La NASA (l’administration américaine de l’aéronautique et de l’espace) met actuellement au point des méthodes de télédétection afin de surveiller les conditions environnementales qui provoquent la fièvre de la Vallée du Rift.
Cette maladie épisodique du bétail, qui survient tous les cinq à 10 ans et peut contaminer l’homme, a été identifiée pour la première fois, il y a plus de 50 ans, par un chirurgien vétérinaire britannique. Depuis, elle a été détectée dans différentes régions du continent africain, et a même atteint les îles des Comores et de Madagascar, dans l’Océan Indien.
La fièvre de la Vallée du Rift peut être transmise à l’homme à travers la manipulation des tissus animaux au cours de l’abattage ou de la découpe, ou autres activités similaires. Les communautés pastorales sont donc particulièrement exposées à la maladie.
La contamination peut se faire par inoculation, en cas de blessure avec un couteau infecté ou de contact avec une lésion cutanée par exemple, ou encore par les piqûres de moustiques infectés, la plupart du temps des moustiques Aedes.
Pour déterminer les conditions environnementales qui conduisent aux épidémies, on peut avoir recours à la télédétection, une technique utilisant des instruments de détection sans fil, avec enregistrement ou en temps réel, afin de collecter des informations sur un objet ou un phénomène.
« L’objectif de nos recherches est de mettre en place une première ligne de défense grâce à la collaboration internationale », a dit à IRIN Assaf Anyamba, chercheur associé au Goddard Earth Sciences and Technology Center, un centre de recherche de la NASA, lors du Symposium International de géoscience et télédétection ‘Observation de la terre – Des origines aux applications’, à l’Université de la ville du Cap, en Afrique du Sud.
« Les informations que nous collectons par satellite, et que nous analysons pour mettre au point des produits répondant aux besoins des utilisateurs finaux, sont ensuite transmises à nos partenaires ; l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) s’occupe des risques de maladies liées au bétail, tandis que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) traite des informations concernant la santé humaine », a-t-il expliqué.
Cartographier les données environnementales
Les chercheurs utilisent différentes mesures de télédétection, telles que la température de la surface de la mer, les précipitations ou encore la végétation, afin de prévoir les périodes où certaines régions d’Afrique et du Moyen-Orient sont susceptibles d’être exposées à la fièvre de la Vallée du Rift, qui est déclenchée par des niveaux de pluies persistantes supérieurs à la moyenne dans des zones sujettes à la sécheresse.
La Corne de l’Afrique a subi des épidémies en 1997-1998 et 2006-2007, quand El Niño a frappé la région, provoquant des schémas climatiques atypiques et, parallèlement, une propagation rapide de la maladie, qui a tué près de 3 000 personnes et des milliers de bêtes.
El Niño est un phénomène de réchauffement anormal des eaux de surface dans la partie est de l’Océan Pacifique tropical, en général autour de Noël, qui survient souvent en même temps qu’un cycle de variation de la pression atmosphérique, une sorte de mouvement de bascule entre l’est et l’ouest du Pacifique tropical, que l’on appelle l’oscillation australe.
« Pour cartographier les risques, nous utilisons également des données collectées par satellite sur la végétation, qui nous permettent de repérer avec précision les endroits exposés au danger, car une nouvelle poussée de végétation indique en général que la pluie vient de tomber. Nous pouvons alors fournir aux autorités publiques de la Santé un moyen efficace de cibler leurs efforts de surveillance et de prévention », a expliqué M. Anyamba.
Un des inconvénients de la télédétection est que les satellites sont incapables de transpercer la couverture de nuages. Cependant, des scientifiques de l’Université de Copenhague, au Danemark, mènent en ce moment, dans des stations météorologiques du Sénégal, du Mali et du Kenya, un projet pilote visant à tester de nouveaux systèmes optiques améliorés.
« L’enjeu est de parvenir à fournir des données tous les trois à cinq jours [sans nuages]… car pour qu’un système d’alerte précoce puisse fonctionner, il faut disposer des bonnes données au bon moment », explique M. Anyamba.
S’intéresser aux maladies négligées
Un certain nombre de maladies qui sont négligées ou ne sont pas totalement comprises sont répandues en Afrique, et on espère que l’utilisation de la télédétection permettra également de faire avancer la connaissance de ces maladies.
L’une d’entre elles, l’ulcère de Buruli, une maladie curable mais négligée provoquée par la famille de bactéries qui est aussi responsable de la tuberculose et de la lèpre, touche plus de 40 000 personnes par an en Afrique de l’Ouest, selon les estimations de l’OMS.
Cette maladie conduit à « une destruction importante de la peau et des tissus mous, et à la formation d’ulcères étendus, en général sur les bras ou les jambes », d’après l’OMS. En outre, « les patients qui ne sont pas traités à temps souffrent souvent, à long terme, d’infirmités fonctionnelles telles qu’une réduction de l’amplitude des mouvements articulaires, en plus d’un problème esthétique évident ».
D’après l’OMS, l’apparition de l’ulcère de Buruli n’est pas encore totalement expliquée.
Le réservoir de l’ulcère de Buruli n’est pas connu, mais des scientifiques et des ingénieurs en logiciels de Jenoptik, une entreprise allemande produisant des systèmes militaires et civils, ont fait équipe avec l’Institut tropical suisse afin de rechercher la source de la maladie et cartographier les zones à risques.
Deux études, menées au Cameroun et au Ghana, ont mis au jour plusieurs types d’ulcères de Buruli, contredisant ainsi la supposition selon laquelle il n’en existerait qu’un, ce qui a souvent conduit à un traitement inefficace.
Kathrin Weise, ingénieur en logiciel chez Jenoptik, a indiqué : « La classification de la couverture terrestre, ainsi que des méthodes statistiques… seront utilisées dans nos projets pour cartographier les zones à risques et les conditions environnementales favorisant les épidémies de différentes maladies à transmission vectorielle, telles que le paludisme, la méningite et l’ulcère de Buruli ».
Par Irin