Tandis que la production, la consommation et le trafic de drogues sont demeurés stables dans le monde l’année dernière, l’Afrique de l’Ouest est allée à l’encontre de la tendance mondiale, puisqu’on y a enregistré une augmentation du trafic et de la consommation de cocaïne et d’autres drogues, selon le rapport mondial 2007 sur la drogue, publié par l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC).
« Aucun pays d’Afrique de l’Ouest n’est à l’abri de l’assaut des trafiquants de drogues », a expliqué Antonio Mazzitelli, le représentant de l’ONUDC en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale.
S’il est vrai qu’en 2005, les saisies de cocaïne en Afrique représentaient seulement 0,3 pour cent des saisies mondiales, leur nombre s’est multiplié par six entre 2000 et 2005 – une des augmentations les plus importantes du monde.
Sur le continent africain, plus de la moitié des saisies de cocaïne sont effectuées en Afrique de l’Ouest. Le Sénégal, la Gambie, le Cap Vert et le Nigeria ont tous enregistré une augmentation d’au moins 10 pour cent des saisies de cocaïne en 2005, selon le rapport.
« L’augmentation du nombre des saisies dans la région reflète le fait que ce continent, et notamment les pays situés dans le Golfe de Guinée et le long de la côte du Cap Vert, sert de plus en plus de lieu de transit pour acheminer la cocaïne en provenance d’Amérique du Sud et à destination des marchés d’Europe occidentale », peut-on lire dans le rapport.
De plus grandes quantités d’opiacés, et notamment d’héroïne en provenance d’Afghanistan, sont également acheminées illicitement vers l’Amérique du Nord via l’Afrique, selon le rapport.
Les trafiquants envisagent même de faire entrer clandestinement aux Etats-Unis, via l’Afrique, les produits chimiques nécessaires à la production de métamphétamines, maintenant que les contrôles sont plus stricts au Canada et au Mexique.
Un continent bien situé
L’Afrique du Nord attire les trafiquants en raison de sa situation géographique, mais aussi du fait de l’impunité qu’elle offre et des risques relativement faibles qu’elle présente pour de nombreux trafiquants, d’après M. Mazzitelli.
Quant au trafic de haschich via la ceinture sahélienne, composée des pays extrêmement pauvres qui marquent la frontière entre l’Afrique du Nord, le désert du Sahara et l’Afrique sub-saharienne, une région plus tropicale, il constitue une source de préoccupation particulière, a-t-il poursuivi.
« Ces Etats sont immenses, et composés de vastes zones non peuplées ; et les autorités y sont très peu présentes. Cela facilite l’ouverture de couloirs de trafic », a-t-il dit.
Les Etats africains en situation de post-conflit attirent également les trafiquants car ces environnements stables, mais faibles et souvent corrompus sont « parfaits » pour leurs activités, a-t-il ajouté.
Au début du mois de juillet, les autorités sénégalaises ont effectué deux saisies record de cocaïne à quelques jours d’intervalle, après avoir trouvé un bateau à voile vide, qui transportait 1,2 tonne de cocaïne, à Nianing, au sud de la capitale Dakar.
La cocaïne, d’une valeur marchande de 100 millions de dollars, aurait été accompagnée de billets d’avion pour la Guinée-Bissau, au départ du Brésil. Six personnes – dont trois Sénégalais et des ressortissants d’Amérique du Sud– ont été arrêtées.
Consommation de drogues également en hausse
Selon l’ONUDC, la recrudescence du trafic explique sans doute en grande partie l’augmentation de la consommation de drogues en Afrique de l’Ouest. La cocaïne et le crack créent de nouveaux marchés, surtout au Cap Vert et, dans une moindre mesure, au Sénégal.
La Guinée, la Sierra Leone, le Ghana et le Cameroun ont tous constaté une augmentation de la consommation de drogues sur leur territoire, d’après le rapport de l’ONUDC.
La consommation d’héroïne est également en recrudescence en Afrique de l’Ouest, ce qui suscite d’autres préoccupations humanitaires. L’augmentation de la consommation de cette drogue – injectable par plusieurs personnes avec la même seringue – est un facteur qui aura des conséquences sur la lutte contre le VIH/SIDA, a ajouté M. Mazzitelli.
Dans les pays en situation de post-conflit, le trafic peut aussi être une source d’instabilité, a-t-il estimé, l’armée, la police et les politiciens luttant chacun pour s’assurer une part des profits.
« Dans les pays où il n’y a ni industrie ni emplois, l’argent que les trafiquants sont prêts à débourser pour s’assurer une protection peut représenter une source de revenus considérable. De nombreuses personnes sont susceptibles de lutter pour mettre la main sur cet argent », a-t-il dit.
La Guinée-Bissau, un tout petit pays composé d’un vaste archipel d’îles éparpillées, et situé immédiatement au sud du Sénégal, sur la côte ouest-africaine, a acquis la réputation d’être le le premier narco-Etat d’Afrique, le point d’entrée des drogues en provenance d’Amérique latine.
L’ONUDC a enregistré plus de 50 saisies de drogues au cours des deux dernières années, dans ce seul pays. La saisie la plus importante (674 kilos de cocaïne) a été effectuée par la police en septembre. Une deuxième prise de 600 kilos supplémentaires a eu lieu au printemps.
En avril, le Burkina Faso a intercepté 49 kilos de cocaïne à la frontière malienne. Et en mai, les autorités mauritaniennes ont découvert 630 kilos de cocaïne dans un avion abandonné près de l’aéroport de Nouadhibou, 500 kilomètres au nord de Nouakchott, la capitale.
Source de notre partenaire IRIN