L’Afrique, enjeu politique majeur pour les Etats-Unis


Lecture 6 min.
arton57549

Avec la fin du second mandat de Barack Obama, plusieurs des politiques de l’ex président des Etats Unis sont remises en question. Beaucoup se demandent quelles inflexions seront apportées par Donald Trump. Une des évolutions les plus évidentes est le changement du rapport à la Chine. La rivalité des deux superpuissances semble reprendre de plus belle, et l’Afrique est le terrain de prédilection de cet affrontement.

Avec le début du mandat de Donald Trump, l’Amérique se retourne, et analyse le bilan politique des années Obama. Tous les aspects de ses années au pouvoir ne sont pas célébrés – en particulier sa politique internationale, qui a vu les Etats-Unis perdre de leur influence dans de nombreuses régions du monde. Et ce, souvent au profit de la Chine. Parmi les plus vives critiques de l’action de l’administration Obama, on trouve Pete Hoekstra, président de la commission des relations internationales de la Chambre des représentants. Ce dernier déplore le « vide » laissé par l’ « absence de leadership » du président sortant. Il cite comme exemples l’Iran et l’Afghanistan, mais aussi la Lybie, et la Corne d’Afrique. « Quand les Etats-Unis hésitent (…) la Chine avance » confiait-il dans une tribune incendiaire dans le Dailly Caller.

Le déclin de l’influence américaine

Cette tendance a très bien été illustrée par l’inversement du rapport géopolitique et économique dans l’océan Pacifique – en particulier lors du Sommet de Lima en novembre dernier, où la Chine a promu sans entraves son Accord de partenariat économique régional intégral (RCEP). Ce projet vise à remplacer le projet Partenariat transpacifique américain.

Mais c’est surtout en Afrique que le poids de la Chine s’est fait le plus ressentir. Depuis 2009, les Etats-Unis ont perdu leur rôle de premier partenaire commercial du continent, au profit de Pékin. Obama s’y est fait une réputation d’hypocrite à force d’ambivalence, et d’alliances discutables avec des pays dont le bilan en matière de droits de l’homme était très contesté, d’un discours moralisateur de façade et du choix soigneux de quelques batailles idéologiques sans grand enjeu.

Deux visions de la politique extérieure américaine

On peut citer l’exemple du Kenya, où Obama s’est rendu durant l’été 2015 – un pays qui pratique une répression violente des homosexuels. En se contentant d’une condamnation idéologique à demi-mots, plutôt que de faire pression sur le gouvernement et soutenir les groupes de la société civile de défense des droits LGBT, le président américain a fait gage d’une faiblesse dommageable à deux égards. Elle agace d’une part le pays hôte – et partenaire commercial – et Washington perd de son influence interne. Elle souligne d’autre part son impuissance à faire changer la situation, et Washington perd de son influence globale. Ce type de pose éthique ne peut en effet pas se permettre de souffrir de demie mesure. La Chine, a contrario, évite tout engagement idéologique. Elle vient faire des affaires. Elle avance.

Donald Trump a déjà clairement fait savoir qu’il ne fera pas dans le politiquement correct. Il a aussi affirmé haut et fort qu’il combattra le progrès chinois de front. Son inimité pour l’empire du milieu n’est pas neuve. Déjà dans son livre The America We Deserve, écrit en 2000, il annonçait la couleur en présentant le Chine comme « le principal enjeu à long terme » de Washington, qui trop longtemps a « tenté de faire ami-ami, ce qui a desservi nos intérêts nationaux ». Une ligne confirmée dans son livre de 2011, Time To Get Tough: Making America #1 Again, où il décrit Pékin comme un « ennemi » soulignant le « danger que cette puissance économique représentera » pour les Etats-Unis. Une vision rappelée tout au long de sa campagne qui, avec le rapprochement qu’il a opéré avec Taïwan depuis quelques semaines, met fin à une complaisance américaine envers la Chine datant de 1979.

Djibouti, le pays qui cristallise toutes les tensions

Aussi, l’Afrique – où la Chine connait son expansion la plus rapide – sera l’un des terrains de prédilection de ce bras de fer. Et Pete Hoekstra, qui est devenu l’un des principaux conseillers de transition pour l’administration Trump, n’a de cesse de pointer du doigt un pays dans lequel l’influence de la Chine n’a cessé de progresser depuis le début de la décennie : Djibouti. Le pays est d’une importance stratégique particulière pour Washington, comme il abrite les deux seules bases militaires américaines sur le continent africain – contre des loyers généreux. Or, il accueille aussi depuis cette année la première base chinoise à l’étranger. Depuis 2008, Pékin a envoyé des dizaines de navires dans le Golfe d’Aden pour des missions d’escorte – les actes de piraterie y sont récurrents. Mais sans base logistique, l’armée chinoise rencontrait des difficultés pour réapprovisionner ses navires.

Sur le terrain, lentement mais surement, Washington se fait damer le pion par Pékin. En mai 2015, par exemple, après avoir investi pas moins de 14 millions de dollars dans le port d’Obock, les américains ont été reconduits à la porte pour laisser place à leur concurrent. Le président djiboutien, Ismael Omar Guelleh – dit « IOG » – tourne de plus en plus le dos à ses alliés historiques. Pékin rafle tous les projets de construction : les terminaux pétroliers, un oléoduc, les voies de chemin de fer et les routes vers l’Ethiopie… Dernière déconvenue en date, IOG ambitionne d’offrir à Pékin une concession dans le port international de Doraleh – ce qui impliquerait que l’armée américaine doivent s’approvisionner via un port géré par la Chine. Ce dernier a justifié ce choix en répétant à qui voulait l’entendre que la Chine était de loin son « plus gros investisseur » et un « allié stratégique ».

Vers un désengagement américain

De fait, IOG dirige son pays d’une main de fer depuis 1999 et étouffe sans retenue toute tentative d’opposition démocratique. Il a été réélu en avril dernier avec 86,7 % des voix, et donc aucun changement ne semble se profiler à Djibouti. Si bien qu’un revirement de stratégie se fait ressentir au Pentagone : Washington se désengagerait progressivement du pays. Cette inflexion n’est pas une surprise totale, d’autant que Trump a fait part de son scepticisme quant à l’utilité d’avoir autant de bases militaires à l’étranger – il a par ailleurs entamé des discussions à ce propos avec le Japon et la Corée du Sud, où les Etats Unis sont implantés. Ainsi, la signature d’un accord de coopération entre le Sénégal et la direction stratégique américaine pour l’Afrique pourrait bien être pour Djibouti le premier signe de l’assèchement des précieux investissements des Etats-Unis, las de ce jeu de dupes.

Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News