Le nombre d’Africains qui choisissent d’émigrer aux Etats-Unis ne cesse d’augmenter. Délaissant des pays d’accueil traditionnels comme la France, ils préfèrent tenter leur chance sur le sol américain. Afrik.com a recueilli le témoignage de quelques-uns d’entre eux. Troisième partie de notre série » Afrique et USA « , paraissant chaque vendredi.
On observe un nombre croissant d’immigrés africains aux Etats-Unis. Le recensement de 1990 a estimé qu’il y avait environ 405 000 immigrés africains sur le territoire américain, en 1998, le nombre s’est élevé à 645 000, et chaque année, près de 15 000 Africains adultes émigrent vers les États-Unis. Presque 88% d’entre eux ont au moins un niveau d’éducation secondaire, et le revenu per capita des immigrés africains est plus élevé que celui de la plupart des autres groupes immigrés.
Gustave est tchadien. Il est installé à Denver depuis trois ans et 2 mois grâce au HCR* et à son programme de réinstallation pour les réfugiés politiques. » J’ai été accueilli dès l’aéroport, et l’église luthérienne de Denver m’a logé et nourri. » Avec déjà un bon niveau d’anglais et une formation en finance-comptabilité, Gustave a rapidement trouvé une place de comptable dans un grand hôtel de la ville. Il avoue qu’il est resté plusieurs mois sans voir d’Africains car la communauté noire est réduite à Denver : » Les Africains choisissent plutôt les grandes villes comme New-York, Washington, ou la Californie. »
Comme les Etats-Unis ne reconnaissent pas à 100% les diplômes africains, Gustave partage son temps entre son travail et l’école. Son objectif est d’acquérir la nationalité américaine d’ici trois ans. » En étant Tchadien, je ne peux pas voyager librement. Etre Américain, c’est être libre. Vous n’avez plus de problème de visas « . Malgré quelques exemples de violence urbaine qui ont touché des membres de la communauté noire, Gustave est formel : » Si vous êtes sérieux, les gens vous respectent et vous pouvez vous intégrer. »
Green Card et nationalité
Même son de cloche chez Ramadje : » La vie à Denver est calme. Ici, les gens cherchent à te connaître. Si tu es bosseur, tu réussiras. » Tchadien lui aussi, il a obtenu un visa pour venir travailler en tant qu’ingénieur. Mais pour lui, le » rêve américain » est ailleurs que dans la consommation et l’enrichissement : Ramadje est un joueur de basket qui veut être le premier Tchadien à jouer en NBA. Et même s’il échoue dans cette voie, il souhaite s’installer aux USA, car » personne ne contrôle ton identité ici. Une fois que tu es installé et que tu ne fais pas de bêtises, tu restes autant que tu veux. « .
Quant à Justus, un autre compatriote tchadien, il est en Amérique depuis 1997, car » il faut sortir du Tchad pour pouvoir respirer correctement « . Pour lui, le pays de référence, c’était la France : » C’était mon rêve, mais avec toutes les histoires des charters et des sans-papiers, j’ai préféré aller aux USA. Beaucoup d’Africains font ce choix, et abandonnent l’idée de se rendre en France. Je reçois beaucoup de lettres de gens qui me demandent de les faire venir ici. »
Sa maîtrise d’agronomie passée au Niger, le PNUD* lui propose de partir aux USA. Il s’y sent à présent totalement à l’aise : » Je vais où je veux. En moins de 2 ans, j’avais déjà acheté 4 voitures. Ici, tu peux avoir 4 ou 5 emplois, et on te paie au même prix que les Américains. L’Amérique donne sa chance à tout le monde. » Il va obtenir la fameuse » Green Card » prochainement, et souhaite la nationalité. » Même le président du Tchad voudrait la nationalité américaine « , note-t-il avec humour. » Mais rien ne m’empêche de vivre comme un Africain, de garder ma culture. On vit en Africain et en Américain. »
Quant aux problèmes de racisme, il balaie la question : » En Afrique il y a des tueries à cause du racisme entre régions. En Afrique, tu es un animal. Ici, le droit est pour tout le monde. La police fait de son mieux pour protéger les gens sans distinction de races. » Malgré cela, il ne pense pas rester aux Etats-Unis toute sa vie, et il se spécialise pour aider les pays en voie de développement. Mais s’il repart en Afrique, ce sera en tant qu’Américain travaillant pour le compte de l’Amérique.
L’envers du décor
Mais tout n’est pas rose sur le sol de l’Oncle Sam, et Eric Johnson raconte l’envers du décor rose-bonbon qui enthousiasme tant nos Tchadiens. Eric est américain et travaille au Rocky Mountain Survivors Center. C’est un centre qui s’occupe des gens mal traités, torturés dans leur pays, victimes d’atteinte aux droits de l’homme. » Les gens que nous accueillons viennent d’eux-mêmes. Ils ne sont pas invités, comme Gustave. Certains ont des visas touristiques. Tous ont des histoires incroyables, comme cette famille somalienne qui a d’abord rejoint Moscou, puis Mexico, et qui a traversé la frontière il y a une semaine. »
Eric continue : » Ce sont des réfugiés illégaux qui demandent l’asile politique. Lorsqu’ils arrivent, ils sont totalement démunis. Ils ne connaissent personne et ne parlent souvent pas la langue. Le centre les aide, essaie de les loger et surtout de leur obtenir l’asile politique qui leur procurera un vrai statut, une maison et de quoi manger. Mais cela peut prendre 6 mois ou un an. » Chaque année à Denver, 400 personnes font cette demande. Tous ne sont pas Africains, mais le centre voit passer en priorité des Soudanais, des Somaliens et des Zaïrois qui fuient les guerres.
Le centre d’Eric travaille avec des avocats et d’autres centres de réfugiés, mais la situation est très difficile pour les nouveaux arrivants. » Je me souviens d’une famille rwandaise qui a débarqué il y a quelques années. La femme ne parlait que son dialecte. Elle a fini dans un hôpital psychiatrique « , témoigne le jeune homme. Selon lui, ces Africains choisissent l’Amérique parce qu’il y a plus de travail et que » les USA accueillent plus facilement les réfugiés que d’autres pays. »
Tant que les Etats-Unis auront la capacité d’accueil qui est la leur aujourd’hui, le rêve américain fonctionnera toujours. Et au vu des mesures restrictives de l’immigration qui sévissent en Europe, les Africains continueront toujours plus de se tourner vers l’eldorado américain.
*Haut Commissariat aux Réfugiés des Nations Unies
*Programme des Nations Unies pour le Développement
Retrouvez notre article sur le lobbying pro-africain aux Etats-Unis
Première partie de notre article sur le lobbying