Il y a encore quelques années en arrière, l’Afrique n’intéressait pas. Aujourd’hui la roue a tourné. De nombreux experts sont unanimes sur le fait que l’Afrique est le continent de l’avenir, contrairement à l’Europe qui est en récession. L’Afrique émergente est-elle une chance pour l’Europe ? C’est autour de cette question que l’association Adapes a organisé un séminaire, mercredi à Paris, conviant de nombreux experts pour échanger.
Il y a 11 ans, personne n’a oublié cette fameuse « Une » du journal britannique The Economics, qui titrait : « L’Afrique, le continent sans espoir ». Les plus superstitieux parlaient même d’une malédiction sur le continent africain, qui cumulait tous les maux du monde : guerre, conflits, maladie, pauvreté… Depuis, la roue a tourné. Tout porte à croire que « l’heure de l’Afrique a sonné », comme l’a affirmé, ce jeudi, François Hollande, lors de la clôture du forum économique Afrique-France, à la veille du Sommet de l’Elysée sur la paix et sécurité en Afrique.
Les experts sont unanimes sur le fait qu’aujourd’hui une Afrique émergente est en train de voir le jour. Sera-t-elle une chance pour l’Europe ? Plusieurs panélistes ont tenté de donner leur point de vue sur la question, lors d’un séminaire organisé, mercredi 4 novembre, par l’association Adapes, au restaurant universitaire de Mobillon, à Paris. Parmi les intervenants, de nombreux professeurs d’université, l’ancien ministre français Philippe Douste Blazy, l’ancien ministre de l’Economie de François Mitterrand, Edmond Alphandéry, le directeur du Centre de recherche tchadien CNRA, Mahmoud Youssouf Khayal, le recteur de l’université de N’Djamena, Ali Abdel-Rahmane Haggar, l’économiste algérien Abderrahmane Mebtoul ….
Les pays émergents à l’assaut de l’Afrique
Tous ont affirmé que l’Afrique émergente était une véritable chance pour l’Europe, frappée de plein fouet par la crise économique. Alors que la plupart des pays européens sont en récession, la croissance économique s’élève en moyenne à 5% dans la plupart des pays du continent. Pour l’ancien ministre français Phillippe Douste Blazy, « l’Afrique présente de nombreuses opportunités pour l’Europe. D’autant que l’Europe peut vendre des produits à l’Afrique émergente ». Des produits tels que les panneaux solaires, ou encore des biens de consommation. La Chine, mais aussi l’Inde, le Brésil, ou encore la Turquie, l’Iran, en vendent depuis quelques années à l’Afrique. Tous ces pays émergents s’intéressent de très près au continent.
La Chine est sans doute le pays qui a pour le moment eu la plus grosse part du gâteau. Mais, ce n’est pas étonnant, estime le directeur du CNRA, Mahmoud Youssouf Khayal, affirmant que l’Europe doit reconnaître qu’elle a trop longtemps « délaissé et oublié l’Afrique, qui représente pourtant un sérieux partenaire pour elle ». Pendant ce temps-là, « des pays comme la Chine, l’Inde, le Pakistan, en ont profité pour saisir des opportunités. Ils sont en Afrique depuis un moment d’ailleurs ». Mahmoud Youssouf Khayal appelle également les pays européens à confectionner et vendre des produits pour l’Afrique, pas chers et surtout adaptés aux besoins locaux, comme le fait la Chine. Cette avance de la Chine en Afrique sur l’Europe pousse l’ancien ministre de l’Economie de François Mitterrand, Edmond Alphandéry, artisan de la dévaluation du FCFA, à remettre en question l’approche de la France, notamment vis-à-vis du continent. Selon lui, la France a fait « l’erreur stratégique de considérer la zone franc comme sa chasse gardée. Il faudrait une sorte de catalyseur ».
« L’avenir de l’Afrique appartient aux Africains »
Mais bien que la croissance économique africaine soit en bonne santé, les inégalités sont très fortes sur le continent. La redistribution des richesses n’est toujours pas de mise. Et la mauvaise gouvernance constitue un réel frein au développement. Par conséquent, selon l’économiste algérien Abderrahmane Mebtoul, l’Afrique doit développer ses cultures vivrières, car elle est toujours confrontée aux problèmes liés à l’eau, à l’énergie, rappelle-t-il. « Et elle doit éviter que l’aide au développement aille dans l’armée ». L’économiste insiste aussi sur le fait que rien ne sera possible sans les Africains, soulignant que « l’avenir de l’Afrique appartient aux Africains » et non aux puissances occidentales. En clair, c’est aux Africains de prendre leur destin en main pour améliorer leurs conditions de vies.
Certes les difficultés sont quotidiennes en Afrique. Les crises malienne et centrafricaine, qui ont dernièrement éclaté, n’arrangent pas la situation du continent, confronté à une multitude de zones de conflits. Mais les observateurs sont unanimes pour dire que l’Afrique a toutes ses chances pour que la plupart des pays qui la composent deviennent émergents. Après la Chine, l’Inde, le Brésil, l’Europe l’a désormais compris. Elle va tenter d’y gagner des parts de marché. La question est de savoir si les Africains saisiront à leur tour leur chance pour transformer leur continent et renverser la tendance ? Surtout quand on sait que la population du Nigeria dépassera celle des Etats-Unis en 2050 et celle de la Chine en 2100 !