Les ministres des Affaires étrangères des trois pays membres de la Confédération des États du Sahel (AES), à savoir le Mali, le Niger et le Burkina Faso, ont réaffirmé de manière catégorique leur décision de se retirer définitivement de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Cette décision, qualifiée d’irréversible, marque un tournant important dans les relations politiques et économiques au sein de la région ouest-africaine.
Lors de cette réunion, présidée par Abdoulaye Diop, ministre des Affaires étrangères du Mali, les ministres ont souligné que leur engagement vise à renforcer les mécanismes de coopération au sein de l’Alliance des États du Sahel. En particulier, ils ont mis l’accent sur la libre circulation des personnes et des biens entre leurs pays, une priorité pour leur coopération régionale. Selon les ministres, cette démarche s’inscrit dans une vision panafricaine, cherchant à faciliter les échanges et à améliorer la vie des populations de la Confédération.
La décision de se retirer de la CEDEAO avait été prise en janvier 2024 par ces trois pays, au motif que l’organisation régionale ne répondait plus aux besoins et aspirations des peuples du Sahel. Les États de l’AES ont accusé la CEDEAO de ne pas avoir soutenu efficacement leurs efforts face aux menaces terroristes croissantes. Pour eux, l’organisation est devenue sous l’influence de puissances étrangères, prenant des décisions qui nuisent à la souveraineté de ses membres. En outre, la CEDEAO est accusée de n’avoir pas apporté d’aide substantielle dans la lutte contre le terrorisme, tout en imposant des sanctions économiques sévères aux pays du Sahel après les coups d’État successifs.
Les trois pays de l’AES fermes sur leur position
Ce retrait des trois pays a été mal perçu par une partie de la communauté internationale, notamment par le Président du Sénégal, Bassirou Diomaye Faye qui a exprimé son souhait de maintenir ces pays au sein de la CEDEAO. Selon lui, l’exclusion des États du Sahel pourrait entraîner la désintégration de l’organisation régionale, affectant l’intégration économique et la coopération entre les peuples de l’Afrique de l’Ouest. Le Président Faye, médiateur désigné par la CEDEAO pour tenter de désamorcer la crise, a insisté sur la nécessité de renforcer la coopération tout en préservant l’unité de la région.
Dans ce contexte, la CEDEAO a tenté de trouver une solution en proposant une extension du délai de retrait prévu pour janvier 2025. L’objectif serait de permettre de nouvelles discussions pour éviter une rupture définitive entre les pays du Sahel et l’organisation. Cependant, les trois pays concernés sont restés fermes sur leur position, considérant que la CEDEAO ne répondait plus à leurs besoins fondamentaux et qu’il était devenu urgent de prendre leur destin en main.
Aux origines de l’Alliance des États du Sahel
L’Alliance des États du Sahel a vu le jour dans un contexte politique et sécuritaire très compliqué, marqué par l’instabilité croissante dans la région. Les pays membres du Sahel, confrontés à des défis sécuritaires importants liés au terrorisme et aux conflits armés, ont estimé que la coopération régionale était essentielle pour assurer leur stabilité. Cependant, l’absence de soutien concret de la part d’organismes comme la CEDEAO, notamment en matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme, a conduit à une rupture progressive de confiance.
Les coups d’État militaires survenus dans ces pays au cours des dernières années ont exacerbé les tensions. Le Mali a connu un coup d’État en août 2020, suivi par celui du Burkina Faso en janvier 2022, et plus récemment, le Niger en juillet 2023. Ces événements ont transformé la dynamique politique de la région, avec des militaires prenant le contrôle des gouvernements et affirmant leur volonté de mener une politique autonome, loin des influences extérieures, notamment celle de la France et de la CEDEAO.
Aboutissement d’un processus de séparation
Ces coups d’État ont également révélé une fracture profonde entre les gouvernements du Sahel et les institutions régionales, notamment la CEDEAO, qui a réagi en imposant des sanctions économiques et diplomatiques sévères. Les dirigeants des pays du Sahel, en particulier ceux du Mali, du Burkina Faso et du Niger, ont dénoncé ces mesures comme étant injustifiées et ont réclamé une prise en compte plus sérieuse de leurs préoccupations, notamment la lutte contre le terrorisme et la protection de la souveraineté nationale.
L’Alliance des États du Sahel, formée en 2023, a émergé comme une réponse à ces tensions. Elle vise à renforcer la coopération politique, économique et sécuritaire entre ces trois pays, en dehors du cadre de la CEDEAO, qu’ils jugent désormais inadaptée à leurs réalités. Cette coalition régionale a depuis renforcé ses liens, notamment sur le plan militaire, pour mieux faire face aux défis sécuritaires. Le retrait de la CEDEAO marque ainsi l’aboutissement d’un processus de séparation, motivé par des divergences profondes et l’émergence de nouvelles priorités pour ces pays.
Le retrait de ces trois pays du Sahel de la CEDEAO représente un tournant important dans les relations inter-africaines et pourrait avoir des implications durables pour la coopération économique et sécuritaire dans la région.