Des années après le succès du verlan dans les banlieues et dans toute la France entière, depuis quelque temps, on assiste à une nouvelle mode linguistique qui n’est pas sans rapper l’argot parlé dans certains pays d’Afrique noir et du Maghreb. Un truc de « ouf » (fou) qui a été observé par certains linguistes spécialisés de la langue française. Ne dites plus « chelou », (louche), meuf (femme), céfran (français), sinon vous risquez de passer pour un Bolos (gros nul et ringard). Ces mots sont profondément essoufflés. Aujourd’hui, on n’est plus à donf (à fond) dans le verlan, mais on s’enjaille (se faire plaisir) avec d’autres mots qui trouvent la côte partout en France, dans le langage parlé des jeunes. Un phénomène qui s’explique par différentes raisons.
Alors que localement les tchatcheurs cherchaient à tour de rôle, et souvent dans leurs cages d’escaliers, des nouveaux mots en verlan qui pourraient faire le buzz et intégrer le langage courant, un phénomène non attendu est venu bouleverser les quartiers en apportant du punch dans son vocabulaire. Les « reum » (mères) ou plutôt daronnes ont inconsciemment contribué à ce vocabulaire venu d’ailleurs. Certes depuis longtemps certains mots comme « salam alaykum, hamdu’llah… » étaient compris par tout le monde, bien qu’ils ne fassent pas partie de la langue française, de nos jours on assiste à une nouvelle vague de mots d’origines africaines (noir et maghreb) entre autres, qui passent crème (qui s’adaptent) à la langue parlée par beaucoup de jeunes, qu’ils soient originaires d’Afrique ou d’Europe. Selon nombreux spécialistes, deux raisons expliquent ce phénomène.
Le RAP n’aime plus le verlan
C’est l’un des drapeaux incontestables et incontestés du verlan en banlieue. Mais ça c’était avant, vous allez me le dire. En effet, les rappeurs et les adeptes du hip-hop ont complétement changé de répertoire. Dans les nouveaux flow, ils font souvent recours à des mots qui rappellent le « bled » (pays en argot arabe) de leurs parents. Le verlan est jugé trop « mesquine » (pauvre). Et entre « kho » (frère) ils se comprennent. Et pour ne pas avoir le « seum » (la rage) de ne pas comprendre, la plupart des jeunes ont adopté ces mots et expressions, ce qui par définition fait d’eux des « srab » (amis, copains).
Bien que l’intégration de certains mots arabes dans la langue française remonte à perpette, on a assisté au cours de ces dernières années à une nouvelle adaptation. Dans les banlieues populaires, on ne dit plus « beaucoup » mais « bezef ». C’est aussi « kif-kif » (pareil) dans les banlieues dites chic. Et si ces mots relèvent du « dawa » ou « sbeul » (désordre) dans les oreilles des plus anciens, c’est loin d’être le cas chez les jeunes « srab » (ami, copain). Beaucoup des mots d’origines arabes ne cessent de faire leur apparition. Aussi étonnant que cela puisse paraître, cet « enrichissement » trouve sa source dans le « bzèze » (sein) des mères. Car la plupart intègrent des mots parlés dans la langue maternelle des parents.
Un repli communautaire ?
Certains linguistes pensent que cette intégration de ces mots est la conséquence du repli communautaire observé depuis les crises économiques répétitives. Les jeunes vont davantage intégrer des expressions et mots qui découlent de la culture de leurs parents respectifs. Ainsi, de même que pour l’arabe, on trouve des langages en provenance de l’Afrique noire (Côte d’Ivoire, Mali, Sénégal…) Le bambara, le wolof, le mandingue, ou encore le soninké inspirent beaucoup ces jeunes modérateurs. D’ailleurs, dans certains morceaux de RAP, on entend des mots dont parfois il faut demander la traduction. Entre le on « s’enjaille » (s’amuse, d’origine nouchi) prononcé souvent par La Fouine, et le « Ewa, moinama » (Bien frère, en comorien) de Rohff, l’Afrique n’a pas fini d’inspirer la langue de Molière.
Aussi zarbi (bizarre) que cela puisse paraître, ce langage est aussi populaire que même les anciens commencent à l’adopter. Et les mots venus d’Afrique ne sont pas les seuls à faire honneur à la langue française. D’autres mots issus du créole comme « en chien » (délaissé), d’origine anglaise « easy ou izi » (facile), ou encore d’origine romaine comme « bicrave » (vendre) font office de la langue parlée par les jeunes. La francisation des mots, notamment d’origine africaine, n’a pas encore dit son dernier mot.