L’Afrique de l’Ouest s’embrase sous les yeux de la CEDEAO


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Alassane Ouattara et Alpha Condé
Alassane Ouattara et Alpha Condé

La Guinée d’Alpha Condé brûle, la Côte d’Ivoire d’Alassane Ouattara est en feu, Le Nigeria de Muhammadu Buhari est en crise. Tout ceci au nez et à la barbe de la CEDEAO devenue totalement impuissante devant l’enchaînement des événements malheureux dans ses Etats membres.

Il y a quelques années encore, l’Afrique de l’Ouest, dans sa grande majorité, donnait des leçons de démocratie et de stabilité à d’autres régions du continent. La CEDEAO passait pour un outil d’intégration réussi au point de susciter l’adhésion de pays n’appartenant géographiquement pas à la sous-région ouest-africaine. Mais hélas ! Il paraît aujourd’hui lointain cette belle époque, ah! le bon vieux temps, pourrait-on dire.

Alpha condé alassane ouattaraDe mauvais élèves ont commencé par sortir des rangs, copiant et colportant le mauvais exemple d’ailleurs, que dis-je, les pratiques d’une autre époque. Je ne voudrais pas tenir compte du petit Togo, propriété privée de la dynastie Gnassingbé qui y règne sans partage depuis 53 ans, et peut-être pour 50 autres années. Qui sait ? Les peuples ont les dirigeants qu’ils méritent, dites-vous ? Je ne crois pas que les Togolais méritent le sort qui est le leur depuis tant de décades. Démocratie stable, le Togo ne l’a jamais été. Pas plus que la Guinée qui, en revanche, a fait son entrée dans le cercle des pays jouissant des acquis démocratiques à partir de 2010, en portant à la magistrature suprême l’opposant de toujours, Alpha Condé.

Premières élections démocratiques dans un pays où, pendant longtemps les scrutins présidentiels ont été remportés par le prince, avec des scores staliniens. Que vous votiez pour Lansana Conté ou pas, dans tous les cas, au terme du scrutin, c’est lui qui est toujours élu et réélu depuis les premières élections de 1993 intervenues presque 10 ans après sa prise de pouvoir, en 1984, jusqu’à ce que la grande faucheuse ne le happe, en 2008.

Alpha Condé a droite en compagnie de Alassane OuattaraEn confiant, en 2010, les destinées de leur pays à celui qui s’était forgé, au fil des années de lutte, la réputation d’une personne foncièrement contre la dictature et imbue des principes démocratiques, les Guinéens ont pensé avoir fait le meilleur choix. Mais, à quelques mois de la fin de son second et dernier mandat constitutionnel, Alpha Condé montre sa vraie face. A 82 ans, le vieillard décide de faire réviser la Constitution de son pays afin de se présenter pour un troisième mandat. Au nez et à la barbe de la CEDEAO, qui reste muette comme une carpe devant ce coup d’Etat constitutionnel.

Les Guinéens manifestent pour faire barrage à ce troisième mandat. Alpha Condé leur oppose l’armée pour faire un passage en force, jusqu’à la tenue de l’élection, le 18 octobre dernier. Au lendemain, alors que l’opposant candidat, Cellou Dalein Diallo, crie victoire avant même la proclamation des premières tendances, des scènes de violences éclatent à Conakry, se poursuivent et s’intensifient après que la CENI a donné, mardi soir, Alpha Condé en tête dans quatre circonscriptions électorales sur un total de trente-huit. Les affrontements entre forces de l’ordre et partisans de l’opposition font plusieurs morts. Aucune action de la part de la CEDEAO.

Violence policièreDans la Côte d’Ivoire voisine, elle aussi tenue par un vieillard, septuagénaire, qui s’accroche de toutes ses forces au pouvoir, obnubilé par le troisième mandat, les scènes de violences sont devenues le lot quotidien des populations, depuis qu’Alassane Ouattara a rendu publique sa volonté de rester au pouvoir. Les morts se comptent par dizaines. Ces trois derniers jours, c’est dans la ville de Dabou que les violences ont atteint leur point culminant. Au moins six morts sont dénombrés. Là encore, la CEDEAO n’a rien pu faire, en dehors de deux missions de diplomatie préventive qui n’ont abouti à aucune avancée. Et la tension reste vive en Côte d’ivoire.

Plus à l’Est, au Nigeria, une manifestation contre les violences exercées à l’encontre des populations par les brigades anticriminalité, s’est transmuée en une contestation du régime du Président Buhari. La répression sauvage des forces de l’ordre qui ont ouvert le feu sur plus de 1 000 manifestants, faisant plusieurs dizaines de morts, le mardi dernier, laisse pantois. Et cela se passe au Nigeria, pays dans lequel se trouve le siège de la CEDEAO.

Ce manque de réactivité de la CEDEAO qui s’empresse de sortir des communiqués lorsqu’un chef d’Etat, fût-il vomi par son peuple, est chassé du pouvoir, mais devient muette devant des souffrances infligées aux peuples par les dirigeants, pose un sérieux problème. En tout cas, l’organisation gagnerait en crédibilité à se mettre aussi au service des peuples et non des seuls dirigeants.

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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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