L’Algérie au front contre le colonialisme 2.0 : une stratégie africaine anti-désinformation


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ChatGPT Image illustration sommet du Cissa
ChatGPT Image illustration sommet du CISSA

Face à la montée en puissance des fake news qui menacent la stabilité des nations africaines, l’Algérie s’impose comme chef de file continental dans la lutte contre la désinformation numérique. Lors d’un atelier régional du CISSA à Alger, les autorités algériennes ont présenté une stratégie ambitieuse combinant technologie, cadre juridique et éducation pour contrer cette nouvelle forme de « colonialisme cognitif« .

L’Afrique fait face aujourd’hui à une menace majeure : la désinformation numérique. À l’avant-garde de ce combat continental, l’Algérie multiplie les initiatives pour préserver la stabilité et la sécurité des États africains, confrontés aux campagnes de fake news qui fragilisent les sociétés et menacent leur cohésion.

Lors de l’Atelier régional du Bureau de l’Afrique du Nord du Comité des services de renseignement et de sécurité d’Afrique (CISSA), tenu au Centre international de conférences Abdelatif-Rahal à Alger, la secrétaire d’État algérienne chargée des Affaires africaines, Mme Bakhta Selma Mansouri, a affirmé avec force que « l’Afrique, qui a résisté au colonialisme classique et fait face au terrorisme, est aujourd’hui appelée à se prémunir contre le colonialisme cognitif et la manipulation informationnelle ».

L’Afrique, nouveau champ de bataille des guerres informationnelles

Mme Mansouri a mis en évidence les graves répercussions de la désinformation sur la sécurité du continent, expliquant que « l’information s’est transformée aujourd’hui en une arme non conventionnelle utilisée pour désagréger les sociétés, influencer la décision des États et orienter l’opinion publique vers des agendas tendancieux sous couvert de liberté d’expression et d’ouverture numérique ».

En effet, l’Afrique est devenue une véritable arène pour ces guerres silencieuses. Mme Mansouri souligne que les élections ont été particulièrement ciblées par les campagnes de désinformation, touchant une vingtaine de pays africains. « Ces campagnes sont utilisées pour saper la confiance des peuples dans les processus électoraux, semer le doute sur la légitimité des institutions et entraîner le chaos », avertit-elle, rappelant l’expérience de plusieurs pays du Sahel où des plateformes numériques ont servi à diffuser de fausses nouvelles, sapant ainsi la confiance populaire dans les institutions étatiques.

Une stratégie algérienne à trois piliers : technologie, législation et éducation

Face à cette menace, l’Algérie propose une réponse coordonnée et multiforme. Mme Mansouri préconise une action sécuritaire basée sur la vigilance et la coopération entre les corps de sécurité, à travers la création d’un mécanisme africain utilisant l’intelligence artificielle pour détecter en temps réel les fausses informations. Ce système innovant serait développé par des compétences africaines, assurant ainsi une réponse adaptée aux réalités du continent.

Sur le plan juridique et institutionnel, elle propose l’élaboration d’une charte africaine dédiée à la lutte contre la désinformation, intégrée au système global de sécurité cybernétique du continent. Ce cadre juridique vise à harmoniser les efforts des États africains et à garantir une réponse collective et cohérente face à la propagation de fake news.

Enfin, un accent particulier est mis sur la prévention à travers l’éducation médiatique. L’objectif est de sensibiliser la société dès le plus jeune âge à travers les écoles, les universités et les médias publics, en impliquant activement la société civile, les jeunes et les élites culturelles. Cette démarche vise à renforcer la capacité des citoyens à identifier les fausses informations et à résister à leur diffusion.

Pour le président du CISSA, le général de brigade Etienne Madama Mahoundi, la désinformation représente une « menace transfrontalière » qui exige « une réponse continentale urgente ». Cette nécessité de réaction rapide et coordonnée est également soulignée par Bankole Adeoye, Commissaire aux affaires politiques, à la paix et à la sécurité de l’Union africaine. Celui-ci a salué le rôle « de premier plan de l’Algérie dans la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme », ajoutant que la lutte contre la désinformation est désormais « une nécessité stratégique ».

L’importance d’une réponse africaine

Le vice-président du CISSA pour la région Afrique du Nord, M. Hassan Rashad, insiste également sur l’importance d’une réponse collective face à ces défis : « les guerres de 4e et 5e générations reposent sur la diffusion de rumeurs et la remise en cause des institutions étatiques, tendant à saper la confiance entre les peuples et leurs gouvernements, semer la discorde et affaiblir l’esprit national. Cela n’est pas moins dangereux que le terrorisme et constitue souvent un terreau fertile à son émergence ».

Ces initiatives et ces prises de position illustrent clairement comment l’Algérie, par ses efforts proactifs, ses propositions concrètes et son rôle de leadership régional, est devenue un acteur essentiel dans la défense de la souveraineté informationnelle africaine face aux nouvelles formes de guerre cognitive et numérique.

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