L’African National Congress, le parti au pouvoir en Afrique du Sud est au bord de l’implosion. Un haut cadre du parti, Mbhazima Shilowaa, a annoncé la tenue d’une convention nationale le 2 novembre prochain et a quitté l’ANC. Jacob Zuma, actuel patron du parti, a essayé de minimiser l’incident, mercredi soir, à la télévision sud africaine. Le clan Mbeki se forme peu à peu après la démission forcée de l’ancien président et menace la mythique ANC.
Mosiuoa Lekota, Mluleki George et aujourd’hui Mbhazima Shilowa. La liste de dissidents au Congrès National Africain (ANC) allonge de jour en jour. Après l’ex-ministre de la défense et son adjoint, c’est aujourd’hui Mbhazima Shilowaa, l’ancien premier ministre du Gauteng, la province la plus riche du pays, qui vient d’annoncer sa défection. Membre du comité directeur de l’ANC et figure imposante de l’ANC, il pense aujourd’hui rallier un nouveau parti avec les autres démissionnaires. « Une convention nationale est prévue pour le 2 novembre prochain », a-t-il déclaré.
Les réactions ne se sont pas fait attendre. Le soir même à la télévision sud-africaine, Jacob Zuma, patron du Congrès National Africain, est intervenu pendant près de quarante minutes pour essayer d’éteindre l’incendie. L’annonce de cette convention est pour lui le fait d’individus « isolés et aigris », rapporte RFI. Après avoir joué la carte de l’apaisement pendant quelques temps, il avait menacé d’éventuels sécessionnistes en début de semaine en déclarant : « Il nous faut aussi rappeler aux dissidents que l’Histoire a été extrêmement dure pour ceux qui rompaient avec l’ANC ». Jacob Zuma a finalement limogé les infidèles, mais il ne croit pas pour autant en leur chance de déstabiliser le parti au pouvoir lors des prochaines élections de 2009.
Le journal The Star, qui cite une source anonyme proche du comité directeur du parti, a annoncé que le Congrès avancerait probablement l’échéance électorale afin d’endiguer la vague de contestation et faire éclater la dissidence. Les intéressés n’ont rien confirmé pour le moment. Kgalema Motlanthe, qui a succédé à Thabo Mbeki, devrait démissionner à son tour en 2009 pour laisser la place à Jacob Zuma. L’actuel chef de l’ANC préfèrerait ainsi ne pas avoir trop de concurrence.
La rupture est bel et bien consommée
Paul Graham, directeur exécutif de l’Institut pour la démocratie en Afrique du Sud (Idasa), a déclaré jeudi dernier à l’AFP que les responsables de l’ANC « oscillaient entre un ras-le-bol qui les poussait à dire à Lekota de partir (…), et la volonté de maintenir l’unité du parti ».
Plus de doute aujourd’hui, la rupture est bel et bien consommée.
Depuis le 21 septembre et la démission forcée de Thabo Mbeki, accusé d’avoir comploté contre Zuma, les mbekistes, comme on les appelle désormais en Afrique du Sud, grossissent jour après jour. Le premier à partir, Mosiuoa Lekota, avait critiqué la perte de « valeurs » du parti de Nelson Mandela.
L’ANC a été créé en 1912 pour défendre les droits de la population noire contre la domination blanche. Interdit par le Parti National des Afrikaners en 1960, pendant l’Apartheid, l’ANC est de nouveau autorisé à partir de 1990. Dès les premières élections multiraciales de 1994, Nelson Mandela, tout juste sorti de prison, prend la tête du parti et du pays. Il met en place en 1996 un gouvernement d’union nationale regroupant oppresseurs et opprimés : l’ANC, le Parti national et le parti zoulou Inkhata. Largement majoritaire à chaque élection, l’ANC a toujours représenté l’union sacrée dans la « Nation arc-en-ciel ».
Pourtant, depuis une dizaine d’années, l’ANC est sujette à de vives critiques et l’union s’effrite. Elu à la présidence en 1999, Thabo Mbeki n’a pas su rassembler comme son prédécesseur. Accusé d’être trop libéral, éloigné des aspirations du peuple, il aurait entraîné une fracture sociale entre le parti et la base, selon ses détracteurs. Ses fidèles se réclament pourtant les descendants directs du prix Nobel de la paix ou encore de Walter Sisulu, militant anti-apartheid et compagnon de geôle de Mandela.
Le parti historique qui lutta contre la ségrégation raciale, la domination impérialiste blanche et la liberté des peuples sud-africains est aujourd’hui en proie à des luttes intestines bien terre à terre.
Alors que l’Afrique du Sud est aujourd’hui un pays émergent qui inquiète le Nord, un conflit politique pourrait fragiliser la première puissance économique africaine.
Lire aussi :
Afrique du Sud : Jacob Zuma sur les traces de Thabo Mbeki ?
Kgalema Motlanthe, nouveau président d’Afrique du sud