La décision d’Alger de rompre les relations diplomatiques avec Rabat, « n’est qu’un nouvel épisode d’un interminable bras de fer », entre les deux pays voisins en Afrique du Nord. C’est ce qu’estime Luis Martinez, chercheur et spécialiste du Maghreb, qui se dit convaincu que l’Algérie perçoit le Maroc comme un « ennemi potentiel ».
Luis Martinez, chercheur et spécialiste du Maghreb, par ailleurs directeur de recherche au CERI-Sciences Po, dans une tribune publiée par Le Monde, n’y est pas allé par quatre chemins s’agissant de la brouille entre le Maroc et l’Algérie. Son analyse est sans appel : « l’Algérie ne perçoit plus le Maroc comme un rival, mais comme un potentiel ennemi », estimant que la décision d’Alger de rompre ses relations diplomatiques avec Rabat « n’est qu’un nouvel épisode d’un interminable bras de fer ».
Selon le spécialiste du Maghreb, « la rupture des relations diplomatiques avec le Maroc, annoncée le 24 août, intervient dans un contexte de vulnérabilité du régime algérien qui ne cesse, depuis les “révoltes arabes” de 2011, de dénoncer des complots contre l’Algérie. Les événements majeurs de la décennie dans les pays limitrophes sont interprétés comme autant de preuves d’une volonté de déstabilisation du pays ».
Évoquant les raisons qui ont poussé Alger à rompre ses relations avec Rabat, Luis Martinez affirme que « les autorités algériennes ne perçoivent plus le Maroc comme un rival, mais comme un potentiel ennemi, aspirant à déstabiliser un régime déjà affaibli par une économie mise à mal par la chute du prix du baril de pétrole en 2014, et par une situation politique dans l’impasse depuis l’émergence du Hirak, en février 2019, mouvement pacifique qui revendique une transition démocratique ».
« Les tensions algéro-marocaines ont connu un nouveau pic en 1994 quand Rabat, accusant Alger de complicité dans un attentat islamiste à Marrakech, décida d’imposer un visa aux ressortissants algériens… Le régime algérien avait ordonné, en réaction, la fermeture de la frontière, bloquant ainsi les exportations des produits marocains vers l’Algérie », poursuit Luis Martinez.
Pour le chercheur, la réintégration du Maroc à l’Union Africaine, en 2017, après l’avoir quittée en 1984, est aussi source de colère en Algérie. « Et depuis, le royaume chérifien déploie un activisme diplomatique en Afrique qui exaspère l’Algérie. Ce, d’autant plus que l’administration Trump a publiquement conforté la souveraineté marocaine sur le Sahara Occidental », poursuit le directeur de recherche au CERI-Sciences Po.
Revenant sur question centrale du Sahara Occidental, Luis Martinez est formel : « Il a paralysé tous les projets d’une intégration régionale. Voisins, l’Algérie et le Maroc ne sont pas parvenus, après un demi-siècle, à surmonter les différends qui les opposent… Cette rivalité dangereuse et destructrice sur le plan économique a fait le malheur de la jeunesse de ces deux pays, qui ne manque pas, chaque fois que les occasions se présentent, de migrer vers l’Europe ».
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