L’Algérie est en train de redevenir un centre d’intérêt géostratégique dans le Maghreb, mais aussi en Afrique, aux yeux des grandes puissances. A commencer par les Etats-Unis qui ont repris de l’initiative dans une région qui a cette particularité d’être politiquement agitée à cause de la menace terroriste, mais aussi du conflit sahraoui qui la maintient sous tension.
Mais plus généralement, les ressources énergétiques du Maghreb, de l’Algérie notamment, constituent un enjeu vital des positionnements présents et futurs des USA, de la France, de la Russie, de la Grande-Bretagne et même de la Chine. En l’occurrence, la convention de coopération dans le domaine du nucléaire que l’Algérie s’apprête à signer avec Washington en juin, replace dans les starting-blocks Américains et Français, surtout dans la course aux zones d’influence. Le fait que les Etats-Unis aient coiffé la France dans ce domaine, quelques jours seulement après l’offre de service du candidat Sarkozy à l’Algérie dans la technologie nucléaire, relance de plus belle la compétition bien que les deux pays évitent diplomatiquement de parler de rivalité. Mais au-delà du business proprement dit, l’offre nucléaire de l’Administration Bush à Alger pourrait être sous-tendue par ce souci d’éviter le syndrome à l’iranienne.
En se proposant de piloter la nucléarisation de l’Algérie, les Etats-Unis se donnent ainsi la garantie de pouvoir suivre, superviser et surveiller l’usage de cette technologie. Pour cause, le chantage de Téhéran sur l’enrichissement de son uranium aura faussé les calculs des USA, qui ont du mal à saisir l’ampleur et la dangerosité du programme nucléaire de ce pays. En effet, en diversifiant ses partenaires dans son industrie nucléaire, l’Iran aura brouillé les pistes à l’Oncle Sam. Et l’Algérie étant considérée comme un pays pivot grâce notamment à ses richesses énergétiques, il était sans doute plus porteur et moins risqué, devaient penser les stratèges américains, d’engager avec elle un partenariat au lieu de laisser les Russes et les Chinois, par exemple, rafler le marché. Aussi, les Etats-Unis offrent, en contrepartie, une « assurance-vie » aux dirigeants algériens s’agissant d’éventuelles suspicions sur l’usage qui serait fait de la technologie nucléaire. Il n’est pas inutile de rappeler les campagnes récurrentes des Britanniques sur les prétendus objectifs militaires des petits réacteurs de Aïn Oussera.
Les atomes crochus avec les USA…
On mesure plus les arrière-pensées de cette propagande quand on évoque la tension avec le voisin marocain par rapport au dossier du Sahara. Sur un autre plan, la coopération nucléaire algéro-américaine constitue un premier échec pour le président Sarkozy. La France, qui a de tout temps décliné les demandes algériennes, vient de se faire doubler au moment où son président élu a proposé publiquement ses services. Le pragmatisme américain a ravi la vedette au « pack » de la technologie nucléaire adossée à une sécurité pétrolière et gazière proposée, sur le tard il faut le noter, par la France. Les Etats-Unis, qui ne sont pas insensibles aux manœuvres du géant russe Gazprom, voudraient aussi garantir leur sécurité énergétique, entre autres, à partir de l’Algérie.
C’est d’ailleurs par simple curiosité que le secrétaire d’Etat à l’Energie, Samuel Bodman, a réclamé à Chakib Khelil des explications sur cette histoire de l’Opep du gaz qui fait craindre le pire aux grandes puissances. Ce n’est pas fortuitement non plus que notre ministre de l’Energie a été invité à motiver l’amendement de la loi sur les hydrocarbures, notamment l’institution d’une taxe sur les super profits qui aura irrité les Américains. L’Algérie évolue, cependant, sur du velours du fait qu’elle présente un grand intérêt dans la région et en Afrique sur le double plan géopolitique et géostratégique. C’est pourquoi elle se permet de diversifier ses partenaires et parfois de les titiller comme cela est le cas après le rachat de la société BRC dont les Américains étaient actionnaires.
Hassan Moali, pour El Watan