Au lendemain du retour en France des six membres de l’Arche de Zoé condamnés à huit ans de travaux forcés, pour enlèvement d’enfants, le Tchad s’interroge sur cette affaire. La population tchadienne oscille entre diabolisation et complaisance vis-à-vis des Français et de la justice tchadienne. Afrik fait le point sur ce dossier qui fait beaucoup parler de lui.
Vendredi dernier, les six Français de l’association française l’Arche de Zoé, condamnés à huit ans de travaux forcés par la Cour Criminelle de N’Djamena, étaient rapatriés vers la France pour y purger leurs peines. Au lendemain de ce transfert, la population tchadienne s’interroge sur le procès et le transfèrement éclair de ces « pieds nickelés ». Ainsi peut-on lire dans la presse tchadienne de nombreuses déclarations à propos de cette affaire. Les membres de l’ONG sont tour à tour taxés de « héros » ou de « mythomanes » au service de l’impérialisme français. Il semblerait que la population oscille entre les deux points de vue. Pour preuve, la réaction dans le journal en ligne Ialtchad d’un étudiant, samedi dernier. « A l’annonce du verdict, deux sentiments se sont heurtés à ma vue, le premier nationaliste et populiste empreint d’une satisfaction instantanée puis une sensation de compassion vis-à-vis des membres de l’association », déclare t-il. Un sentiment ambigu que le lecteur explique par « la manipulation médiatique et judiciaire de cette affaire ».
La justice tchadienne dans la ligne de mire
Suite au procès éclair qui n’a duré que cinq jours, des zones d’ombre persistent. La Cour Criminelle n’a fait aucune mention sur de la responsabilité des gouvernements tchadien et français alors que pourtant, lors de la procédure, plusieurs journaux comme le Canard Enchaîné avaient apporté la preuve de l’implication du Ministère français des Affaires étrangères. Beaucoup reprochent alors à la justice tchadienne d’avoir commis des vices de forme et de ne pas avoir voulu imposer sa souveraineté judiciaire face aux pressions qui l’accablait. « Nous savons très bien que les salles d’audience (au Tchad) ne sont que de vastes châteaux de sable» explique l’étudiant sur Ialtchad précisant que « la justice tchadienne n’a jamais existé » et qu’« elle représente la tragédie de l’Etat ». Une opinion partagée par le député de l’opposition Ngarlejy Yorongar, interrogé par Afrik, qui a porté plainte jeudi dernier contre la justice tchadienne pour vice de forme. Il accuse la Cour criminelle de N’Djamena d’avoir auditionné les prévenus un jour non ouvrable, le dimanche, sans réquisitions préalables, ce qui rendrait, selon lui, le verdict caduque. Mais tous ne sont pas aussi véhéments. Abia Maal, dans le journal tchadien Ialtchad daté du 21 décembre dernier, « félicite la Cour Criminelle de N’Djamena ». « La justice a fait preuve d’une maturité certaine », explique t-il, ajoutant que « ce verdict à l’encontre des mythomanes de l’Arche de Zoé a été très pondéré, voire clément ».
L’ingérence de la famille Sarkozy
Au regard des témoignages, un seul point semble mettre tout le monde d’accord, l’ingérence du président français Nicolas Sarkozy. « J’irai chercher ceux qui restent quoiqu’ils aient fait ». Cette déclaration de M. Sarkozy prononcée le 6 novembre 2007 avait suscité la colère chez la population qui avait manifesté. Aujourd’hui encore, elle ne cesse de marquer les esprits et fait jaillir de nouvelles interrogations. Le rôle du frère cadet du chef de l’Etat français, François Sarkozy, est interrogé. Dans une lettre adressée au président français datant du 30 décembre, visible sur Alwida, le député Ngarlejy Yorongar indique que la secrétaire de l’Arche de Zoé, Stéphanie Lefebvre, est la directrice de Paris Biotech Santé, une société biopharmaceutique dont François Sarkozy fait partie en tant que membre du comité d’évaluation. A la fin de sa lettre, le parlementaire tchadien arrive à la conclusion que l’Arche de Zoé aurait bénéficié de beaucoup de relations d’influence et de moyens techniques et financiers. Il semble bien que l’on n’ait pas fin d’entendre parler de cette affaire…