Une centaine de pays signent mercredi et jeudi, à Oslo, une convention interdisant l’utilisation des bombes à sous-munitions (BASM). Ce traité, salué par l’Organisation des Nations unies, est rejeté par les gros producteurs d’armes que sont les Etats-Unis, la Russie, la Chine et Israël. En Afrique, où plusieurs régions sont contaminées par ces armes, il est difficile de chiffrer le nombre de victimes et il existe un vrai risque de prolifération.
Exit les bombes à sous-munitions (BASM) [[Les bombes à sous-munitions sont des petites bombes regroupées dans une grosse bombe, un missile ou une roquette. Elles peuvent être larguées par avion ou tirées par des lance-roquettes.]]. Dix ans après le traité d’Ottawa qui interdit l’utilisation des mines antipersonnel dans les conflits, cent pays environ, signent mercredi et jeudi à Oslo, la capitale norvégienne, une convention bannissant la production, l’utilisation, le stockage et le commerce des bombes à sous-munitions. Cette convention oblige aussi les signataires à venir en aide aux pays et aux personnes victimes des BASM.
Selon l’Ong Handicap International, près de 100 000 personnes, dont 98% sont des civils, ont été tuées ou mutilées dans l’explosion de bombes à sous-munitions à travers le monde depuis 1965. Plus d’un quart de ces victimes sont des enfants. En Afrique, si aucune statistique n’évalue le nombre de victimes, celles-ci sont pourtant importantes. Sur les 440 millions de bombes à sous-munitions dispersées dans le monde depuis quarante ans, notamment en Asie, près de 33 millions d’engins n’auraient pas encore été neutralisés.
Le conflit du Liban, en été 2006, pendant lequel ces sous-munitions ont fait plus de 200 victimes quelques semaines après les bombardements d’Israël, a contribué à « éveiller les consciences », estime Marion Libertucci, Responsable de plaidoyer à Handicap International dans les pays francophones d’Afrique. En mai dernier, à Dublin (Irlande), Ong et associations humanitaires ont âprement négocié avec les Etats la signature du traité.
Risque de prolifération dans les zones conflictuelles en Afrique
A Oslo, la capitale norvégienne, des pays comme la France ou la Grande Bretagne qui, jusque-là, s’opposaient à l’interdiction de ces armes ont signé cette convention. Selon Jean-Marie Fardeau, directeur du bureau parisien de l’Ong Human Rights Watch, « il s’agit d’une avancée significative. Il y a quelques années encore, la plupart des pays signataires considéraient que les bombes à sous-munitions étaient indispensables pour leurs armées.»
Pour l’Afrique, l’enjeu de ce traité est double, explique Marion Libertucci. D’abord parce plusieurs pays, comme l’Erythrée, l’Ethiopie, l’Angola, et aussi la République démocratique du Congo sont infestés par les sous-munitions. Grâce à ce traité, ils vont recevoir l’aide des pays signataires qui s’engagent désormais à participer au nettoyage des zones contaminées. Ensuite, « il existe un vrai risque de prolifération de ces armes dans les zones conflictuelles », indique Marion Libertucci. «Comme dans le cas des mines antipersonnel, nous avons pu constater que ces armes sont généralement fabriquées dans les pays du Nord mais sont surtout utilisées dans les pays du Sud où elles font le plus de victimes».
L’Egypte, parmi les producteurs qui rejettent le traité
Les Etats africains ont pris conscience de ce danger. Nombre d’entre eux, la Côte d’Ivoire, le Sénégal et le Kenya par exemple, ont fait le déplacement en Norvège pour signer cette convention. En septembre déjà, la Coalition internationale contre les sous-munitions (CMC) [La Coalition internationale contre les sous-munitions ([CMC) regroupe près de 300 ONG]] a réuni à Kampala en Ouganda, une quarantaine d’entre eux pour les encourager à signer la convention.
Ce traité d’Oslo est certes historique, mais sa portée reste limitée. Les plus gros fabricants de bombes à sous-munitions étant absents. Les Etats-Unis, la Russie, Israël, la Chine…, ont refusé de le signer. Les Etats-Unis, à eux seuls, détiennent entre 700 et 800 millions de sous-munitions, selon la CMC. Sur le continent noir, l’Egypte et l’Afrique du Sud sont également producteurs de ces armes. Le pays arc-en-ciel, après avoir longtemps hésité, a finalement rejoint le groupe des signataires. « Malheureusement, l’Egypte est réticente », déplore Marion Libertucci qui ne désespère pas : « la mise en application de ce traité conduira à des normes tellement contraignantes que ces pays seront obligés de le respecter, comme on a pu le voir dans le cas de la convention des mines antipersonnel».
Autre bémol: les pays signataires de ce traité ont toujours le droit de disposer, en faible quantité, de bombes à sous-munitions pour, dit-on, l’entrainement des soldats au déminage.