Nicolas Sarkozy est allé chercher les journalistes français inculpés dans l’affaire de L’arche de Zoé, ce dimanche, au Tchad, comme on libère des otages. Le président français, qui a malmené la justice tchadienne pour les besoins du coup d’éclat, assure néanmoins qu’il faut se garder de faire du procès de l’ONG française une « affaire politique ».
Le 30 octobre dernier, pour son baptême à l’Assemblée nationale, Rama Yade avait expliqué au député socialiste Jean Louis Bianco que si la France n’était pas intervenue pour interrompre l’odyssée de L’arche de Zoé, c’est parce que « le Tchad est un Etat souverain » et que « la France respecte sa souveraineté ». « L’Afrique de papa, c’est terminé », avait ajouté la secrétaire d’Etat, dans une pique d’autant plus cinglante qu’elle raisonnait dans la bouche d’une jeune femme d’origine sénégalaise.
Dimanche, les magistrats qui ont vu débarquer Nicolas Sarkozy tout sourire sur le tarmac de l’aéroport de N’djamena n’ont pas dû comprendre. Le chef de l’Etat français semble être venu sauver des ressortissants français des mains des autorités tchadiennes comme il avait sauvé des enfants des mains du preneur d’otages de la maternelle de Neuilly-sur-Seine, Eric Schmitt, en 1993.
Il est vrai qu’il s’intéresse particulièrement aux trois journalistes – Marie-Agnès Peleran, de France 3, d’abord présentée comme étant en congé humanitaire, est finalement redevenue journaliste – qui avaient été étrangement inculpés pour « enlèvement », six jours plus tôt, en même temps que les membres de L’arche de Zoé. Afin qu’ils soient libérés dans la journée et que la promenade dominicale du président s’achève en apothéose, la justice tchadienne a dû se plier aux exigences de Paris et du palais présidentiel tchadien.
« Depuis quand les magistrats travaillent le dimanche ?»
Toujours entre les mains de la justice à son arrivée, les trois journalistes ont été libérés dans l’après-midi, en même temps que quatre hôtesses de l’air espagnoles. Le juge a levé les mandats de dépôt qui les frappaient mais leurs dossiers restent en instruction au Tchad… « Que voulez-vous qu’on vous dise ? Evidemment, c’est une atteinte à l’indépendance de la justice. Depuis quand les magistrats travaillent le dimanche ?», s’est plaint un magistrat auprès de l’envoyée spéciale du quotidien français Libération, avant même la relaxe des sept prisonniers, alors qu’un autre explique comment un membre du parquet a « claqué la porte », samedi, pour ne pas signer les ordonnances de libération.
Le chef de l’Etat français n’en démord pourtant pas : « La justice tchadienne a ses procédures et ses calendriers et la France les respecte », assure-t-il à un journaliste, lors d’un point presse mené avec son homologue tchadien, juste avant de s’envoler avec les ex-prisonniers. Idriss Deby Itno, plus dans le ton, a pour sa part « sincèrement remerci[é] les magistrats qui ont travaillé jour et nuit pour que nous parvenions aujourd’hui à ce résultat ».
Sarkozy : il ne faut pas « en faire une affaire politique »
Concernant les autres accusés français, des accords existent entre Paris et N’djamena, prévoyant qu’ils soient jugés soit au Tchad, soit à Paris, a expliqué Nicolas sarkozy lors de la conférence de presse. « C’est à la justice de nos deux pays d’en discuter. Il faut donc les laisser discuter et surtout ne pas en faire une affaire politique », ose-t-il prévenir, sans omettre d’estimer le délai de ces discussions, face à son homologue, en terme de « semaines ».
« En venant vous-même au Tchad, ne prenez-vous pas le risque que cela suscite un sentiment selon lequel la France ne s’accommode toujours pas de l’indépendance des Etats africains ?», interroge un journaliste. « Je ne vois pas en quoi cela a pu porter atteinte à quelque susceptibilité que ce soit », assure Nicolas Sarkozy, pointant le cas des journalistes « retenus dans les conditions que l’on connaît ». Le chef de l’Etat français, qui s’est présenté durant les élections présidentielles comme le candidat de la rupture dans les relations françafricaines, d’insister : « Alors si à chaque fois qu’on va dans un pays pour régler un problème, on porte atteinte à l’indépendance du pays, on n’a qu’à rester chez soi, comme ça on ne risquera aucun problème »…
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