
Le FMI vient d’alerter sur les fragilités économiques persistantes en Afrique subsaharienne, malgré une croissance encourageante en 2024. Selon le rapport semestriel « Recovery Interrupted », la région fait face à plusieurs menaces externes et internes, compromettant la trajectoire de croissance pour 2025. L’inflation persistante, les tensions commerciales mondiales, la baisse des prix des matières premières et un endettement croissant viennent assombrir les perspectives de développement. Le FMI appelle à des réformes structurelles et à une solidarité internationale accrue pour éviter un déclin économique à long terme.
La reprise économique amorcée en 2024 en Afrique subsaharienne semble déjà menacée. Le Fonds Monétaire International (FMI) vient de tirer la sonnette d’alarme dans son rapport semestriel intitulé « Recovery Interrupted », pointant une série de risques et de vulnérabilités qui pourraient freiner durablement le développement du continent. Derrière les progrès affichés, des fragilités profondes inquiètent les experts.
Un bilan 2024 en demi-teinte
À première vue, l’année 2024 laissait entrevoir des perspectives encourageantes. Avec une croissance régionale de 4,0 %, supérieure aux prévisions initiales, l’Afrique subsaharienne semblait reprendre son souffle après plusieurs années marquées par la pandémie et les crises mondiales. L’augmentation des investissements publics, la vitalité du secteur des services, notamment au Nigeria, ainsi que la montée des exportations de matières premières stratégiques telles que l’or, le cacao et le café, ont porté cette dynamique.
Sur le plan macroéconomique, les signaux étaient également positifs : l’inflation médiane a reculé à 4,5 %, bien en deçà des pics observés en 2022, tandis que la dette publique se stabilisait sous la barre symbolique des 60 % du PIB. Même l’accès aux marchés internationaux semblait se consolider, avec plusieurs pays réussissant à lever des fonds importants par le biais d’Eurobonds.
Des perspectives 2025 revues à la baisse
Cependant, ces acquis restent fragiles. Le FMI revoit ses prévisions de croissance pour 2025 à 3,8 %, soit un léger recul par rapport à 2024, avant un hypothétique rebond en 2026. Trois menaces principales pèsent sur cette trajectoire. D’abord, les tensions commerciales mondiales perturbent les exportations africaines. L’escalade des droits de douane, notamment entre les États-Unis et leurs partenaires, impacte durement les pays dépendants du commerce extérieur, comme le Lesotho et Madagascar. Ensuite, la chute des prix des matières premières (hors or et cacao) réduit les recettes d’exportation et déséquilibre les budgets nationaux. Enfin, la détérioration des conditions financières internationales, avec un coût de la dette en hausse, rend l’accès au crédit toujours plus difficile pour les économies africaines.
Des faiblesses internes toujours inquiétantes
Au-delà des facteurs externes, le FMI souligne des vulnérabilités structurelles persistantes. Dix-sept pays continuent d’afficher une inflation à deux chiffres, et un tiers de la région combine plusieurs déséquilibres macroéconomiques majeurs. Les réserves de change insuffisantes, les déficits publics élevés et un endettement critique menacent la stabilité économique de nombreux États.
Dans ce contexte, l’aide publique au développement, qui plafonne à 0,5 % du PIB régional, apparaît largement insuffisante. Les coupes budgétaires annoncées par les principaux bailleurs occidentaux, notamment dans les secteurs sociaux, font craindre une aggravation des inégalités et un ralentissement des progrès en matière de santé et d’éducation.
Les recommandations du FMI pour éviter le pire
Face à ces défis, le FMI exhorte les pays africains à engager des réformes courageuses. Élargir l’assiette fiscale en supprimant certaines exonérations, rationaliser les dépenses publiques en réduisant les subventions aux carburants, et nettoyer la fonction publique des « travailleurs fantômes » sont parmi les mesures prônées.
Sur le plan de la dette, l’institution appelle à des restructurations rapides pour les pays en situation critique, comme la Zambie et le Ghana, et à une transparence accrue dans la gestion des emprunts. Côté politique monétaire, elle recommande le maintien de taux élevés dans les économies en proie à l’inflation, tout en envisageant des assouplissements ciblés pour les pays plus stables.
Enfin, le FMI insiste sur la nécessité d’une mobilisation internationale renforcée. L’institution plaide pour des prêts concessionnels et des dons ciblés vers les États les plus fragiles, notamment au Sahel et dans la Corne de l’Afrique. La mise en œuvre accélérée de projets régionaux, comme la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), est également jugée essentielle pour renforcer la résilience économique du continent.