Lors du colloque Futuract, John Sarpong, fondateur de la société Africast.com, a rappelé la nécessité de l’Internet pour l’Afrique. Mais il promeut une vision très marchande du rôle du Réseau pour le développement du continent. Interview de nos partenaire de Transfert.
John Sarpong, né au Ghana mais installé aux Etats-Unis depuis 1981, a fondé en 1999 Africast.com, un portail qui s’adresse à la communauté africaine d’Afrique ainsi qu’aux quelque 50 millions d’émigrés qui vivent en Europe ou en Amérique du Nord. Cette entreprise leur propose des outils de communication (courrier électronique multilingue avec traducteur automatique), de transfert de fonds ( » Africash « ) et de commerce, accompagnés d’un fil d’information sur l’actualité africaine. Parallèlement à cette activité lucrative, une part des bénéfices est consacrée à Africast Foundation, une organisation non gouvernementale qui mène des actions d’initiation et d’éducation à l’Internet et aux nouvelles technologies.
« Internet est-il au service de l’humanité ? » s’interrogeait-il, mardi 22 janvier, lors du colloque Futuract (co-organisé par le Groupe HEC et l’Institut des cadres dirigeants). Il répond aux questions de Transfert.net.
Où en est le développement d’Internet en Afrique ?
Internet est une nécessité pour l’Afrique, et la situation progresse rapidement. En 1996, seuls onze pays d’Afrique étaient connectés à Internet, aujourd’hui les cinquante-cinq pays du continent le sont. Et l’année dernière, le nombre d’ordinateurs connectés à Internet en Afrique a augmenté de 36 %, contre 18 % de croissance en moyenne dans le monde. De cinq millions d’internautes africains à l’heure actuelle, on devrait atteindre les vingt millions en 2005.
Le tableau que vous dressez n’est-il pas trop optimiste ? Ne masque-t-il pas les très forts déséquilibres du développement d’Internet en Afrique ?
C’est vrai que la structure de la population internaute ne reflète pas celle de l’ensemble de la population africaine : le revenu moyen des personnes connectées est bien supérieur au revenu moyen en Afrique et, en ce qui concerne l’Afrique du Sud, les Blancs constituent l’essentiel des internautes. De plus, parmi les utilisateurs d’Africast.com, 70 % sont des Africains expatriés et seulement 30 % résident encore en Afrique. Néanmoins, le succès des cybercafés qui ne désemplissent pas prouve bien que l’utilisation d’Internet se répand parmi toutes les couches de la population. En outre, il ne faut pas oublier que près de cent millions de personnes en Afrique, soit 12 % de la population totale, a un niveau de vie comparable à celui des occidentaux. Ils représentent donc une cible très attractive pour les annonceurs et les entreprises sur Internet.
Africast.com a justement une approche très marchande de l’Internet à destination de la communauté africaine. N’est-ce pas faire l’impasse sur l’éducation de la population d’Afrique aux nouvelles technologies ?
Mais à travers Africast Foundation, nous menons des actions éducatives ! En partenariat avec d’autres ONG, nous installons des cybercentres dans des zones rurales et assurons la formation des habitants. Il s’agit avant tout de leur apprendre à se servir d’un ordinateur, après quoi nous leur montrons en quoi Internet peut leur être utile.
Néanmoins, Africast.com n’a pas vocation à résoudre les problèmes de tout le monde. C’est une entreprise à but lucratif qui se concentre sur quelques services très utiles. Ainsi, les émigrés africains envoient chaque année plus de cinq milliards de dollars à leurs familles, ce qui dans certains pays constitue la deuxième ou troisième source de revenus en provenance de l’étranger. Africash leur propose donc une solution plus économique que ce qui existait jusqu’alors sur le marché.
Rémi Vallet