L’ANC sans rival


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Fort de sa légitimité historique, l’ANC devrait conserver le pouvoir à l’occasion des troisièmes élections générales organisées depuis la fin de l’Apartheid. Le bilan du Président sud-africain Thabo Mbeki comporte de nombreuses faiblesses, en matière de lutte contre le sida, de chômage ou d’inégalités sociales, mais les sondages donnent son parti largement vainqueur.

L’Afrique du Sud organise mercredi ses troisièmes élections générales libres depuis la fin de l’Apartheid, en 1994. Et le Congrès national africain (ANC), au pouvoir depuis cette date, est bien parti pour de nouveau rafler la mise. Les derniers sondages donnaient le parti historique de Nelson Mandela vainqueur avec près de 70% des suffrages. Son actuel président, Thabo Mbeki, rempilerait pour un second mandat de cinq ans à la tête de l’Etat. Même la province du Kwazulu Natal, bastion du Parti de la liberté Inkata (IFP), pourrait pour la première fois revenir à l’ANC. Ce qui ne signifie pas que le gouvernement ait été particulièrement efficace depuis cinq ans. Certes, les indicateurs généralement pris en compte par les économistes sont bons : la croissance moyenne de l’Afrique du Sud est de 2,7%, ce qui est mieux que les dix dernières années d’Apartheid. Et le déficit public, grâce à une politique de rigueur, est tombé sous la barre des 1% du PIB. Mais la réalité de ces chiffres est difficilement perceptible par le Sud-africain moyen.

Inégalités, chômage, violence… et sida

Entre 30 et 40% des actifs sud-africains sont au chômage et leur pays, qui tarde à redistribuer ses richesses, est l’un des plus touchés au monde par les inégalités sociales et raciales. Selon un rapport de l’Agence des Etats-Unis pour le développement international (USAID), 60% des Sud-africains noirs vivent sous le seuil de pauvreté. C’est le cas de 3% des Blancs. Les mêmes disparités seraient perceptibles en matière d’éducation, d’habitat ou encore de soins. De la même façon, afin de ne pas s’aliéner la population blanche, le gouvernement ne s’est attaqué que très timidement à la réforme agraire tant souhaitée par les fermiers noirs. Autant de paramètres sociaux qui font de l’Afrique du Sud l’un des pays les plus violents au monde. Son taux d’homicide, selon Reuters, est huit fois plus élevé que celui des Etats-Unis.

« J’ai été frappé par la bonne humeur et l’optimisme des citoyens sur le futur de ce pays », a pourtant confié Thabo Mbeki à une radio locale (702 Talk Radio). « Ils vont vous dire quels sont les problèmes, mais avec la certitude que la situation sera meilleure demain ». Comme pour expliquer que les citoyens comprennent bien que l’ANC ne peut, en 10 ans, mettre fin à des décennies d’injustices et d’inégalités nées du régime d’apartheid. Si on peut aisément en convenir, il faut également mettre le parti devant certains de ses choix. Tels ceux fait en matière de lutte contre le sida.

L’Afrique du Sud compte plus de 5 millions de séropositifs. Soit un habitant sur neuf. Mille personnes meurent chaque jour de ce fléau. Pourtant, pendant des années, le Président lui même a refusé de faire le lien entre le VIH et le sida. Aucun plan national intégrant la prise d’anti-rétroviraux n’a donc été pensé. Jusqu’au mois de novembre 2003, où le gouvernement a enfin décidé de lancer un plan d’urgence contre le sida. Une mission dévolue à la ministre de la Santé, Manto Tshabalala-Msimang, qui refusait quelques jours auparavant de reconnaître l’efficacité des anti-rétroviraux, les comparant même à des « poisons ». Elle préconisait à la place une préparation à base d’ail, d’oignon et d’huile d’olive. Les premiers médicaments ont commencé à être gratuitement distribués début avril, mais en nombre trop insuffisant. Et certains des bénéficiaires n’étaient pas loin de voir dans cette action, trop tardive, une opération électorale.

Aucune alternative crédible

Les nombreux partis d’opposition qui se présentent aux élections ont logiquement fait campagne sur ces échecs. Mais en vain. Le parti libéral de l’Alliance démocratique (DA), principal mouvement d’opposition, qui peine à se débarrasser de son image de parti de Blanc, est crédité de 10% des intentions de vote. L’Afrique du Sud compte 142 partis, dont 37 vont participer aux élections. Mais depuis dix ans, ces derniers n’ont pas su former une opposition crédible face à l’ANC. Et l’ancien mouvement révolutionnaire, né en 1912, peut toujours autant compter sur sa légitimité historique.

Aujourd’hui, la seule crainte pour le parti de Thabo Mbeki est que cette absence d’alternative ne mène à une forte abstention. Le parti lui-même est pourtant responsable de cet état de fait. De nombreux observateurs accusent en effet l’ANC de phagocyter ses rivaux en leur proposant des accords électoraux. C’est le cas dans la province du Cap-Occidental, où vivent une majorité de Blancs et de Métis qui ont voté en 1999 pour une coalition entre la DA et le Nouveau parti national (NNP), ancêtre du Parti national, au pouvoir durant l’Apartheid. L’ANC n’a pas hésité à s’allier cette année au NNP pour enfin diriger la province du Cap.

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