Beaucoup d’Africains ont oublié qu’ils sont Africains! Pour qu’ils arrivent à trouver des solutions aux problèmes qu’ils subissent, ils doivent en comprendre les causes profondes, et appliquer des solutions locales appropriées.
La cause fondamentale des pires problèmes réside dans la lutte pour le pouvoir politique, exacerbée par les héritages du colonialisme. Celui-ci fait maintenant partie du passé. Parmi cet héritage, ce qui mérite notre attention est de comprendre l’origine des conflits qui minent le continent. Nombre d’entre eux sont liés au fait que les Africains ont oublié qu’ils sont Africains.
Deux formes distinctes de la démocratie
La démocratie signifie : « le pouvoir au peuple ». Cependant, il existe deux formes distinctes de démocratie. Celle apportée à l’Afrique par les puissances coloniales, et celle qui existait depuis des lustres.
La démocratie représentative importée par le colon permet aux populations, lors des élections, de voter pour des représentants qui prennent ensuite des décisions en leur nom. La démocratie directe est la plus haute forme de la démocratie participative. Dans ce cas, les gens se rassemblent, soit lors d’une réunion publique (un imbizo, lekgotla, Indaba) ou votent lors des référendums pour prendre des décisions sur une base consensuelle. Cette dernière forme est pratiquée en Suisse, avec son système de cantons, et dans certaines zones d’Afrique où le système tribal de la démocratie directe continue de fonctionner.
Les puissances coloniales ont partitionné les territoires africains regroupant souvent des gens qui avaient été des rivaux, voire des ennemis, pendant des siècles. Ils ont sapé le pouvoir des dirigeants africains traditionnels locaux et ont fragilisé les anciens processus de décision participatifs des communautés traditionnelles africaines. La démocratie représentative n’a pas bien fonctionné en Afrique.
La démocratie directe a un rôle à jouer en Afrique du Sud
L’adoption par l’Afrique du Sud, en 1996, d’une constitution basée sur la démocratie représentative ne signifie pas que les formes démocratiques traditionnelles de gouvernance africaines sont exclues. La démocratie directe de style africain est d’ailleurs particulièrement appropriée à la gouvernance locale.
Pourtant, de nombreux gouvernements africains élus, à l’image du colon, ont tendance à marginaliser les communautés traditionnelles et à minimiser leur rôle dans les processus décisionnels participatifs anciens qui étaient efficaces et pacifiques. Ce déséquilibre crée des litiges et conflits. Par conséquent, nous devons concevoir un système qui allie la démocratie directe d’origine africaine au niveau de la communauté locale à la démocratie représentative héritée des colonisateurs au niveau national et provincial. Faire cela permettrait de rendre aux communautés locales leurs anciens systèmes de prise de décision dans lesquels tout le monde peut participer, ce qui réduirait considérablement les conflits sur l’ensemble du continent.
L’Afrique trahie
« L’Afrique trahie » de George Ayittey a alerté le monde sur le manque général de compréhension de la véritable nature du système économique du continent. Il souligne particulièrement que les Africains ne sont pas intrinsèquement socialistes, comme on a tendance à l’affirmer facilement. Pour lui, les communautés africaines ont une tradition séculaire de la propriété privée des maisons, des outils, des ustensiles, et du bétail. La propriété foncière n’est devenue un problème que lors de l’arrivée des Européens.
Les berceaux de l’héritage de l’Afrique du Sud
Si les Sud-Africains souhaitent préserver leur patrimoine, il faut que les jeunes puissent apprendre leur langue, leur histoire et leur culture. Il faut que les anciens processus décisionnels consensuels africains soient rétablis et enseignés. Tout cela peut être échangé dans les domaines traditionnels où les communautés ont vécu pendant des décennies, voire des siècles. Le processus de conversion de toutes les terres de la communauté traditionnelle en « terres appropriées » est nécessaire pour assurer la sécurité de leur propriété et permettre le rétablissement de la tradition, vitale pour la restauration de « l’âme de la communauté ».
Les Africains peuvent tirer profit des connaissances acquises par des non-Africains
Nous ne pouvons pas blâmer les seuls colons pour l’oppression et la domination qui perdurent. En effet, les pays africains post-coloniaux n’ont jamais fait d’effort d’introspection depuis le départ des puissances coloniales. Nous devons admettre que nous sommes responsables et qu’il est temps d’utiliser certaines coutumes de nos ancêtres pour enrichir notre système démocratique. Par conséquent, tout en poursuivant la modernisation, nos identités ne doivent pas être sacrifiées pour celles des Européens. Nous devons, à travers les communautés, préserver ces parties de notre patrimoine qui sont d’une grande valeur pour nous et emprunter au reste du monde les choses qui peuvent nous enrichir. Que chacun de nous se réapproprie sa propre identité.
Les communautés traditionnelles d’Afrique du Sud et leurs leaders sont actuellement dans une position d’impuissance. La nouvelle législation les a dépouillés de leurs droits et de leurs pouvoirs traditionnels au sein de leurs propres communautés. Ils ne peuvent pas prendre et appliquer les décisions consensuelles importantes de la communauté, comme autrefois. Si les jeunes veulent apprendre à être fiers d’être Africains, ils ont besoin de voir les dirigeants africains gouverner comme des Africains. Pour cela, il faut des réformes :
La Constitution doit être modifiée pour renforcer les pouvoirs et les fonctions des structures traditionnelles et locales;
Les dirigeants locaux et traditionnels ne doivent pas participer à la politique du parti en même temps qu’ils sont au service de leurs communautés.
Les lois doivent veiller à ce que les processus décisionnels consensuels soient suivis au moment de décider sur toutes les questions qui touchent les communautés;
Un processus de coopération doit être élaboré en collaboration avec les différents services de l’État dans lesquels les communautés jouent un rôle;
Les freins et les contrepoids institutionnels appropriés doivent être mis en place pour éviter les abus.
Les avantages des structures gérées par les communautés
La participation communautaire à tous les aspects de la vie devrait transformer les communautés rurales et locales et réduire leur dépendance envers le gouvernement. De cette façon, la prise de décision sera effectivement dépolitisée. Les structures issues des communautés feront en sorte que toutes les langues, les coutumes, les cultures et les codes moraux de l’Afrique du Sud soient nourris et préservés. Les communautés prospèreront et deviendront des modèles montrant au monde comment fonctionnent les véritables communautés africaines.
C’est seulement à ce moment que nous pourrons parler de renaissance de l’Afrique, et que nos enfants ainsi que les enfants de leurs enfants sauront avec certitude qui ils sont et d’où ils viennent. Ils seront en mesure de dire avec fierté : JE SUIS UN AFRICAIN!