L’Afrique du XXIe siècle – L’Afrique de nos volontés, le dernier livre de Jacques Bonjawo, président du conseil d’administration de l’Université virtuelle africaine (UVA), paru aux Editions Karthala, nous invite à croire plus que jamais au développement du continent. Les nouvelles technologies et les biotechnologies sont, selon lui, des secteurs sur lesquels il devrait désormais s’appuyer pour renouer avec la croissance.
« Mon propos ne vise pas tant à pleurnicher sur le sort de l’Afrique qu’à offrir des solutions pour l’aider à sortir de ce marasme. …] Il va sans dire que la longue histoire de notre déclin pourrait conduire certains à croire que tout a été essayé, par conséquent qu’il vaut mieux ne rien faire et se contenter de vivre d’expédients. Naturellement, je m’inscris en faux contre cette vision apocalyptique de l’avenir », dixit [Jacques Bonjawo dans L’Afrique du XXIe siècle – L’Afrique de nos volontés, le dernier livre de l’actuel senior manager du programme IT Academy pour l’Afrique de l’Ouest, du centre et de l’Est chez Microsoft.
Afrik.com : Peut-on considérer que L’Afrique XXIe siècle est la suite de votre premier ouvrage L’Internet, une chance pour l’Afrique ?
Jacques Bonjawo : L’Afrique du XXIe siècle propose des solutions concrètes dans le cadre d’un développement alors que L’Internet, une chance pour l’Afrique était principalement axé sur une prise de conscience quant à la contribution des nouvelles technologies au développement de l’Afrique. Ce deuxième livre constitue effectivement une étape logique si l’on se réfère à mon précédent ouvrage.
Afrik.com : Quelles sont les solutions concrètes que vous proposez ?
Jacques Bonjawo : Il faut casser le système. J’entends par là repartir de zéro dans la mesure où le remède appliqué jusqu’ici n’a pas été concluant. Il faut repartir sur de nouvelles bases qui sont précisément les suivantes. Mettre la puissance des nouvelles technologies, technologies de l’information et biotechnologies, au service de la croissance. Cela ne veut pas dire pour autant que cette technologie soit un sésame. En revanche, elle peut permettre d’accélérer le processus qui est déjà mis en place. Car les gens ont encore la possibilité de concevoir des stratégies de développement qui intègrent les nouvelles technologies.
Afrik.com : Vous évoquez dans votre livre le recours à « une thérapie de choc », qu’entendez-vous par là ?
Jacques Bonjawo : Lorsque l’on est resté dans un système trop longtemps, même s’il ne s’est pas avéré efficace, il n’est pas évident de dire aux gens d’en changer. Il faut donc un changement brutal mais nécessaire. Comme cette aide publique au développement qui est un véritable fiasco, comme Michel Rocard le constate dans son livre publié en 2001 L’Autre Afrique. En dépit de ce constat d’un Premier ministre français, qui lui aussi n’a pas contribué à faire changer les choses, on a continué à donner en France l’aide publique au développement dans les mêmes conditions. Ce qui est a priori tout de même curieux si ce n’est que le système profite aux généreux donateurs. Mais c’est une information dont l’opinion publique française ne dispose pas, elle vit dans l’idée que les Africains dilapident « l’aumône » qui leur est faite par leurs Etats au détriment de leur développement. C’est ce qu’on leur fait croire et c’est cela qu’il faut dénoncer. Nos chefs d’Etat, lors du dernier sommet du G8, auraient dû clamer haut et fort que cette aide publique au développement est inefficace. Mais encore une fois, nous nous sommes contentés des miettes que les pays riches nous offrent pour se donner bonne conscience et éluder les vrais problèmes. Dans ce combat pour le développement, il est important que les Africains utilisent toutes les armes qui sont à notre disposition.
Afrik.com : c’est à dire ?
Jacques Bonjawo : Avant tout, il faut que les Africains croient en leurs capacités et prennent, eux aussi, conscience du fait qu’ils peuvent se développer s’ils font les bons choix. Le think thank qu’est le Club Millenium [[Ce club de réflexion, créé à l’initiative de Marie-Roger Biloa, directeur de publication du journal panafricain Africa International « regroupe des professionnels préoccupés par la situation du continent africain qui, plus que jamais, réclame un supplément de matière grise, de cogitation, de vision et d’action ». Son siège est à Paris.]] au travers des positions qui sont les siennes, contribue d’ailleurs à cette prise de conscience. Il faut qu’on cesse de croire que le FMI (Fonds monétaire international, ndlr) ou la Banque Mondiale vont nous aider. Cela fait plus de 20 ans que ça dure. Ces institutions n’ont jamais contribué au développement d’aucun pays dans le monde. Un pays responsable, par exemple la France, lorsque la République Démocratique du Congo vient lui demander de l’aide devrait plutôt lui proposer, compte tenu de la richesse de son sous-sol, de l’aider à tirer profit de cette manne naturelle. Ce n’est malheureusement pas le cas.
Afrik.com : Pensez-vous que les Etats africains aient les moyens et les ressources nécessaires de s’appuyer sur les nouvelles technologies pour se développer ? Car qui dit développement des nouvelles technologies de la communication et de l’information, dit celui des infrastructures…
Jacques Bonjawo : Oui. Tout d’abord lorsqu’on parle d’infrastructures, il ne s’agit pas d’infrastructures classiques. Dans mon livre, j’évoque des infrastructures innovantes. Prenons l’exemple de l’électricité en Afrique, la plupart du temps on pense à l’énergie classique alors que l’énergie solaire est une alternative qui pourrait, dans le contexte africain, être plus adaptée. On peut fournir beaucoup d’autres exemples similaires. Sans compter l’Université virtuelle africaine (UVA) qui, grâce à la formation à distance, permet de former en masse des étudiants à un coût moindre. Il s’agit donc de trouver des solutions innovantes adaptées au contexte africain. Il est important de ne pas transposer brutalement le système occidental. Il faut penser local et innovation.
Afrik.com : Vous prônez l’usage des biotechnologies alors que vous ne semblez pas approuver l’usage des OGM [[Organismes Génétiquement Modifiés]] qui en sont une application…
Jacques Bonjawo : Je pense que cela n’a pas d’importance d’être pour ou contre les OGM. En revanche, nous ne pouvons pas les ignorer dans la mesure où les autres nations les intègrent dans leur développement.
Afrik.com : Vous prônez également l’abolition pure et simple de l’aide publique au développement qui jusqu’ici n’a pas fait ses preuves. Le projet de la Commission for Africa ne peut donc constituer une alternative…
Jacques Bonjawo : Les solutions préconisées par M. Blair dépendent d’une enveloppe et je ne pense pas que ce soit la solution. Je l’explique largement dans mon livre. Car il est vital que les Africains eux-mêmes conçoivent des solutions capables de leur permettre de sortir de la crise. Mais surtout, ils doivent se former pour affronter l’Afrique du 21e siècle. Une Afrique qui s’adapte et change en intégrant ces données nouvelles que je mentionnais tantôt. C’est aussi l’Afrique de nos volontés parce que l’Afrique deviendra ce qu’elle voudra être.
Afrik.com : Dans votre ouvrage, vous évoquez vos multiples rencontres avec Alpha Oumar Konaré et Abdoulaye Wade qui ont démontré leur engagement vis à vis des nouvelles technologies. A l’instar de ces derniers, pensez-vous que nos dirigeants sont prêts à accompagner cette marche vers le développement avec ces nouveaux outils ?
Jacques Bonjawo : Oui ! S’ils sont bien intentionnés…Cela ne veut pas non plus dire que les solutions qu’ils préconisent sont les meilleures. Il relève justement de la responsabilité de chaque citoyen de participer à l’élaboration de cette solution globale. Je ne pense pas qu’il faille attendre nos dirigeants. Leur rôle est de donner le ton.
Afrik.com : Qu’est que ça représente pour vous en tant que membre de diaspora d’écrire un tel livre ?
Jacques Bonjawo : J’espère faire œuvre utile. Avant tout parce que je ne l’ai pas écrit en tant que membre de la diaspora. Certes, je vis à l’étranger mais je suis très présent en Afrique. Toute l’année qui vient de s’écouler, j’ai été physiquement à Abidjan, en tout cas en Afrique de l’Ouest. Cela a été un choix délibéré pour aller sur le terrain et voir comment les choses se passent, et mieux écrire ce livre en m’appuyant sur une expérience concrète. Par ailleurs, si je m’en réfère à cette étiquette que vous me collez de « membre de la diaspora », je considère que c’est un plus car cela permet d’apprendre des choses à l’étranger et de les appliquer sur le terrain.
Afrik.com : Le livre s’adresse à qui en particulier ?
Jacques Bonjawo : Il s’adresse à tous les Africains. Aux dirigeants, aux décideurs, à la société civile et vous vous en doutez bien aux universitaires. Car la formation est un volet important de cette démarche.
Afrik.com : Quelle est selon vous la place de la société civile dans le processus que vous évoquez ?
Jacques Bonjawo : La société civile en Afrique n’a pas encore atteint le stade où elle pourrait constituer un contrepoids politique.
Afrik.com : Une nouvelle université virtuelle est justement en création. Ne pensez-vous pas que cette Afrique de nos volontés doit être également celle de notre volonté commune ?
Jacques Bonjawo : Si cette nouvelle université s’attelle à traiter les problèmes que nous traitons déjà, ce ne sera pas une université de trop. Cependant, j’aurai souhaité que les Africains se mettent ensemble pour travailler avec plus d’efficacité.
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