Alors que les campagnes d’information battent leur plein dans les pays européens pour expliquer les étapes du passage à la monnaie unique, les Algériens, eux, se distinguent par un comportement des plus désintéressés. Radioscopie.
Les Algériens ne sont pas informés de la valeur réelle de l’euro, la nouvelle monnaie que les pays d’Europe (au nombre de 15) comptent mettre sur le marché à partir du 1er janvier prochain. Ils ne sont pas plus informés de la façon dont va s’effectuer ce passage à l’euro à partir des devises traditionnelles (franc, mark, lire, pesetas…) encore en cours. Quelles incidences cela aura-t-il sur leurs affaires ? Comment se préparent-ils à cette échéance ?
La réponse à ces questions est qu’on n’en sait trop rien. C’est le flou total. Et en guise de préparation, autant dire qu’il n’y en a aucune. Tout le monde a entendu parler de l’euro, mais personne n’ira jusqu’à dire ce que cela signifie. Jusqu’aux émigrés qui continuent à proposer des francs ou des marks ( sur le marché parallèle), les importateurs qui continuent à payer leurs factures en francs ou en dollars, monnaies les plus usitées. Quelquefois encore, il arrive que les transactions se fassent en lires italiennes ou en pesetas espagnoles. Mais pour tous les opérateurs que sont les chefs d’entreprises économiques, les industriels, les agents de transit, et même les agents de change du marché parallèle, c’est encore le grand vide. Et ce n’est pas sans crainte que l’on appréhende le jour de l’entrée en vigueur de cette nouvelle monnaie sur le marché international.
Préparation bâclée
Faute de prévisions objectives établies sur la base d’études du marché monétaire international, on a droit à des supputations. « Ça va bien se passer… on continuera à travailler comme avant… non, nous ne savons pas comment nous y prendre », « j’importe des vêtements d’Italie, de France et de Thaïlande et je paie en francs ou en dollars… 6 francs, je crois… », ça ne va pas plus loin. Au pire, l’on ne se gêne pas pour porter un doigt accusateur sur la Banque d’Algérie. « C’est à elle qu’il revient de nous informer », s’écrie Ali Cheikh, la cinquantaine, importateur.
Pour Yacine, agent de transit à Alger, ceux qui risquent le plus dans cette affaire, ce sont les importateurs, « surtout que beaucoup d’entre eux ont pris la fâcheuse habitude de ne pas trop se soucier des détails techniques de leurs transactions ». Il expliquera que les importateurs ont appris à exercer ce métier du jour au lendemain, sans formation préalable, et sans jamais avoir cherché à comprendre comment évolue le marché de la monnaie. « La preuve est là, dit-il, ils ont chacun un bureau, un registre de commerce, une secrétaire et dix entrepôts, mais ça s’arrête là ». Yacine constate qu’ils sont aussi, par moments, tout à la fois, patron, secrétaire, courtier. Et d’ajouter : « L’euro, c’est nouveau pour eux, ils ne connaissent pas ».
Yacine estime que les entreprises économiques sont les mieux préparées pour parer aux risques éventuels que le passage à l’euro pourrait avoir sur leur trésorerie. Certains industriels ont même pris une avance extraordinaire car ils se sont mis à l’euro depuis longtemps. « On ne citera pas le cas de Tango ou de Coca Cola, dira Ahmed, autre transitaire, mais il faut dire que beaucoup d’industriels ont semble-t-il compris tout l’enjeu qu’il y a à négocier en euro ». Et de préciser : « 6% de nos affaires de cette année ont été effectuées en euro, elles concernent la seule période de juillet-août ». Selon lui, l’euro commence à sensibiliser. Mais Ahmed évite de dire de quoi sera fait le marché monétaire algérien une fois que l’Europe aura définitivement adopté l’euro comme monnaie unique.
Il ne manquera pas, toutefois, de prévenir que si les choses vont mal en Europe, les répercussions seront des plus néfastes pour le marché algérien. Ahmed ne comprend par ailleurs pas pourquoi la Banque Centrale n’a rendu publique aucune information à ce sujet. « Ils doivent bien savoir, eux, ils doivent informer leurs clients »…
Par Djamel Amrouche pour notre partenaire El Watan