Au Cameroun, dans le secteur de la banane, on refuse les modifications génétiques pour améliorer la productivité ou accroître la résistance. On leur préfère des méthodes de fécondation naturelle.
Tous les pays développés ont connu d’incroyables progrès en matière d’amélioration des plantes à tel point que l’on a parlé de » révolution verte « . L’Afrique quant à elle n’a connu que de lentes améliorations à l’impact tout relatif. Et pourtant, le continent noir a un besoin impérieux d’améliorer sa production et sa productivité, notamment en matière bananière. Il lui faut augmenter la résistance des différentes variétés de bananes (sucrée, plantain ou à cuire) afin de les protéger de différentes maladies. Ainsi, les expériences génétiques africaines concernant les bananes se multiplient. Logique !
Cela n’est pas vraiment une surprise car on connaît la place prépondérante de la banane en Afrique. Elle revêt une importance majeure en termes de sécurité alimentaire et économique. » Au niveau mondial, c’est la quatrième plante vivrière après le riz, le maïs et le blé. En Afrique, on estime la consommation de bananes par an et par habitant à 250 kilos et ce chiffre est en augmentation constante. C’est dire la place de cet aliment qui est la base de tous les repas ! « , confie le docteur Emile Frison, chef du réseau international pour l’amélioration de la banane et de la banane plantain (Inibap), basé à Montpellier.
Urgence africaine
C’est pourquoi la nécessité d’une action urgente au plan mondial s’est faite sentir dans les années 80 alors qu’une maladie fongique dévastatrice se propageait avec une rapidité extrême. Cela risquait d’avoir des conséquences désastreuses pour des millions de personnes dépendantes de la banane et de la banane plantain pour leur alimentation quotidienne. C’est pourquoi depuis sa création, l’Inibap se charge de coordonner les recherches et de fournir les moyens financiers et techniques indispensables. En effet, rares sont les pays de la région qui ont les moyens d’assumer cette recherche ou qui ont élaboré des politiques nationales en ce sens.
Cependant, les scientifiques qui s’intéressent à l’amélioration de la banane et en particulier de la banane plantain refusent de suivre le chemin de la modification génétique. Ils lui préfèrent des programmes conventionnels de croisement de bananiers. » Il n’est pas question de travailler sur les OGM pour le moment. Nous n’avons pas assez de recul vis-à-vis de ce type d’opérations et sur leurs conséquences « , explique Eric Fouré, directeur adjoint chargé du Carbap (Centre africain de recherche sur la banane plantain) basé à Douala, au Cameroun.
Créer des hybrides résistants et adaptés
La technique choisie est donc simple. » On croise deux espèces sans introduire de nouveaux gènes de résistance et on espère que l’espèce ainsi obtenue sera moins fragile que ses parents « , nous dit Emile Frison. Car en fait, tout le problème de la banane c’est qu’elle est stérile. Il n’y a pas de graines dans le fruit. Il faut donc avoir recours à une fertilisation artificielle par pollinisation afin d’obtenir des graines, mais comme le rajoute le docteur Emile Frison » il s’agit là d’améliorations classiques et raisonnables « . Seul ombre au tableau : toutes ces expériences prennent du temps et demandent beaucoup de patience.
Cependant, les résultats de ces programmes sont satisfaisants, ce qui encourage les scientifiques. Effectivement, les recherches se sont concrétisées par la découverte de catégories hybrides à hauts rendements et plus résistantes aux différentes contraintes parasitaires. Mais une fois que ce travail est fait, cela ne s’arrête pas là. » Il s’agit ensuite d’associer les planteurs aux découvertes en créant des parcelles de démonstration dans les villages mais en général l’accueil est plutôt favorable. Enfin, il faut aussi du temps pour que les variétés hybrides soient appréciées par la population « , confie Eric Fouré en parlant de son expérience camerounaise.
Mais au final et compte tenu de l’importance de la banane en Afrique et de la demande croissante pour de nouvelles variétés de plus en plus résistantes, les recherches sont encore insuffisantes. C’est pourquoi, afin de fédérer les synergies et de maximiser les résultats de la recherche, un consortium mondial a été mis en place afin de » séquencer » le génome de la banane. » Il s’agit d’avoir une connaissance intime de la plante et de pouvoir lire ses informations génétiques afin d’améliorer beaucoup plus efficacement sa résistance « , explique le docteur Frison qui poursuit en disant » mais d’ici cinq ans nous n’aurons qu’un brouillon grossier du génome, il faut au moins dix ans pour obtenir des résultats exploitables « . Et comme souvent, les résultats dépendent du temps…et des moyens !