Depuis janvier 2008, l’Afrique du Sud a rejoint les 30 des 48 pays d’Afrique subsaharienne, touchés par une crise de l’énergie électrique, obligés de subir de fréquentes coupures et restrictions d’électricité. Comment remédier à ces pénuries à répétition ? Dans cette contribution, Eustace Davie, directeur de la Free Market Foundation en Afrique du Sud, nous propose une analyse intéressante où il invite les dirigeants de l’Afrique du Sud à s’inspirer des expériences étrangères qui ont fait leur preuve, notamment en Europe et aux Etats-Unis. Selon l’auteur, la résolution du problème d’approvisionnement réside dans l’application du principe de la concurrence à tous les aspects de la fourniture d’électricité.
L’expérience dans le monde montre que, pour assurer la sécurité de l’approvisionnement, la production et le transport d’électricité par des entreprises concurrentielles sont essentiels. La réglementation de l’UE exige que les pays membres libéralisent toutes les filières de leurs industries d’électricité, et aux Etats-Unis, en raison de la nature généralement ouverte de son économie, l’industrie de l’électricité est déjà très concurrentielle.
La directive EC/72/2009 du Conseil et du Parlement européen en date du 13 Juillet 2009 est instructive. Elle stipule qu’une nation ne devrait pas compter uniquement sur ses propres unités de production et réseaux de distribution d’électricité, même si ces marchés sont concurrentiels ; mais devrait établir des connexions transfrontalières avec les fournisseurs d’autres pays si elle souhaite garantir des prix concurrentiels et la sécurité de l’approvisionnement.
Le paragraphe 9 de la directive prévoit que, «sans une séparation effective des réseaux des activités de production (dégroupage effectif), il existe un risque inhérent de discrimination non seulement dans l’exploitation du réseau, mais aussi dans les incitations pour les entreprises verticalement intégrées à investir convenablement dans leurs réseaux ». Si l’on applique cette directive à Eskom, celle-ci doit de préférence être dégroupée en trois sociétés d’exploitation indépendantes de transport, de production et de distribution d’électricité. Les règles de l’UE exigeraient également que les barrières à l’entrée dans chacune de ces activités soient simultanément supprimées afin d’encourager les nouveaux entrants. Eskom n’a certainement pas suffisamment investi dans son réseau en ce sens que les lignes de transmission ne sont pas capables de fournir une offre alternative d’électricité adéquate au Cap occidental lorsque Koeberg rencontre des problèmes. Elle n’a évidemment pas investi non plus dans une capacité de production suffisante. Si elle l’avait fait, l’Afrique du Sud n’aurait pas connu de pannes.
Le paragraphe 11 de la directive pourrait bien s’appliquer plus particulièrement à Eskom quand il stipule que : « Seule la suppression de l’incitation pour les entreprises verticalement intégrées de pratiquer une discrimination à l’encontre des concurrents, en ce qui concerne l’accès au réseau et les investissements, peut assurer un dégroupage effectif. Le découplage entre réseau et production/distribution, qui implique la désignation du propriétaire du réseau comme l’opérateur du système et son indépendance par rapport aux intérêts de la production et de la distribution, est clairement un moyen efficace et stable pour résoudre le conflit d’intérêts et assurer la sécurité d’approvisionnement ».
Ces deux paragraphes cités suggèrent que l’Afrique du Sud peut apprendre beaucoup de l’UE en fixant des directives pour atteindre des objectifs similaires à long terme : « réaliser des gains d’efficacité, des prix compétitifs, et des standards élevés de service, et contribuer à la sécurité d’approvisionnement, ainsi qu’à la durabilité ». Les efforts visant à bloquer l’accès des concurrents aux réseaux de transmission, l’incapacité à réaliser des investissements en temps opportun en capacités de production et de transmission, et l’incapacité des distributeurs à maintenir et à améliorer les réseaux de distribution, est un comportement qui peut être attendu dans des juridictions où les concurrents ne sont pas capables de fournir des offres alternatives.
Ouvrir la production et la distribution aux fournisseurs compétitifs
L’isolement géographique de l’Afrique du Sud d’autres pays relativement développés l’empêche d’atteindre le niveau de concurrence que l’UE considère comme très souhaitable, mais une grande partie du dégroupage peut cependant avoir lieu dans le marché de l’électricité au bénéfice des usagers. Créer une entité distincte et autonome pour posséder et exploiter le réseau de transmission de l’Afrique du Sud serait un bon début. Le but serait d’ouvrir la production et la distribution d’électricité aux fournisseurs compétitifs : c’est la seule façon de garantir la sécurité de l’approvisionnement et des prix compétitifs sur le long terme. Alors que le propriétaire et l’exploitant du réseau garderait le monopole, des mesures devront être adoptées pour veiller à ce qu’aucune « discrimination en ce qui concerne l’accès au réseau » ne se produise, en conformité avec les exigences du paragraphe 32 de la directive de l’UE qui stipule que, « de nouvelles mesures devraient être prises afin d’assurer des tarifs d’accès transparents et non-discriminatoires aux réseaux. »
Aux États-Unis aucune directive n’est nécessaire pour créer un marché concurrentiel de l’électricité : le marché est déjà très concurrentiel. Les erreurs réglementaires, tels que les contrôles de prix qui avaient entrainé les coupures en Californie, ont été supprimées.
Selon le Département américain de l’énergie, la diffusion de l’investissement dans le secteur de l’électricité se répartit à hauteur de 60% dans les centrales électriques, 30% dans la distribution, et 10% dans le transport. Il y a 3100 unités électriques ; 213 sociétés privées qui alimentent en courant 73% des clients alors que 2.000 entreprises publiques et 930 coopératives d’électricité approvisionnent les 27% de clients restants. La plus grande part du secteur américain de l’électricité est de loin détenue par le privé, y compris la production, le transport d’électricité haute tension, et la distribution d’électricité basse tension aux usagers. Le North American Electric Reliability Council, un organisme à but non lucratif élu par les opérateurs, assure le maintien de l’intégrité des réseaux d’électricité liés des États-Unis, du Canada et de la partie nord du Mexique.
Ce qui devrait intéresser les Sud-Africains est qu’aucune partie de la production, de transport et de distribution d’électricité ne devrait être considérée comme un monopole naturel. En fait, dans l’intérêt des consommateurs, tous les aspects de la fourniture d’électricité devrait faire l’objet d’une concurrence ouverte. Être dépendant d’une entité unique ne garantit pas la sécurité d’approvisionnement.