5 jours après la cérémonie d’ouverture de la première vanne de l’oléoduc Tchad-Cameroun, le gouvernement tchadien semble vouloir faire taire les détracteurs du projet en mettant en avant le bon déroulement des opérations. Mise au point sur le pétrole tchadien.
Le Tchad : nouveau pays producteur de pétrole d’Afrique. Le 10 octobre dernier s’est déroulée la cérémonie officielle d’ouverture de la première vanne de Kome. Le pipeline de 1 070 km qui relie le Tchad au Cameroun, de Doba à Kribi, est un projet pharaonique, mais aussi un des plus importants investissements privés en Afrique subsaharienne avalisés par la Banque mondiale. Le gouvernement tchadien a voulu montrer patte blanche, après les critiques émises sur sa gestion des comptes, en donnant des garanties sur l’utilisation de cette manne financière.
Le projet de pipeline regroupe un consortium pétrolier – Exxon Mobil, Petronas et Chevron – chargé d’exploiter le pétrole, l’Etat tchadien, propriétaire du projet, récipiendaire des financements de la Banque mondiale, gestionnaire des bénéfices financiers et garant des critères fixés pour l’exécution du projet. Si le Tchad produit actuellement 100 000 barils de pétrole par jour, il compte d’ici la fin de l’année atteindre un rythme de croisière de 225 000 barils quotidiens.
Les recettes nationales doublées
Que va gagner le Tchad ? « Dans un premier temps, explique le ministre tchadien du pétrole, le consortium paie une redevance de 12,5%. Quand il aura amorti ses investissements, ce dernier règlera un impôt sur les sociétés s’élevant à hauteur de 50% de leurs bénéfices », explique Youssouf Abassallah, le ministre tchadien du Pétrole. Bref, l’Etat devrait engranger au bas mot 2 milliards de dollars au cours des 25 ans de la concession pétrolière. Soit une hausse de 45 % des recettes nationales.
Le gouvernement tchadien veut donner des gages de transparence. Une loi votée par le Parlement régit la répartition des revenus du pétrole : 10% sont déposés sur un compte bloqué en destination des générations futures. Le reste se partage entre la fonction administrative (15%) et les secteurs prioritaires (80%) regroupant l’éducation, la santé, les transports et l’environnement. 5% sont versés dans les caisses des collectivités décentralisées de la région pétrolière.
Cet afflux soudain d’argent est l’objet de toutes les convoitises. Le fils du président est soupçonné de s’être offert des hélicoptères avec le pré-financement de la banque mondiale. Le député écologiste, Ngarlédji Yorongar, accuse le gouvernement d’avoir perçu 29 millions de dollars, à titre d’avance sur des royalties, qui n’auraient servi «qu’à l’achat d’armes», selon lui. Le ministre du Pétrole se veut rassurant : « dès la fin du mois, les premiers revenus devraient être déposés sur un compte off-shore, pour garantir une meilleure transparence. De plus, un collège de contrôle formé par des membres de la société civile surveillera l’application de la loi. »
Réussite sous-régionale
Le ministre se félicite de la coopération entre le Cameroun et le Tchad. En effet, sur les 1 070 km de pipeline, 900 traversent le Cameroun. « Aucun incident n’a été signalé, poursuit le ministre. Les Tchadiens et les Camerounais qui ont travaillé sur le projet ont pu circuler aux frontières sans encombre. Un modèle de réussite pour la sous-région. La Cemac (Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale) a été consolidée par ce projet. Un des signes de cette coopération est que l’Etat tchadien détient 5% de la COTCO (Cameroon Oil Transportation Company). C’est pour une raison symbolique que nous sommes actionnaire : nous souhaitons être des partenaires présents à tous les niveaux avec le Cameroun. »
Un projet propre ?
La question de l’environnement est le sujet d’une vive polémique. Associations et ONG avaient déjà retardé le projet de plusieurs mois pour permettre la réalisation d’études sur l’impact du pipeline aux niveaux des populations et de la nature. « Les prévisions pessimistes émises par les opposants au projet ne se sont pas réalisées, continue le ministre du pétrole. Les associations peuvent venir sur place visiter ! » Vœu pieux puisque c’est du côté camerounais que les dégâts sont les plus notables. En effet, les déchets provoqués par la construction de l’oléoduc ont engendré la mort de cheptels entiers et la prolifération de maladies en juin dernier dans le département de Mayo-Rey.
L’indemnisation des propriétaires terriens et des exploitants a été le premier problème rencontré par les gouvernements tchadien et camerounais. « Mais aujourd’hui, affirme le ministre, il n’y a plus de doléances. Tous ceux qui ont été déplacés ont été entièrement payés. »
Le sud du Tchad risque de voir les tuyaux barrer l’horizon pour longtemps. Bien que les réserves des gisements du bassin de Doba soient estimées à 900 millions de barils, et que l’extraction de 225 000 barils par jour devrait siphonner le sous-sol en moins de dix ans, les sociétés d’exploitation ont déjà prospecté d’autres champs qui s’avèrent prometteurs. Le consortium a encore de beaux jours devant lui.
Lire aussi:
Les premiers barils du Tchad