L’anophèle, cet immigré clandestin…


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Il n’y a pas que les hommes qui voyagent clandestinement. L’anophèle, le vecteur du paludisme, s’y met aussi quelquefois, et sévit en zone tempérée. Il transmet ainsi le paludisme dit « autochtone » ou « d’aéroport ». Deux Français ont été victimes récemment de cette race particulière d’immigré clandestin qui survole les lois sur l’immigration en France.

Pas besoin de vous exiler dans les tropiques pour faire une bonne crise de paludisme. La femelle de l’anophèle, le moustique vecteur du parasite de type plasmodium responsable de la maladie tropicale, fait du service à domicile. Un couple en a fait les frais en France et s’est retrouvé hospitalisé au CHU de Nice en août. Ce paludisme, que l’on contracte sans séjourner en zone impaludée, est la cause la plus fréquente des cas « autochtone » ou « d’aéroport ».

Le paludisme autochtone peut survenir à la suite d’une transfusion sanguine. Le patient est contaminé par le sang d’un autre individu qui contient les parasites responsables de la maladie. La transmission d’un individu à un autre, par le biais d’un vecteur compétent – un moustique capable d’abriter le parasite -, peut également provoquer un accès palustre. Le dernier mode de transmission est le plus habituel : du moustique à l’homme, comme dans les récents cas répertoriés en France. On parle aussi de paludisme autochtone quand la maladie se déclare 4 ou 5 ans après la piqûre. On répertorie « 74 cas de paludisme d’aéroport dans le monde », explique le professeur Jacques Le Bras, directeur du Centre national de référence du paludisme (CNR). La structure est chargée du suivi des cas de paludisme autochtone et d’importation. « La précédente alerte de paludisme d’aéroport en France remonte à 1999. Il y a eu cinq cas dont 2 sont décédés. Ils ont été très probablement contaminés par le même moustique. L’insecte infecté, arrivé par avion, a dû poursuivre sa route dans le véhicule d’un transitaire, et piquer les personnes dans un rayon de quelques centaines de mètres. Un tel scénario survient tous les 5 à 10 ans en Europe. C’est un jeu de malchance. »

L’anophèle, indifférente aux lois sur l’immigration

Si le professeur Le Bras insiste sur le caractère exceptionnel de la maladie, il rappelle l’importance de la surveillance en matière de santé publique. « Il est primordial d’alerter les populations, et surtout les médecins afin qu’ils soient vigilants lorsqu’ils reçoivent un patient qui a une fièvre inexpliquée et qui n’a jamais quitté le territoire. Le médecin peut ne pas penser à un accès palustre s’il n’est pas informé d’un risque potentiel dans sa zone de consultation. Des patients sont ainsi décédés parce que le médecin traitant n’avait pas imaginé qu’ils faisaient une crise de paludisme ». Pour suivre à la trace les cas de paludisme autochtone, le centre national de référence mène des enquêtes auprès des patients pour déterminer l’origine de leur contamination. La démarche est néanmoins souvent biaisée par les fausses déclarations des personnes concernées. « Il arrive que certains patients, pour des raisons privées ne souhaitent pas déclarer un séjour en zone impaludée », affirme le professeur Le Bras.

Le climat peut-être aussi favorable aux pérégrinations de l’anophèle en zone tempérée. « Les températures qui prévalent en juillet-août, leur sont certainement favorables, concède Jacques Le Bras. L’anophèle survit entre une et deux semaines, trois semaines au maximum. » Un contrôle attentif des avions en provenance de zone impaludée est pourtant réalisé : la pulvérisation d’insecticide par le personnel de bord au départ des pays concernés. Mais cet immigrant clandestin est si petit qu’il passerait, même en plein vol, au travers d’un arrêté d’expulsion.

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