A l’heure de la plus grande restructuration financière jamais entreprise aux Etats-Unis depuis la Grande dépression, les organisations humanitaires et les organisations non-gouvernementales (ONG) ont de bonnes raisons d’être inquiètes.
Le gouvernement américain va probablement devoir injecter pas moins de 700 milliards de dollars, voire plus, pour maintenir les banques américaines à flot et il semble quasi certain que cela va calmer l’enthousiasme des Américains pour le financement à grande échelle de projets menés à l’étranger.
Parallèlement à cette crise, pourtant, les prix de plus en plus élevés des denrées alimentaires et des carburants pénalisent particulièrement les populations pauvres de la planète. Selon la Banque mondiale, dans bon nombre de pays en voie de développement, les prix des denrées alimentaires ont augmenté de 83 pour cent ces trois dernières années.
Liliana Rojas-Suarez du Center for global development a écrit que les effets de ricochet provoqués par ce ralentissement économique allaient probablement se prolonger et ne se manifesteraient pas tous au même moment. Elle a en outre averti que la crise réduirait la demande en un grand nombre de biens et produits que les pays en voie de développement ont besoin d’exporter pour soutenir leurs propres économies.
Diminution des nouveaux projets
Face à la diminution des crédits internationaux, il est également probable que les investisseurs hésiteront bien davantage avant de s’engager dans de nouveaux projets.
« Lorsqu’un pays plonge dans la récession, il est assez difficile pour son ministère du Développement de plaider en faveur d’une augmentation de l’aide internationale », a indiqué Robert Glasser, secrétaire général de CARE International, ajoutant qu’il était plus probable que l’aide internationale stagne plutôt qu’elle soit complètement suspendue.
« Politiquement, il est généralement bien plus facile d’empêcher ou de retarder l’augmentation du montant de l’aide internationale, plutôt que de suspendre totalement cette dernière. Généralement, ils maintiennent au moins le flux de l’aide au même niveau et retardent l’augmentation ».
Pression
« Il est inévitable, semble-t-il, que des pressions croissantes seront exercées de tous les côtés sur les organisations internationales d’aide au développement », a expliqué à IRIN Tom Pollak, directeur de programme au Centre national des statistiques caritatives de l’Urban Institute.
En 2007, la somme record de 306,39 milliards de dollars avait été donnée à des organisations caritatives.
Sur cette somme, environ 10,6 milliards de dollars avaient été versés à des organismes à but non-lucratif investis dans des activités d’aide au développement international. Les dons internationaux de produits pharmaceutiques et de matériel médical effectués par les entreprises représentaient quant à eux 2,3 milliards de dollars.
Jim Yunker dirige le comité de rédaction de Giving USA, un autre organisme à but non-lucratif qui dresse le bilan des dons humanitaires. Selon lui, les fondations américaines, qui sont tenues de redistribuer cinq pour cent des bénéfices que leur rapportent leurs investissements, risquent de se retirer à mesure que leurs portefeuilles perdent de la valeur.
Baisse possible des dons
Les fondations américaines ne représentent toutefois que 12 pour cent des dons humanitaires environ. Giving USA prend le pouls des organismes à but non-lucratif depuis près de 53 ans et au cours de cette période, selon M. Yunker, l’organisation a noté une augmentation progressive des dons philanthropiques, en dépit de nombreuses récessions.
La chute la plus marquée faisait suite aux attentats de 2001 au World Trade Center, mais dès la fin de l’année, le montant des dons était revenu à la normale.
S’il est trop tôt pour constater les répercussions du ralentissement économique américain sur l’aide européenne au développement, plusieurs signes indiquent que certains donateurs particuliers se montrent désormais plus prudents.
« Un grand nombre de gens sont en train de perdre une partie de leur pouvoir d’achat », selon Thomas Kurmann, directeur de communication et de la récolte de fonds à Médecins sans frontières (MSF) Suisse.
« Pour le moment, nous ne constatons aucune répercussion au plan général », a-t-il dit, « mais si l’on regarde les chiffres plus en détails, on s’aperçoit que certaines personnes, aux revenus plus faibles, ont cessé de faire des dons ».
MSF fera sans doute preuve d’une plus grande prudence au moment de définir son budget 2009, d’après M. Kurmann.
Pour les ONG américaines, la chute de Wall Street représente une véritable menace. « Si je suis préoccupé ? », a demandé Marshall Burke, vice-président directeur du développement des ressources à CARE USA. « Bien sûr ! Quiconque n’est pas préoccupé, dans le monde humanitaire, s’est probablement endormi au volant ».
Si CARE manque de peu seulement ses objectifs en termes de récolte de fonds, M. Burke a déjà reçu des messages de la part d’une fondation de taille moyenne, l’informant que celle-ci diminuerait ses subventions en raison des pertes subies dans son portefeuille d’investissements.