations. Le but à atteindre était la libération des infirmières et du médecin et il a été atteint. Si maintenant, les politiques veulent s’entre-déchirer pour savoir qui en retire les bénéfices… Les vies de six personnes ont été sauvées. Se poser la question est par ailleurs déplacé dans la mesure où cela équivaut à remettre en cause le caractère collectif de la démarche qui a abouti à ce résultat. Les Français étaient peut-être au finish, mais les Anglais étaient en Libye, il y a deux mois, et un an et demi plus tôt, c’était le ministre des Affaires étrangères Philippe Douste-Blazy qui lançait le programme de traitement des enfants… Ce sont les efforts de l’Union européenne qui ont permis d’en arriver là. Il serait plus judicieux à mon avis de réfléchir sur les raisons qui ont fait le succès de ce final improvisé, de cette équipe dont la configuartion est intéressante, de même que de tout ce qui s’est passé sur l’ensemble de la négociation. Cela pourrait s’avérer utile dans d’autres circonstances.
Afrik.com : Vous venez de parler de Cécilia Sarkozy en terme de chef de délégation…
Antoine Alexiev : On se doute bien qu’elle ne recevait pas ses ordres de Claude Guéant (le secrétaire général de l’Elysée, ndlr).
Afrik.com : Dernière question, car la légèreté peut être désormais de mise : le charme de Cécilia Sarkozy a-t-il contribué à faire la différence selon vous ?
Antoine Alexiev : Ce n’est pas improbable. Tactiquement, c’était très bien joué.