Vint-six jours après le coup d’état militaire du général Mohamed Ould Abdel Aziz, qui avait renversé l’ex-président mauritanien Sidi Mahamed Ould Cheikh, le Haut conseil d’Etat a rendu publique par un communiqué de presse la composition du nouveau gouvernement. Pour la France qui s’est exprimé lundi à ce sujet, cette mesure prise par les militaires « est dénuée de toute légitimité ». A l’heure du tournant politique, Alain Antil, spécialiste de la politique mauritanienne à l’IFRI (Institut français des relations internationales) décrypte avec Afrik.com la situation en Mauritanie et le contexte dans lequel s’est formé ce nouveau gouvernement.
La composition du gouvernement mauritanien était attendue depuis déjà plusieurs semaines. C’est le Haut conseil d’Etat qui a mis fin à cette attente en annonçant dans la nuit de dimanche à lundi la composition de la nouvelle équipe de la junte militaire dirigé par Mohamed Ould Abdel Aziz, investigateur du coup d’Etat du 6 août 2008 qui a renversé l’ex-président Sidi Ould Cheikh Abdallahi.
Un gouvernement fantoche ?
Ce gouvernement dirigé par Moulaye Ould Mohamed Laghdaf compte 22 ministres dont la majorité est composée de technocrates inconnus du champ politique. Pour le spécialiste de la politique mauritanienne à l’IFRI (Institut français des relations internationales) Alain Antil, interrogé par afrik.com, la présence des personnes extérieures à la vie politique témoigne de stratégies personnelles. « Ils savent que ce gouvernement est transitoire, ils ne veulent pas se faire griller. Par exemple, le RFD (Rassemblement des forces démocratiques) présidé par Ahmed Ould daddah, chef de l’opposition au régime d’Abdallayi a clairement stipulé le 25 août dernier qu’il ne participerait pas au nouveau gouvernement, faute d’avoir obtenu des garanties sur « la détermination de la période transitoire », précise-t-il.
La question de la légitimité
Ce tournant politique remarqué en Mauritanie a suscité de vives réactions en France. Le porte–parole du ministère des affaires étrangères français Eric Chevalier a dénoncé lundi, lors d’une interview accordée à France Info, le caractère illégitime de ce nouveau gouvernement. « Nous considérons que cette décision, comme l’ensemble des mesures prises par les responsables militaires qui se sont emparés du pouvoir, et en particulier la destitution du président de la République, est dénuée de toute légitimité », explique t-il. « Dans cette perspective, nous exhortons la junte et l’ensemble des responsables politiques mauritaniens à coopérer au plus vite l’Union africaine, avec l’Union européenne et avec la communauté internationale », a poursuivit le porte-parole.
Pour pallier au manque de légitimité, les putschistes devront préparer des journées de concertation en vue des prochaines élections présidentielles, c’est du moins ce que laisse entendre Alain Antil. « La junte militaire a un problème de légitimité. La population mauritanienne et la communauté internationale lui tournent le dos, l’ONU a d’ailleurs condamné leur coup d’Etat le 19 août. Les putschistes se doivent de mettre en place au plus vite des élections présidentielles, de restaurer un semblant démocratique. Il y a ici un véritable enjeu économique puisque certains accords entre la Mauritanie et l’Union européenne menacent d’être rompus. Pour se sortir de cette situation, la junte devra jouer la carte du pays victime, isolé, menacé par les islamistes », conclut-il.
Pour l’heure, la communauté internationale ne semble pas prête à vouloir la pérennité d’un gouvernement à l’avenir plus qu’incertain.
Sur la photo : le Premier ministre mauritanien, Moulaye Ould Mohamed Laghdaf.