L’après -Kadhafi : réconcilier le peuple libyen


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Au cours de ces sept derniers mois, dans le contexte des événements sanglants qui secouent la Libye, ce ne sont pas les questions de tribu, d’ethnie, de race, de culture ou de classe sociale qui ont divisé le peuple libyen, mais plutôt celles de l’intervention militaire étrangère et de l’avenir du pays, entre les mains du Conseil national de transition (CNT), organe politique, formé par les forces anti-Kadhafi et censé représenter le peuple libyen. Désormais, il est temps que les mouvances de tous bords se rassemblent et bâtissent ensemble l’avenir de la nation.

Malgré une structure tribale bien ancrée, la société libyenne est néanmoins relativement homogène – même dans le contexte actuel de guerre civile. En effet, la majorité de la population est sunnite et arabophone. Par ailleurs, la manne pétrolière – facteur de stabilité économique – et le fait que le pays soit faiblement peuplé sont des éléments favorables pour faire de la Libye un pays uni dans l’avenir.

Cependant de nombreux Libyens sont inquiets et s’interrogent sur la nécessité d’une intervention étrangère et de ses implications pour l’avenir. Selon différents médias arabes – notamment la chaîne de télévision Al Jazeera qui propose de nombreux débats sur la situation en Libye –la majorité de la population serait pour une intervention étrangère, si c’est le seul moyen de se débarrasser de la tyrannie de Kadhafi. Certaines personnes estimeraient néanmoins qu’une intervention militaire extérieure pourrait mettre en péril la souveraineté du pays et interférer avec la qualité des réformes politiques internes à venir.

Par conséquent, nous sommes en présence de deux camps avec chacun un état d’esprit bien différent : d’une part ceux qui veulent chasser le tyran à tout prix et d’autre part, ceux qui sont prêts à accepter le statu quo.

Alors que les forces rebelles regagnent le contrôle sur les derniers bastions de Kadhafi, il est temps de résoudre les tensions internes découlant de la question de l’intervention militaire étrangère et de ses conséquences pour l’avenir de la Libye.

A présent, il faut que les deux camps parviennent à un compromis.

Le CNT – qui s’est imposé le 27 février dernier, à Benghazi comme « le visage de la révolution libyenne» – peut réussir à les réconcilier, en prenant quelques mesures constructives. Reconnu en tant que représentant légitime du peuple libyen d’abord par l’OTAN et ensuite par l’ONU et l’ensemble de la communauté internationale, il pourrait effectivement souligner l’urgence d’un processus de réformes et l’importance de la souveraineté de l’Etat. Une fois le calme et la sécurité rétablies – idéalement dans les douze prochains mois – le CNT devrait aussi prendre l’initiative d’une conférence nationale de réconciliation qui permettrait de débattre de l’avenir du pays.

La réconciliation n’est possible que si toutes les parties font preuve d’ouverture et sont prêtes au compromis et au sacrifice. Cela implique un effort de la part de ceux qui viennent de prendre le pouvoir et de la part de ceux qui craignent de perdre leur position ou leurs acquis. La conférence de réconciliation devrait faire évoluer le débat, de sorte que les discussions ne portent plus sur la façon d’en finir avec Kadhafi mais plutôt sur les réformes qui s’imposent pour faire avancer le pays, comme par exemple : l’établissement de la séparation des pouvoirs, l’amélioration de la condition de la femme, la transparence dans la stratégie d’autodétermination nationale.

Plus un gouvernement gouverne de manière transparente et intelligente, moins il y a besoin d’une ingérence étrangère dans les affaires intérieures d’un pays. Cette perspective devrait encourager les Libyens d’opinions diverses à trouver un terrain d’entente.

En vue d’une éventuelle conférence nationale, le CNT devrait former un gouvernement provisoire représentatif de toutes les mouvances. Ce nouveau gouvernement fixerait alors un délai pour l’organisation d’élections nationales et l’ébauche d’une nouvelle constitution pour le pays. L’élaboration d’une nouvelle constitution maximisant la représentation des différents courants politiques, améliorant la condition de la femme et protégeant les minorités serait indispensable.

Par ailleurs, le CNT ne devrait pas permettre à ses dirigeants de se porter candidats aux élections ou de participer au projet de nouvelle constitution. D’ailleurs tout cela devrait être bien expliqué aux citoyens.

En fixant un délai pour l’organisation d’élections nationales et en lançant l’ébauche d’une nouvelle constitution, les forces rebelles donneraient clairement le message qu’elles sont prêtes au sacrifice, qu’elles ne cherchent pas le pouvoir et qu’elles agissent dans l’intérêt de l’ensemble des citoyens. Par ailleurs, cette attitude sous-entendrait de manière subtile, que tous les Libyens participeraient à la reconstruction de leur nation.

Les symboles ont leur importance. Si le CNT traite l’ancien dirigeant avec équité, cela serait considéré comme un geste incroyable de tolérance et de pondération. Ce serait impressionnant. C’est au tribunal et non aux rebelles de juger Kadhafi et ses collaborateurs pour les crimes qu’ils ont commis.

Les Libyens devraient tirer des leçons du passé et se rendre compte de l’avenir prometteur qui les attend, en se rassemblant et en soutenant le CNT en tant qu’autorité de transition. Quant à l’unité du pays, et la question de savoir si elle est possible et à quoi elle ressemblera : tout dépendra de la nature des réformes qu’entreprendra le CNT.

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* Dr. Ghassan Michel Rubeiz est un commentateur politique arabe américain. Il a également été secrétaire de la section Moyen-Orient du Conseil œcuménique des Eglises. Article écrit pour le Service de Presse Common Ground (CGNews).

Source: Service de Presse Common Ground (CGNews), 30 septembre 2011, www.commongroundnews.org
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