Ce jeudi, le gouvernement algérien a annoncé le rétablissement immédiat de l’obligation de visa pour tous les citoyens marocains souhaitant entrer sur son territoire. Cette décision a été prise de manière unilatérale par l’Algérie, invoquant des raisons de « sécurité », comme l’indique un communiqué du ministère algérien des Affaires étrangères. Cette mesure marque une nouvelle étape dans les tensions qui persistent entre les deux pays voisins.
L’annonce n’a pas tardé à faire réagir sur la scène internationale, bien que les autorités marocaines n’aient, pour l’instant, pas officiellement commenté cette décision. Les relations entre le Maroc et l’Algérie traversent une phase de froid intense depuis plusieurs années. Et cette nouvelle mesure vient renforcer la fracture déjà bien marquée entre les deux nations.
Un retour au visa après des années de libre circulation
Depuis 2005, les citoyens marocains et algériens pouvaient voyager entre les deux pays sans visa. Ce, à la suite d’un accord signé entre Abdelaziz Bouteflika, alors Président algérien, et le roi Mohammed VI. Cet assouplissement des règles avait été une lueur d’espoir dans un contexte où les relations bilatérales étaient souvent tendues.
Cependant, malgré cet accord, les frontières terrestres entre les deux pays sont restées fermées depuis 1994, suite à une autre crise diplomatique. Le rétablissement du visa pour les Marocains par Alger, en 2024 marque une nouvelle phase de tensions entre les deux voisins du Maghreb. Selon le communiqué du ministère des Affaires étrangères algérien, la fermeture s’imposait car « Profitant du régime d’exemption des visas, malheureusement, le Royaume du Maroc s’est livré à diverses actions attentatoires à la stabilité de l’Algérie et à sa sécurité nationale, avec l’organisation à grande échelle, de réseaux de crime organisé, de trafic de drogue et d’êtres humains, de contrebande, d’immigration clandestine et d’actes d’espionnage, ainsi que le déploiement d’agents de renseignements sionistes, détenteurs de passeports marocains, pour accéder librement au territoire national. Ces actes constituent une menace directe sur la sûreté nationale de notre pays et imposent un contrôle ferme et strict de tous les points d’accès et de séjour en territoire national« .
Les tensions croissantes entre le Maroc et l’Algérie
La décision de l’Algérie survient dans un contexte de détérioration des relations diplomatiques qui se sont aggravées au cours des dernières années. En août 2021, l’Algérie avait déjà pris la décision de rompre ses relations diplomatiques avec le Maroc. mais n’avait cependant pas réintroduit les visas. Alger accusait Rabat de mener des « actes hostiles ». Cette rupture avait été motivée, entre autres, par des divergences concernant le dossier du Sahara Occidental, une région disputée où le Maroc et le Front Polisario, soutenu par l’Algérie, sont en opposition depuis des décennies.
La fermeture des frontières terrestres, en place depuis 1994, continue également de symboliser l’ampleur des tensions entre les deux pays. Alors que les relations se sont dégradées progressivement au fil des années, ce blocage est devenu un symbole de la profonde méfiance mutuelle qui règne entre Alger et Rabat.
Les répercussions sur les populations des deux pays
Le rétablissement de l’obligation de visa pour les citoyens marocains constitue un coup dur pour les populations des deux pays, notamment celles qui vivent près de la frontière et qui entretenaient des liens familiaux ou commerciaux de part et d’autre. Mais c’est particulièrement le cas pour de nombreux jeunes marocains qui travaillent en Algérie où le taux de chômage est beaucoup plus bas. Mais de nombreux Marocains et Algériens ont des proches de l’autre côté de la frontière et ce nouvel obstacle administratif pourrait compliquer ces relations.
En outre, les deux pays partagent une histoire riche et des liens culturels profonds, mais les tensions politiques ont souvent éclipsé ces aspects de leur relation. L’imposition du visa vient donc s’ajouter à une série de mesures qui restreignent les interactions entre leurs populations et limitent les opportunités économiques potentielles, notamment dans les régions frontalières.
Une diplomatie au point mort
Depuis la rupture officielle des relations diplomatiques, en 2021, les tentatives de réconciliation ou de dialogue entre les deux pays ont été quasi inexistantes. La décision de rétablir le visa pour les Marocains semble indiquer que les efforts pour apaiser les tensions sont au point mort. Alger continue de tenir le Maroc pour responsable de la dégradation des relations, indiquant que « Le Royaume du Maroc est tenu pour seul responsable de l’actuel processus de dégradation des relations bilatérales par ses agissements hostiles à l’Algérie », tandis que Rabat, bien que restant relativement silencieux sur cette dernière décision, voit dans cette action de l’Algérie une escalade de l’hostilité.
La situation actuelle ne semble pas près de s’améliorer, d’autant plus que d’autres sujets de discorde, comme la normalisation des relations entre le Maroc et Israël ou encore les manœuvres militaires dans la région du Sahara occidental, alimentent les tensions. Le rétablissement du visa par l’Algérie pourrait être un prélude à de nouvelles mesures restrictives, voire à un durcissement des positions diplomatiques des deux côtés.