
L’appel solennel lancé par le roi Mohammed VI, en février dernier, invitant les Marocains à ne pas procéder au rituel du sacrifice de l’Aïd-el-Adha cette année en raison de la conjoncture économique et climatique difficile, n’a pas été suivi par une partie de la diaspora marocaine en Catalogne. Au contraire, des instances islamiques locales ont décidé de maintenir la tradition, prenant ainsi leurs distances avec l’exhortation royale.
Dans un communiqué publié lundi, la Fédération du Conseil islamique de Catalogne et l’Union des communautés islamiques ont appelé les musulmans à célébrer pleinement l’Aïd-el-Adha, y compris le rituel du sacrifice. « Nous appelons les musulmans de Catalogne à renouer avec cette pratique religieuse avec engagement et discipline, en respectant les normes légales et sanitaires en vigueur dans le pays, en tant que partie intégrante de leur identité religieuse », précise le texte.
Accomplir l’Aïd-el-Adha au nom du peuple marocain
Ce choix va directement à l’encontre de l’appel lancé par Mohammed VI, chef spirituel des Marocains, qui, le 26 février dernier, avait demandé à la population de ne pas procéder cette année au sacrifice rituel, une mesure inédite motivée par la flambée des prix des moutons au Maroc. Cette hausse, liée à la sécheresse et à la réduction du cheptel national, rend le coût du sacrifice inaccessible pour de nombreuses familles.
Dans son message, lu à la télévision par le ministre des Habous et des Affaires islamiques, le roi a expliqué que le sacrifice de l’Aïd, bien qu’il soit une tradition fortement recommandée, n’est pas une obligation religieuse dans l’islam. Il a ainsi invoqué le principe de « levée de la gêne » et cité le verset coranique : « Et Il ne vous a imposé aucune gêne dans la religion ». Fidèle à son rôle d’Amir Al-Mouminine (Commandeur des croyants), le roi a assuré qu’il accomplirait lui-même le sacrifice au nom du peuple marocain, conformément à la tradition prophétique.
L’appel royal ne fait pas l’unanimité parmi la diaspora
Mais l’appel royal ne semble pas faire l’unanimité parmi la diaspora. En Catalogne, région espagnole qui abrite près de 700 000 musulmans – dont environ 80% sont d’origine marocaine – l’appel des fédérations islamiques en faveur du maintien du rituel marque un positionnement clair. Selon certaines sources, ces fédérations ne comptent pas parmi les organisations les plus influentes de la communauté musulmane catalane, mais leur prise de position n’en reste pas moins significative.
Ce refus d’adhérer à l’appel du souverain soulève des questions sur la relation entre les Marocains de l’étranger et les décisions spirituelles ou politiques prises au Maroc. Plusieurs observateurs y voient un signe de déconnexion ou d’autonomie croissante de certaines communautés diasporiques vis-à-vis des décisions centrales. À l’inverse, dans d’autres pays européens comme l’Italie, de nombreux Marocains ont accueilli favorablement la décision royale.
Envisager une initiative similaire dans d’autres pays
Certains membres de la communauté marocaine italienne envisagent même de relayer le même appel auprès de leurs compatriotes, afin de généraliser cette mesure exceptionnelle. Selon eux, les obstacles liés à l’organisation du rituel dans les pays européens – coût élevé des bêtes, réglementation stricte, abus de certains commerçants – rendent difficile l’accomplissement du sacrifice dans de bonnes conditions. Ils soulignent également que l’islam encourage la souplesse et la simplification dans les actes de foi.
« La décision du roi est empreinte de sagesse et d’adaptation à la réalité », affirment plusieurs représentants de la diaspora marocaine en Italie. Une initiative similaire pourrait, selon eux, être envisagée dans d’autres pays comme la France, la Belgique ou les Pays-Bas, où les Marocains forment aussi des communautés importantes. Une telle mobilisation serait perçue comme un signe fort de solidarité avec le Royaume dans une période marquée par des défis économiques et climatiques importants.