Deux Touaregs placés en détention après avoir été torturés par l’armée malienne sont décédés des suites de leurs blessures, selon Human Rights Watch. L’ONG exige l’ouverture d’une enquête.
L’armée malienne de nouveau mise en cause. Deux Touaregs sont morts en détention dans la prison centrale de Bamako après avoir été torturés, révèle ce jeudi Human Rights Watch (HRW). Les deux hommes avaient été interpellés avec cinq autres Touaregs, le 15 février 2013, dans la ville de Léré, près de Tombouctou. L’armée malienne avait repris la localité fin janvier, suite à l’engagement militaire de la France dans le pays pour reconquérir le nord-Mali, tombé aux mains des groupes armés en mars 2012.
Selon l’organisation de défense des droits de l’Homme, « les deux Touaregs seraient morts durant la nuit du 6 au 7 avril, à cause d’une chaleur accablante, et sans doute aussi des suites des blessures causées par les mauvais traitements subis auparavant ». Les tortures dont ils ont été victimes, « les avaient fragilisés, favorisant une détérioration rapide de leur état de santé. Alors qu’ils étaient détenus par l’armée », explique l’ONG. L’une des victimes se serait vu « injecter une substance corrosive et souffrait d’une côte fracturée et de brûlures dans le dos ». Toutefois, précise Human Rights Watch, « une personne qui les connaissait a affirmé que quand ils ont quitté la gendarmerie, leur santé était en amélioration ».
Mortelles tortures
Pas plus tard que le 26 mars dernier, l’organisation de défense des droits de l’Homme dénonçait déjà dans un communiqué des cas de tortures sur sept Touaregs âgé de 21 à 66 ans, dont deux sont décédés. Des supplices leur ont été infligés par des éléments de l’armée malienne qui les ont accusés de soutenir les groupes terroristes présents dans le nord du pays.
Selon l’ONG, ils ont d’abord été transférés le 5 mars au Camp de gendarmerie numéro 1 à Bamako, où ils ont reçu une assistance médicale avant d’être conduits fin mars à la prison centrale de Bamako. Ces derniers ont affirmé avoir été « roués de coups de poing et de coups de pied, brûlés et soumis à des injections forcées d’une substance corrosive, ainsi qu’à des menaces de mort, alors qu’ils étaient détenus par l’armée », précise l’organisation humanitaire. L’un d’eux a même raconté avoir subi une torture avec de l’eau comparable à la technique du « simulacre de noyade ». Un autre a perdu l’usage d’un œil après avoir reçu un coup de crosse de fusil au visage et un autre encore est devenu partiellement sourd du fait de nombreux coups de pied à la tête.
Massacres contre les peaux claires
Les sept hommes, qui se plaignaient également de la chaleur excessive qui régnait de jour comme de nuit, auraient été incarcérés dans une petite pièce dépourvue de ventilation, sachant que la période de mars à mai est la plus chaude au Mali, la température moyenne à Bamako étant de 38 degrés. D’après un témoin interrogé par l’ONG, l’un des détenus qui a finalement succombé à ses blessures lui avait dit : « Si on ne nous sort pas de cette pièce, nous allons tous mourir de chaleur ». Les cinq autres hommes qui ont survécu à ces conditions inhumaines de détention ont finit par être transférés le 9 avril dans une pièce mieux ventilée.
Humain Rights Watch exige du gouvernement malien l’ouverture d’une enquête sur les circonstances de la mort des deux Touaregs. « Le fait que le gouvernement malien se soit abstenu d’enquêter sur les tortures infligées à ces sept hommes prend une tournure encore plus tragique suite au décès de deux d’entre eux en prison », affirme Corinne Dufka, chercheuse senior sur l’Afrique de l’Ouest à Human Rights Watch. Elle a interrogé les sept hommes avant leur transfert à la prison centrale. Selon elle, « il s’agit là des cas les plus récents de décès en détention dus à l’insalubrité des prisons. Le gouvernement malien devrait prendre des mesures concrètes pour améliorer à la fois le traitement et les conditions de détention de tous ses prisonniers ».
Depuis le début du conflit au Mali, l’armée malienne est régulièrement accusée d’avoir commis des massacres contre les Touaregs et tous ceux qui ont la peau clair, assimilés aux groupes terroristes présents dans le pays. Plusieurs organisations de défense des droits de l’Homme ont tiré la sonnette d’alarme.