L’art dogon est à l’honneur. Le musée du Quai Branly, à Paris, le présente à travers une exposition exceptionnelle de 330 pièces en provenance du monde entier. Le peuple Dogon, originaire du Mali et du Burkina Faso, fascine toujours autant. Visite guidée avec Hélène Joubert, responsable de la préservation du patrimoine Afrique.
Musique, projection de films… D’entrée, tout est mis en œuvre pour plonger le public dans l’univers des Dogons. Le musée du Quai Branly n’a pas fait les choses à moitié. Il fait découvrir à travers 330 pièces les créations artistiques de ce peuple originaire du Mali. Des sculptures aux formes géométriques très particulières qui ne laissent pas indifférent.
Les statuettes aux bras levés
Les statuettes aux bras levés titillent la curiosité au premier coup d’œil. Cette position très présente dans l’art dogon montre, selon Hélène Joubert, responsable de la préservation du patrimoine Afrique au musée du Quai Branly, « la relation qu’ils entretiennent avec leur Dieu baptisé Amma. Elle décrit en réalité une prière. En levant les bras, ils lui demandent de leur apporter de l’eau, élément essentiel dans cette région très sèche du Sahel ». Amma est ce qui constitue leur unité car « l’identité Dogon est en réalité multiple et complexe. Elle est loin d’être homogène. Cette hétérogénéité se reflète aussi dans leur art », explique Hèlène Joubert.
Les Dogons, qui vivent sur la falaise de Bandiagara, à la frontière entre le Mali et le Burkina Faso, sont traditionnellement animistes. Leur culture a subi des bouleversements suite à l’avènement de l’Islam. Aujourd’hui, ils tentent tant bien que mal de préserver leurs traditions dans un monde qui se modernise. Mais l’exode rural a gagné leurs rangs. « Il faut beaucoup de courage pour continuer à vivre dans cet environnement rocheux, estime Hélène Joubert. C’est l’une des raisons qui explique les mouvements d’abandon de certains villages. Toutefois, il y a encore des anciens qui protègent leur histoire et la transmette aux nouvelles générations ».
La société des masques
Les masques, qui ont une place très importante dans la culture dogon, font partie des traditions que les anciens veulent à tout prix préserver. Ils ne passent pas inaperçus au sein de cette exposition. Un espace entier leur est consacré. On est très vite ébloui par la dimension esthétique recherchée et la diversité des animaux représentés : serpents, crocodiles, singes, lions, éléphants, zèbres, girafes… « Ce ne sont pas des masques ordinaires. Ils sont portés lors des cérémonies funéraires pour rendre hommage au mort et accompagner son âme vers son nouveau voyage. Les masques lui donnent en quelque sorte le chemin à suivre. C’est un spectacle très coloré et festif. En réalité, les masques mettent en image le monde Dogon. C’est une façon pour eux de raconter leur histoire », souligne Hélène Joubert. Elle précise qu’ils sont portés aujourd’hui par les plus jeunes alors que dans la tradition ils sont réservés aux plus anciens. Un changement qui s’explique par l’évolution de la société.
La femme protectrice du foyer
La femme est aussi très présente dans l’art Dogon. Elle est figurée, très en beauté, avec des tresses et des parures. Elle est le plus souvent nue, en train de piler, ou encore de donner le sein. « Cette représentation n’est pas anodine », note Hélène Joubert. La femme a une place très importante au sein de la société dogon car elle est considérée comme la gardienne et protectrice du foyer. « Elle a une puissance extraordinaire, quasiment au même niveau qu’Amma. C’est ce qui explique qu’elle soit très représentée à travers les sculptures dans sa mission génitrice, protectrice et dans ses capacités à nourrir », précise-t-elle.
La femme est aussi très active. Elle travaille le plus souvent dans l’agriculture ou en tant que teinturière mais ne va pas à la chasse, qui est exclusivement réservée aux hommes, pour préserver un équilibre nécessaire au bon fonctionnement de la société. « Les hommes, selon Hélène Joubert, craignent secrètement la femme qui peut être l’objet de discorde car elle n’a pas toujours sa langue dans sa poche. Sans compter qu’elle est séductrice. Malgré cette méfiance, les hommes ont une grande admiration pour le corps féminin ».
Au terme de cette visite, on ne peut qu’admirer ce peuple authentique qui a su préserver son identité culturelle, malgré les bouleversements.