La disparition du leader d’Al-Quaïda Oussama Ben Laden suscite toujours de multiples interrogations dans la presse africaine. Quel est l’avenir du terrorisme ? Est-il vraiment mort ? Fallait-il le tuer ? Tour d’horizon.
« Terrorisme rien n’est réglé », titre mardi le quotidien algérien El Watan, dans son éditorial, qui estime que « l’Amérique vient d’assouvir sa revanche mais, en même temps, elle ouvre grand la voie à d’autres aventures terroristes, peut-être moins spectaculaires que celle de septembre 2001, mais tout aussi sanglantes ». Selon le quotidien, si la mort de Ben Laden a un impact négatif sur la mouvance terroriste, «elle ne signifie pas la fin d’Al-Qaïda et encore moins la disparition du terrorisme ». Et il ajoute que « tous les coups portés à Al-Qaïda ces dernières années, à travers une collaboration internationale poussée, n’ont pas réduit ses capacités de nuisance. »
Pour le quotidien Aujourd’hui Le Maroc, « l’AQMI constitue une menace réelle pour la stabilité et la sécurité dans la région du Sahel et du Maghreb » et «la question qui se pose aujourd’hui, suite à la mort de Ben Laden, est celle de savoir où et quand Al-Qaïda ou ses filiales régionales vont perpétrer des attentats pour venger l’assassinat de leur leader emblématique ?» Son concurrent Libération juge que les capacités du réseau terroriste dans la région du Sahel ou AQMI sévit sont toujours importantes. Le quotidien marocain juge que « les moyens déployés par les Etats Sahéliens et quelques pays occidentaux apparaissent dérisoires dans cette immense zone, en large partie désertique d’où la recrudescence des opérations qui y sont menées par la nébuleuse terroriste. » Le journal donne pour preuve le récent « attentat contre le café Argana, à Marrakech, qui a été attribué par certains hauts commis de l’Etat à Al-Qaïda». Et pour lui « l’appel à la vigilance demeure donc actualité brûlante ».
Qu’en est-il du corps du chef d’Al-Qaïda ?
Les quotidiens africains se sont aussi beaucoup intéressés à ce qu’il est advenu de la dépouille du leader d’Al-Qaïda. Le site d’information Guinée Conakry infos, qui titre « Ben Laden un mort bien vivant encore » soulève plusieurs points obscurs : « beaucoup d’observateurs ne comprennent pas comment les Etats-Unis, qui disaient être sur la piste du leader d’Al-Qaïda depuis huit mois, n’ont pas pu tout simplement le capturer vivant, pour ensuite le juger et le condamner, histoire de faire la chose comme des hommes civilisés contrairement à ben Laden lui-même ? » Selon le site, « l’explication fournie par le chef de l’exécutif américain selon laquelle la capture de Ben Laden n’a pu réussir parce qu’il aurait réagi ne convainc pas grand monde. D’autant plus que le corps du leader terroriste reste encore introuvable ». Le quotidien en ligne soulève notamment un autre sujet de polémique concernant « l’enterrement précipité de Ben Laden en mer. » « N’aurait-il pas fallu apporter la preuve de sa mort avant de décider du sort à réserver à son corps ? Ou bien le corps de Ben Laden comporterait-il des traces encombrantes pour l’armée américaine ? » interroge le site qui estime que « l’explication selon laquelle l’inhumation de Ben Laden en mer viserait à empêcher à d’autres terroristes de faire de sa tombe un lieu de pèlerinage ne tient pas ».
« On ne sait plus à quel cadavre se vouer », titre ce mercredi le quotidien burkinabè L’Observateur Paalga. « La dépouille a-t-elle été immergée ou gardée au frais ? », interroge le journal. « Que l’on n’ait pas voulu faire de sa tombe un sanctuaire, on le veut bien ; mais la rapidité avec laquelle les exécutants se sont séparés de leur illustre cadavre a de quoi interloquer plus d’un. Cette façon cavalière épaissit le mystère, estime le journal, et pourrait même, selon certains analystes, braquer encore plus ceux pour qui l’Amérique demeure le premier des satans. » Même son de cloche pour son concurrent, Le pays qui se demande si l’on devait tuer « Ben Laden ? » Le quotidien relève que « l’on peut tout de même s’interroger sur le fait que jusque-là aucun film relatant l’opération en détails n’ait été présenté à l’opinion. Préparerait-on une version un peu plus digeste pour ne pas choquer les âmes sensibles ? On finira bien par le savoir ! Pour l’heure, constate Le Pays, les sceptiques peuvent continuer à spéculer sur la véracité des faits ou s’interroger sur certains aspects de l’opération. Par exemple : Ben Laden est-il vraiment mort ? Ne serait-il pas détenu quelque part dans le monde ? Ou encore : aurait-on pris le temps de lui soutirer des informations de première main, avant d’évoquer sa mort au moment opportun ? »
De même, pour le quotidien L’Avenir en République Démocratique du Congo « ne pas remettre ce corps à sa famille ou ses proches fait aussi accroire la thèse d’un montage, estime le journal. »
« Une mort sans image ni vidéo du cadavre. Qu’ont vraiment fait les Américains de Ben Laden ? » titre ce mercredi le quotidien algérien Liberté, qui pointe aussi du doigt le mystère qui entoure la mort du chef d’Al Qaïda. Selon Liberté, « le contexte dans lequel disparaît ben Laden soulève également des interrogations, car cette disparition est considérée comme du pain béni pour le locataire du bureau ovale, qui voit ses chances d’accomplir un second mandat présidentiel décuplées, après qu’il eut annoncé bien à l’avance son désir d’y postuler à nouveau. » « Tant que des images ou des vidéos n’auront pas été dévoilées sur cette nouvelle mort de ben Laden, le mystère demeurera entier », conclut Liberté. » Même constat, pour le quotidien nigérian The Nation, qui met en évidence la pression que subissent les Etats-Unis concernant « la diffusion des images du corps présumé du terroriste Oussama Ben Laden. »
« Pourquoi Ben Laden suscite t-il de la Sympathie ? »
Le quotidien sénégalais Le Soleil se demande, lui, dans son édition du mercredi « pourquoi Ben Laden suscite- t-il de la Sympathie ? Voire de l’admiration auprès de tous ces exclus et frustrés de la terre», contrairement « à l’explosion de joie qui a suivi la mort du chef d’Al-Qaïda dans les rues de Washington et de New-York », écrit le quotidien. « Comment comprendre la jubilation auprès de ces paisibles habitants d’Istanbul ordinaires devant les malheurs de l’Amérique et leur attristement à l’annonce de la mort de Ben Laden le terroriste ? », s’interroge Le Soleil. « Pour beaucoup de ces jeunes sympathisants de Ben Laden, ce dernier est perçu comme un redresseur de torts, celui, qui a osé défier l’arrogante Amérique Honnie ce faisant du coup le porte-parole de tous les humiliés du monde, dont à tort ou à raison, on accuse l’Amérique et l’Occident d’être responsable de leur malheur », analyse le journal. Le quotidien sénégalais consacre notamment un article sur la position du Pakistan qui n’avait pas été informé de l’intervention américaine sur son sol pour éliminer le leader d’Al Qaïda. Le quotidien estime que le « Pakistan est sur la sellette » car les Etats-Unis le soupçonneraient d’avoir protégé Oussama Ben Laden durant toutes ces années. Le journal souligne notamment que « l’élimination du chef d’Al Qaïda tend des relations déjà difficiles entre les deux alliés. »
Le quotidien Kenyan, Daily Nation, lui, s’est interrogé mardi sur la succession du terroriste. « Ayman Al-Zawahiri, un chirurgien égyptien et bras-droit de Ben Laden depuis de nombreuses années, est pressenti par le FBI comme le candidat le plus susceptible de prendre le relais en tant que chef de l’organisation terroriste la plus redoutée dans le monde », écrit le journal. La presse africaine, qui est avide de percer le mystère qui entoure la mort du leader d’Al-Qaïda, reste aux aguets.