Les oiseaux migrateurs venus d’Asie risquent de propager la grippe aviaire en Afrique. L’Afrique du Nord et l’Afrique de l’Est sont en première ligne. Pour Joseph Domenech, chef du service de la santé animale de la FAO, le continent n’est pas en mesure de réagir si l’épizootie se déclare. L’organisation onusienne est à pied d’oeuvre pour faire face à une catastrophe annoncée.
Par Floréal Sotto
L’Afrique est sur la trajectoire de la grippe aviaire. Le virus pourrait se répandre comme une traînée de poudre sur le continent dans les semaines à venir. Devant le manque de moyens, la pandémie risquerait de déclencher une véritable catastrophe sanitaire. M Domenech, spécialiste de la santé animale à la FAO (Organisation pour l’alimentation et l’agriculture, ONU), sonne l’alarme.
Afrik.com : A-t-on recensé des cas de grippe aviaire en Afrique depuis le début de l’épizootie ?
Joseph Domenech :Non pas pour le moment, mais cela pourrait arriver rapidement à cause des vols migratoires. Les oiseaux qui suivent les courants Nord Sud, en partance du nord de l’Asie, vont atteindre l’Afrique d’ici peu.
Afrik.com : Quels types d’oiseaux pourraient importer le virus en Afrique ?
Joseph Domenech :Nous avons isolé une douzaine d’espèces, principalement des oiseaux d’eau (canard, mouette…). Il a été confirmé que le virus ne touche pas uniquement les espèces domestiques, mais bien aussi les oiseaux sauvages. Cela reste néanmoins une infime partie du problème. Il a été prouvé que de nombreux oiseaux sont porteurs du virus sans présenter de symptômes apparents, ce qui les rend très difficile à repérer. Par ailleurs des analyses sur la faune dans les réserves isolées n’ont pas encore vraiment vu le jour. Il est donc impossible d’établir une liste précise des espèces contaminées et propices à la propagation de la pandémie.
Afrik.com : Quelles régions d’Afrique sont les plus menacées ?
Joseph Domenech :L’Afrique de l’Est et l’Afrique du Nord seront très probablement les premières régions touchées, car elles vont accueillir directement les oiseaux en provenance d’Asie. Mais à plus long terme, l’Afrique de l’Ouest est également menacée. En effet, des oiseaux migrateurs asiatiques vont croiser des oiseaux d’Europe occidentale sur les terres orientales de l’Afrique. Ces derniers ramèneront le virus en Europe et le transmettrons à d’autres oiseaux migrants vers l’Afrique de l’Ouest. Cette possibilité d’un double croisement met en péril toute l’Afrique à plus ou moins long terme. C’est pourquoi nous préconisons un plan continental.
Afrik.com : Est-ce que l’Afrique s’organise face au danger ?
Joseph Domenech :Il faut savoir que les Etats africains disposent généralement de services vétérinaires très limités. Les équipes sont très réduites, ils ne peuvent donc assurer un recensement efficace du virus. Il risque donc de se déclarer et de se propager avant d’être repéré. Par ailleurs, en cas d’épizootie, les vétérinaires ne seront pas aptes à répertorier tous les cas, ainsi qu’à mener une campagne d’abattage et de prévention simultanément.
Afrik.com : Que prévoit la FAO, si la pandémie s’étend ?
Joseph Domenech :Nous sommes en en train de mobiliser des fonds exceptionnels. L’Afrique, plus que les autres continents, à besoin d’un appui. Les bailleurs de fonds habituels (Union européenne, Union Africain, Fonds monétaire international…) ont répondu massivement à l’appel d’offre. Mais nous espérons que les fonds seront débloqués suffisamment rapidement pour que nous puissions prévenir la pandémie. Ces fonds permettront d’aider l’Afrique sur trois fronts : surveiller plus efficacement la faune, mener des campagnes de prévention (vaccination) et aider à l’abattage des oiseaux dans les foyers répertoriés.
Afrik.com : Pensez vous que l’Afrique pourra éviter le pire ?
Joseph Domenech :Il faut tout faire pour que l’épizootie soit contrôlée, mais à ce stade je ne peux rien dire de la tournure que prendront les choses.