Ils sont quelques milliers de pèlerins africains sur les 6 millions de fidèles qui se retrouvent, chaque année, à Lourdes. Espoir de guérison ou simple envie de se recueillir, les kilomètres ne les empêchent pas de faire cette démarche de foi. Munis de bidons ou de gourdes, ils affluent à la Grotte de Massabielle pour puiser l’eau sacrée qu’ils rapporteront dans leur pays. Reportage.
De notre envoyée spéciale Louise Simondet
La ville de Lourdes se réveille doucement au son des cloches de la Basilique Notre-Dame du Rosaire. Il n’est que huit heures du matin et déjà pèlerins et fidèles affluent sur le parvis de l’église. Fort de 3 basiliques, le Sanctuaire de Lourdes, encerclé par les montagnes pyrénéennes, se dessine majestueusement. Dans la foule, de nombreux croyants africains. Une sensation de spiritualité et l’odeur de l’encens planent sur cet endroit hautement symbolique. « Ce n’est pas un lieu banal, déclare le père Raphaël Nzaou, originaire du Congo. Le ciel s’est ouvert ici. Dieu nous a confirmé que Marie était l’Immaculée Conception ». Depuis le 11 février 1858, jour de la première apparition de la Vierge Marie à la petite Bernadette Soubirous, dans la grotte de Massabielle, l’affluence n’a cessé de croître.
« Lourdes est une ville plurielle. Elle reçoit donc des pèlerins du monde entier dont des Africains », note Jean-François Morin, secrétaire général du Sanctuaire de Lourdes. Ils représentent environ quelques milliers sur les six millions qui viennent chaque année faire cette démarche de foi. Un chiffre qui n’a rien de dérisoire quand on connaît la charge financière d’un tel voyage. D’octobre à avril, la saison des pèlerinages dure sept mois. « La plupart du temps, ce sont des familles qui font le déplacement. Mais il y a aussi des groupes. Comme ces Ivoiriens qui sont venus spécialement pour le 15 août. On retrouve toutes les générations », indique Jean-François Morin. Cependant nombreux sont les Africains qui viennent à Lourdes en hiver. « Ils ont un peu le même réflexe que les Lourdais. Ils se disent qu’en y venant pendant la période hivernale, ils auront les Sanctuaires pour eux et seront mieux accueillis », conclue Jean-François Morin.
L’espoir de la guérison
« A Lourdes, l’accueil des malades est une priorité », souligne Jean-François Morin. 90 000 bénévoles sont mis à la disposition des personnes souffrantes ou handicapées pour les accompagner. C’est la présence des malades, qui viennent chercher la guérison du corps, mais aussi « celle du cœur », comme aime à le dire père Raphaël, qui frappe le plus dans ce lieu sacré. Debout, appuyés sur des béquilles ou assis dans des chaises roulantes ou de petites charrettes tirées par des jeunes, leur vision ne peut laisser insensible. Les piscines ont été bâties spécialement pour eux en 1955. Dix-sept bains ont été conçus pour recevoir malades et pèlerins qui désirent se plonger dans l’eau de la source.
« J’ai pleuré un peu lorsqu’ils m’ont mis dans le bain. J’ai eu l’émotion. Quand on est malade, cela fait un effet. Comme le jour du baptême », rapporte Paulette émue. Cette mère de famille est venue avec son fils et une amie de Côte d’Ivoire. L’espoir de la guérison est dans son esprit. « C’est mon amie qui m’a poussée à faire cette démarche. Elle vient souvent car elle est malade. Moi aussi je souffre. Mais je suis venue essentiellement pour prier pour la guérison de ma fille qui n’a pas pu faire le déplacement ». « Je suis allée me baigner en me disant que l’on peut avoir ici une grâce de la Vierge, dit avec conviction Chantal qui vient de la République démocratique du Congo. Il y a des gens qui ont eu des témoignages de guérison. Cette eau purifie. C’est une bénédiction ».
Depuis 1858, sur 7 000 déclarations de guérisons, 67 ont été reconnues comme des miracles, car « inexpliquées ». Le dernier en date est celui de Melle Anna Santariello, d’origine italienne, qui avait la maladie de Bouillaud (rhumatisme articulaire aigu). L’eau miraculeuse fait venir foule. Située sur la gauche, au fond de la grotte de Massabielle, on peut apercevoir la source à travers une vitre. Les pèlerins se massent devant, en attendant leur tour, sous le regard bienveillant de la statue de la Vierge Marie. 10 000 m3 d’eau de la source sont consommés chaque année. Mais l’eau est avant tout un symbole pour de nombreux pèlerins qui, comme Jordan, 10 ans, viennent avec de petites gourdes puiser l’eau précieuse ou comme Paulette, munie de bidons. De l’eau qu’ils rapporteront dans leur pays comme un témoignage de foi.
Un lieu priant
Mais le sanctuaire de Lourdes est avant tout un lieu « priant », où règne une atmosphère de piété. Agenouillée devant la statue de la Vierge, les mains jointes et les yeux fermés, Suzanne prie. Des larmes ruissellent sur ses joues. D’autres personnes, en position de recueillement pleurent également. Suzanne est mère de famille. Elle est venue du Sénégal avec son mari et ses quatre enfants. C’est la cinquième fois qu’elle fait le pèlerinage. « Je suis venue à Lourdes pour chercher la bénédiction, la grâce, prier pour tous les malades, mais aussi pour la paix. Il y a tellement de guerres dans le monde, c’est malheureux ».
Chantal tenait, elle aussi, à remercier la Vierge Marie. Bien que son mari soit décédé, elle continue de faire le pèlerinage. Cela fait plus de 10 ans qu’elle fait cette démarche de foi. « Je trouve que quand on est là, on a la paix et la joie. J’ai prié pour mes enfants, pour les malades. Pour que mon pays retrouve la stabilité. J’ai confié la RDC aux mains du Seigneur ». Quant au père Raphaël, sa démarche religieuse a une certaine résonance dans ce lieu. Lorsqu’il a été ordonné prêtre en novembre 2005 à Pointe Noire, au Congo, il a fait une consécration à la Vierge Marie. Il vient donc remercier et prier la mère du Christ.
Dans ce lieu rempli de monde et pourtant si calme, des processions sont organisées. Il est 21 heures. Les pèlerins se rassemblent devant la Grotte pour le cortège marital au flambeau. Bougies à la main, la foule se dirige lentement vers l’esplanade de Notre-Dame du Rosaire et ponctue sa marche par de petites haltes pour prier. En tête du défilé, la statue de la Vierge. Suivent les charrettes, transportant les malades. Il fait nuit. Le chant, « Tenez vos lampes allumées », est repris avec ferveur par la foule de fidèles. Les silhouettes se découpent à peine, on ne distingue que la lumière des bougies. Les flammes orangées dansent dans l’obscurité. Même si l’on n’est pas croyant, on ne peut rester indifférent à cette scène qui rassemble les pèlerins du monde entier. Dans la masse, sur un brancard, une vieille dame invalide, entourée de sa famille et qui vient de Côte d’Ivoire, rappelle qu’ici à Lourdes, l’Afrique a sa place.