L’armée congolaise opposée aux troupes rebelles de Laurent Nkunda, depuis août dernier, après l’échec d’un accord de paix avec Kinshasa, a remporté d’importants succès depuis dimanche. Mais une seule victoire militaire, incertaine, n’assurera pas la paix dans l’est de la RDC, ravagée par des années de guerre.
L’armée congolaise a remporté une « grande victoire », mardi, selon les mots de son chef d’état-major général, mais pas encore la guerre. Elle a repris la commune de Mushake, en territoire de Masisi, qu’ils pilonnaient depuis lundi, après avoir lancé la veille une offensive contre les troupes du général déchu Laurent Nkunda, au Nord-Kivu, à la frontière avec le Rwanda.
Cette ville stratégique surplombe la principale route qui relie les villages des environs à Goma, la capitale régionale, située une quarantaine de kilomètres au sud-est. Elle était tenue par le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) de Nkunda depuis la reprise des affrontements, en août dernier. Dans sa progression vers le nord, l’armée congolaise a déjà repris dimanche plusieurs villages autour de la ville de Sake, à une trentaine de kilomètres de Goma.
Mais les rebelles s’emparent eux aussi de communes, au fur et à mesure qu’ils reculent, comme cela a été le cas dimanche, dans le territoire du Rutshuru, entraînant le déplacement de 40 000 civils. Ils sont également très présents dans les bastions de leur chef, Kirolirwe et Kitchanga. Au total, à la mi-octobre, et depuis un an, près de 370 000 personnes auraient été contraintes à l’exil, selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU.
Echec du « mixage » des troupes
Les violences entre l’armée et le CNDP ont repris cet été, après l’échec d’un accord non écrit conclut en janvier 2006, à Kigali, par Laurent Nkunda et le général John Numbi, alors chef de l’armée de l’air, sous les auspices du chef d’Etat major rwandais James Kabarebe. L’accord prévoyait notamment un processus dit de « mixage », qui devait voir les troupes du CNDP intégrer l’armée régulière, dans la région du nord-kivu, avant d’aller au « brassage », c’est-à-dire de quitter la région. Il prévoyait également une campagne militaire contre les hutus rwandais du FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda), l’une des principales revendications de Laurent Nkunda, qui se présente comme le défenseur des populations tutsis du Nord-Kivu. C’est aussi la volonté du président Paul Kagame, qui a menacé à plusieurs reprises d’intervenir militairement en RDC contre les anciens génocidaires rwandais.
L’accord a échoué au bout de quelques semaines, du fait même de son caractère non écrit. Kinshasa a reproché à Nkunda de rester en RDC alors qu’il devait se retirer une année en Afrique du Sud, ce que ce dernier niait. Le chef rebelle appelait de son côté l’armée à se lancer contre les FDLR, cette dernière insistant d’abord pour avoir l’accord de Kinshasa. Le processus de mixage a bien débuté, mais Nkunda reprochait à l’armée de ne pouvoir prendre en charge ses anciens hommes. Ces derniers se retrouvaient par ailleurs à patrouiller dans des villes où ils s’étaient auparavant rendu coupables de graves exactions, indique Human Rights Watch. Ils ont finalement rejoint leur chef, lui même accusé de crimes de guerre par Kinshasa, et sorti du processus avec davantage d’hommes et zones sous son contrôle.
La Monuc prête à appuyer l’armée
Dans un communiqué publié mardi, la Monuc, qui appuie déjà tactiquement et logistiquement l’armée congolaise, s’est dit « prête à répondre favorablement à une demande d’appui-feu qui pourrait être formulée, en dernier recours, par les unités régulières des FARDC ». La principale force onusienne de maintien de la paix dans monde « réitère sa détermination à assurer la protection des populations civiles (…) et ne permettra pas que les zones de campagne à forte densité humaine ou les grands centres urbains du Nord-Kivu tombent aux mains des dissidents ».
Avec 17 600 hommes en RDC dont 4 500 déployés au Nord-Kivu, la Monuc ajoute être « déterminée à empêcher tout groupe armé illégal et en particulier le FDLR de venir occuper les zones dont les forces dissidentes auront été chassées, afin de faciliter le retour des personnes déplacées dans leurs foyers ».