L’Algérie régresse à grands pas. L’indice de perception de la corruption (IPC) 2007 rendu public hier, à Berlin et à Londres par Transparency International (TI), démontre que l’Algérie a perdu 15 places par rapport à l’année écoulée.
L’Algérie est à la 99e place sur 179 pays classés (l’IPC comprenait 163 pays en 2006). Sa note est médiocre : 3 sur 10. Selon l’IPC, plus la note est basse, plus la corruption est étendue. Avoir une note de 10 signifie que le pays est transparent et ne connaît pas de corruption. Les auteurs de l’IPC considèrent qu’une note inférieure à 3 signifie l’existence d’un « haut niveau de corruption au sein des institutions de l’Etat ». En 2006, l’Algérie a été classée à la 84e place mondiale avec une note de 3,1 sur 10. En Afrique, l’Algérie est classée à la 16e place, la Tunisie à la 7e place (61e au niveau mondial), le Maroc à la 10e et l’Egypte à la 17e.
L’Association algérienne de lutte contre la corruption (AACC), que préside Djillali Hadjadj et qui représente Transparency International à Alger, n’est pas surprise par le mauvais score enregistré par l’Algérie. « La situation sociopolitique et économique catastrophique qui prévaut en Algérie, depuis plusieurs années déjà, n’a cessé de favoriser les conditions de l’explosion de la corruption – petite et grande – à tous les niveaux, et tout est fait par le pouvoir en place pour que la généralisation de ce fléau se poursuive à grande échelle. Le retour en force d’un Etat policier, autoritaire, répressif et liberticide, est un des principaux indicateurs de ce maintien de l’Algérie parmi les pays cancres de la corruption au sein de la communauté internationale », estime l’AACC, dans un communiqué rendu public hier.
« Naîveté politique »
« Ceux qui croyaient que derrière les discours officiels et autres déclarations où le chef de l’Exécutif et son ministre de la Justice évoquaient leur intention de lutter contre la corruption se cachait une réelle volonté politique, en ont eu pour leur « naïveté » politique : tout cela était de la poudre aux yeux destinée aux partenaires internationaux et qui a surtout servi au plan interne à régler des comptes pour des luttes de pouvoir », ajoute l’AACC. L’association relève que l’Algérie « combat avec acharnement » la mise en place de mécanismes internationaux de surveillance de l’application de la Convention des Nations unies contre la corruption. Convention pourtant ratifiée par Alger autant que celle de l’Union africaine. « Non seulement l’arsenal législatif et réglementaire issu de ces Conventions est très indigent et très incomplet, mais il n’est même pas appliqué », relève l’AACC. Elle cite l’exemple de l’agence gouvernementale contre la corruption qui n’est toujours pas mise en place en dépit de la promulgation d’un décret portant sa création. « Second exemple, le processus de déclaration de patrimoine est éclaté et dispersé, sans mécanisme de suivi et de contrôle, et surtout non effectif, le chef du gouvernement ne se donnant même pas la peine de rendre publique sa propre déclaration de patrimoine », note l’AACC. Selon elle, les 200 milliards de dollars débloqués pour le plan de consolidation de la relance économique sont la proie de prédateurs et de « charognards maffieux ».
Elle évoque le recours systématique aux marchés de gré à gré, devenu une règle « dans nombre de ministères et au niveau des exécutifs de wilaya ». « Tout récemment encore, le ministre des Affaires religieuses annonçait, suite à l’ouverture des plis pour les études de la grande mosquée d’Alger, que ce sera au président de la République de choisir « l’heureux élu » parmi les 5 bureaux d’études retenus lors de la première sélection ! En vertu de quelle loi et de quelle réglementation sur les marchés publics, ce ministre annonce-t-il pareille décision ? », se demande l’AACC. Elle s’interroge sur l’opportunité de consacrer 3 milliards de dollars pour la construction d’une mosquée alors que la grande pauvreté se développe dans le pays et que le président de la République préconise la rigueur dans les dépenses publiques. Ravagés par la violence, la Somalie et l’Irak figurent parmi les pays les plus corrompus au monde. Au Moyen-Orient, Israël arrive en tête des pays les moins touchés par la corruption (30e au rang mondial), suivi par le Qatar, les Emirats arabes unis, le Bahreïn, Oman et la Jordanie. La Syrie, l’Iran, le Yémen et le Liban sont mal classés. Le Liban occupe la même place que l’Algérie, l’Arménie, le Belize, la Mongolie et la République Dominicaine.
« Institutions publiques compromises »
Le Bostawana est le pays le plus « propre » d’Afrique. Il est talonné de près par l’Afrique du Sud, le Cap-Vert, Maurice, la Namibie et les Seychelles. Les pays nordiques, principalement la Finlande, le Danemark et la Suède, gardent leur place de leaders mondiaux en matière d’absence de corruption. La Nouvelle-Zélande, le Singapour, l’Islande et les Pays-Bas sont également bien placés. La Grande-Bretagne arrive à la 12e place, l’Allemagne à la 16e, le Japon à 17e, la France à la 19e, les Etats-Unis à la 20e, l’Espagne à la 25e, l’Italie à la 41e, la Turquie à la 64e et la Russie à la 143e. Le Brésil et la Chine sont classés à la 72e place. « Les résultats de l’IPC 2007 montrent que la grande corruption dans les transactions commerciales internationales prend des proportions de plus en plus inquiétantes. L’Algérie est devenue un « acteur » important de ce type de corruption, et ce n’est pas un hasard si 4 principaux fournisseurs de l’Algérie – l’Allemagne, le Canada, l’Italie et le Japon – n’ont toujours pas ratifié la Convention des Nations unies contre la corruption », observe l’AACC, notant que l’énorme manne pétrolière entre les mains du pouvoir contribue à entretenir la corruption.
Transparency International relève que ce sont les pays les plus pauvres qui souffrent le plus sous le joug de la corruption. « Il est de leur responsabilité de s’attaquer au problème. Les notes faibles de l’IPC indiquent que les institutions publiques sont fortement compromises. La priorité est d’améliorer la transparence dans la gestion financière, de la collecte des impôts aux dépenses publiques, de renforcer les procédures de contrôle et de mettre fin à l’impunité dont bénéficient les responsables corrompus », préconise l’ONG. Huguette Labelle, présidente de Transparency International, estime que les pays dont les notes sont les plus basses en matière de corruption doivent prendre ces résultats avec le plus grand sérieux et agir dès maintenant pour renforcer la responsabilité des institutions publiques. « Mais les pays les mieux notés doivent également agir, en particulier pour sévir contre les activités de corruption dans le secteur privé », ajoute-t-elle. L’Indice de perceptions de la corruption de TI classe les pays en fonction du degré de corruption perçu dans les administrations publiques et la classe politique. Son élaboration fait appel à des sondages d’experts réalisés par des organismes indépendants crédibles. Johann Graf Lambsdorff, professeur d’université à Passau en Allemagne, est chargée d’établir l’IPC pour Transparency International. L’IPC définit la corruption comme l’abus d’une charge publique à des fins d’enrichissement personnel (les pots-de-vin dans le cadre de marchés publics, le détournement des fonds publics, etc).
Metaoui Fayçal, pour El Watan