Avec une trentaine de films en compétition, le Festival de Marseille a permis de découvrir nombre de regards sur l’Afrique : français (Claude Mourieras avec Le prêt, la poule et l’oeuf), mixtes (le travail collectif de Magume) ou africains, par le biais de séries télévisées, lieux de découverte et de création.
Le prêt, la poule et l’oeuf, du cinéaste Claude Mourieras, est un volet d’une collection plus large de l’unité fiction d’Arte sur l’argent. Ce film a reçu le prix Marseille Espérance, octroyé par une association réunissant les sept grandes familles religieuses de la ville. Trajet du micro-crédit en Afrique, Le prêt, la poule et l’oeuf suit avec humour et humanité les efforts d’un homme pour monter une structure permettant aux femmes du pays d’obtenir de petits prêts.
Petit à petit, l’une peut acheter une poule, l’autre des oeufs, chacune remboursant toutes les deux semaines et se portant garante des autres… ce qui ne va pas sans heurts. Pour Adam, ancien prisonnier politique, il s’agit d’un véritable combat quotidien, auquel il forme un jeune, dont il discute avec un de ses anciens camarades de prison, pour tenter inlassablement d’améliorer la formule. Le réalisateur brosse un portrait de ces femmes qui travaillent d’arrache-pied pour survivre, mais aussi d’un homme qui n’abandonne jamais, le tout avec beaucoup de respect et de pudeur…
Magume, un travail collectif au Burundi
Le Burundi est entré en guerre civile en 1993 : Hutus et Tutsis s’entre-tuent, revivant la douleur collective qui a déjà déchiré le pays en 1972. Un homme, Zacharie Bukuru, recteur du séminaire de Buta, se bat pour que son école reste ouverte, et que les élèves Hutus et Tutsis vivent ensemble. Mais en 1997, un groupe armé envahit le séminaire, demande la séparation des élèves, afin de tuer les Tutsis et d’enrôler les Hutus. Tous les élèves refusent et quarante d’entre eux sont assassinés.
En janvier 2001, deux jeunes Français (Joachim Gatti et Jean-Baptiste Leroux) s’installent à Buta pour un atelier vidéo. Avec eux, pendant près de quatre mois, les élèves vont construire une nouvelle parole. Ils interrogent leur histoire à l’aide d’une » table de négociations imaginaire autour de l’identité Burundaise » et d’un personnage de fiction, Magume, au masque de bois, à la fois Hutu et Tutsi.
L’intérêt du projet réside dans le dispositif mis en place par les réalisateurs (deux anciens étudiants en philosophie et beaux-arts) : en jouant le rôle d' » intrus « , ils permettent aux jeunes Burundais de faire émerger la parole sous la douleur des années d’affrontements. La fiction et le théâtre se révèlent de précieux outils pour reconstruire l’avenir. Ce travail collectif ne craint pas de mettre en cause l’héritage des colonisateurs, qui ont favorisé les Tutsis et créé une inégalité raciale, lit des massacres futurs. Il s’agit ici moins de faire son deuil que de tourner la page. Ce film autoproduit avec une petite aide de l’Unesco et de la Parole Errante (association de Montreuil), a été diffusé au séminaire de Buta. Mais pour l’instant en France, aucune télévision ne l’a encore acheté.
Des séries télévisées vivaces
Ce festival Marseillais (du 2 au 7 juillet dernier) a aussi été une occasion (unique ?) de découvrir deux séries télévisées témoins de la vivacité de la création dans ces pays où l’image peut devenir un mode de communication privilégié : Tedgré, ( » le temps du changement « ) nous vient du Burkina Faso. Cette série traite du sort des femmes et de leur lutte pour leurs droits (au mariage, à la contraception, à la politique, à la propriété….). Produits par une ONG Italienne (Terre des Hommes) et deux organisations du Burkina Faso, les cinq films d’une demi-heure sont didactiques sans être pesants, drôles tout en abordant des sujets essentiels. Ils ont été programmés sur la chaîne nationale du Burkina (TNB) mais ils tournent aussi grâce au cinéma ambulant dans les zones rurales où ils sont le plus utiles.
Utiles et essentiels, tout comme la collection » STEP for the future » qui met en lumière des actions contre le Sida dans sept pays d’Afrique Australe. STEP (Special Transformation and Enpowerment Projects), regroupe plus d’une centaine d’associations à but non lucratif pour une trentaine de films. Ainsi Dumisani Phakati, réalisateur d’Afrique du Sud, dresse un portrait énergique du ghetto dans lequel il a grandi ( » Lettre d’amour « ). Ces films seront programmés par une vingtaine de chaînes dans le monde, dont la BBC et Arte. Un projet important et de qualité.
Retrouvez le programme et le Palmarès .